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Débat autour de la campagne de l’UFP

Critique des trois partis néolibéraux et notre alternative

lundi 10 mars 2003, par Marc Bonhomme

Depuis quelque temps, l’UFP a fait une petite percée médiatique, surtout dans le Devoir. C’est un gain appréciable dont il faut se réjouir et qui est en grande partie dû à la notoriété des candidats UFP dans Mercier et Rosemont, sans compter que ceux-ci parviennent des communautés ethno-culturelles du Québec.

Il faut toutefois constater que cette percée s’est faite au prix d’un début de dérapage par rapport à notre orientation stratégique telle qu’exprimée par lors du congrès de fondation de l’UFP, en juin, par l’intermédiaire de la déclaration que devait signer les nouvelles adhérentes et adhérents :

« Je déclare être en rupture avec les partis néolibéraux (ADQ, PLQ, PQ) et désire contribuer à la construction d’un parti politique progressiste au Québec. »

En effet, notre candidat dans Mercier, selon les journalistes, « aurait néanmoins souhaité un rapprochement entre les deux partis ». Il « en impute la faute à la haute direction du PQ ». De dire notre candidat aux journalistes : « M. Landry était fermé à toute idée de ne pas présenter de candidatures dans un comté ». De son côté, notre candidat dans Rosemont blâme le PQ pour son refus de négocier (« C’est pas de la négociation, ça ! »), annonce qu’il va quand même se rendre à un rendez-vous sollicité par le PQ et affirme que sa candidature n’enlèvera pas de votes au PQ.

Dans le paragraphe précédent, il suffit de remplacer « PQ » par « ADQ » ou « PLQ » et on réalise à quel point ces propos ne sont pas « …en rupture avec les partis néolibéraux (ADQ, PLQ, PQ) ». On a l’impression que le PQ est un membre de la famille qui a fait fausse route mais qui doit revenir dans le droit chemin. Il faut arrêter de faire croire aux progressistes qu’on peut « tirer le Parti québécois à gauche » comme le dit notre candidat dans Mercier. Si on réussissait, étant donné le phénomène du vote utile dû au vote uninominal à un tour, on aura convaincu les progressistes de voter PQ pour bloquer l’ADQ et le PLQ qui, eux, ne peuvent pas être tirés à gauche. Effectivement, de cette manière, on n’enlèvera aucun vote au PQ et on restera marginal !

Il faut avouer que les dires des candidats dans Mercier et Rosemont s’inscrivent dans la ligne de pensée de la rencontre entre les directions de l’UFP et du PQ du 22 février. Le rapport de forces médiatique entre le PQ et l’UFP étant nettement à l’avantage du PQ, celui-ci récupère politiquement la rencontre. Les rapports de presse évoquent la possibilité de partage de comtés. On évoque aussi une entente de tolérance réciproque. La discussion à propos de la réforme électorale passe en second lieu. Peut-on imaginer une telle rencontre avec les états-majors de l’ADQ ou du PLQ ?

Il ne s’agit pas, non plus, de faire un procès à l’exécutif de l’UFP - et encore moins à nos candidats dans Mercier et Rosemont - puisqu’il avait reçu un mandat du congrès - dont l’auteur de ces lignes qui s’en mord les pouces - pour cette rencontre. Par manque d’expérience ou naïveté politique, mais aussi par incompréhension suffisante de notre orientation stratégique, le congrès n’avait pas compris le danger que recelait la grande différence du rapport de forces. Maintenant, on l’a appris à nos dépens. La visibilité médiatique - souvenons-nous qui contrôle les grands médias - doit nous faire redoubler de prudence.

Le PQ y aura gagné un vernis de gauche qui confortera la gauche sociale toujours attachée à ce parti tout en jetant la confusion chez ceux et celles qui envisageaient de voter pour nous. Un coup de barre à gauche est nécessaire. Il devient impératif de ré-expliquer que le PQ est un parti de droite, qui flash à gauche, dévoué corps et âme au développement de Québec Inc. dans le sillage d’une alliance avec l’impérialisme étasunien. L’auteur de ces lignes a tenté de produire une comparaison en un coup d’œil qui montre la nature similairement droitière, à des nuances près, des trois partis néolibéraux, comparaison que l’on retrouvera sur ce site web.

D’ailleurs, en comparaison, le programme de l’ADQ « …n’est pas un programme d’extrême droite avec ce que cela suppose de protectionnisme et de xénophobie [mais] un programme de droite populiste… » (Louis Cornellier commentant l’essai « À droite toute ! », Le Devoir, 1er mars 2003). L’ADQ flash à droite - moins qu’il y a quelque temps, cependant - et vire à droite. L’épreuve du pouvoir ne lui a pas encore appris l’hypocrisie péquiste ou libérale. Ça viendra.

La baisse des impôts ? Le PQ l’a fait avant lui. La privatisation de la santé ? Avec la sous-traitance ou (demi-)privatisation des buanderies, cafétérias, laboratoires, machines à résonance magnétique, services à domicile et dorénavant, opérations de cataractes et urgences - « Le privé en renfort pour soulager les urgences » dit Le Devoir du 5 mars à la une - , sans compter les groupes de médecine familiale qui tasseront les CLSC, la voie est toute tracée. La privatisation de l’éducation ? Il y a belle lurette que le Québec est le champion canadien des écoles privées et élitistes à l’intérieur du système public. L’anti-syndicalisme ? La paix industrielle qu’on a au Québec depuis 10 ans, comme le dit avec raison le spécialiste en relations de travail, Michel Grant (Le Devoir, 1er mars 2003) a-t-elle bénéficié au prolétariat syndiqué même si elle a fait la joie de la bureaucratie syndicale acoquinée avec le PQ ? Le prix en a été le déficit zéro, les désastreuses mises à la retraite anticipées dans les services publics et l’appauvrissement des personnes exclues.

Notre stratégie électorale se doit d’être en accord avec notre orientation stratégique comme l’est déjà notre plate-forme. Le PQ fait partie de l’ennemi de classe au même titre que l’ADQ et le PLQ. Et comme on n’a pas de convention collective à négocier avec le PQ, on n’a pas à les rencontrer pour quelle que raison que ça soit y compris embarquer dans leur Conseil de la souveraineté qui reste leur patente. Comme parti unifié et pluraliste de la gauche, il nous appartient, comme il en a été décidé à un récent Conseil de l’Union, de présenter le maximum de candidatures de sorte que l’UFP apparaisse comme un parti national affrontant en bloc les trois partis nationaux de droite.

En dehors des trois partis néolibéraux, on doit s’entendre avec les autres forces qui veulent solliciter le vote dans la mesure où elles sont antinéolibérales, indépendantistes, féministes, écologistes et internationalistes.

Le Parti Vert s’affirme anti-guerre et anti-ZLÉA même s’il n’en dit mot dans son programme ou dans sa plate-forme qui restent centristes et troublantes à bien des égards. Qu’on fasse avec eux une entente de tolérance réciproque - mais pas avec le PQ ! - cela s’entend à condition de ne pas la comprendre comme une coalition se partageant les comtés à cause des importantes ambiguïtés programmatiques de ce parti.

Par contre, avec la gauche sociale désireuse de présenter une candidature indépendante, l’accord programmatique étant plus important, la collaboration doit être celle d’une coalition pro-active comme ce l’est dans Jean-Lesage. Reste qu’il faut réaliser qu’une candidature indépendante de gauche n’amène pas à construire une organisation politique de gauche. Ce peut être un succès électoral mais sans lendemain. La collaboration ne doit pas exclure ce genre de discussion amicale.

Notre message électoral doit être une critique implacable de la nature droitière des trois partis néolibéraux, spécialement du PQ parce que c’est le parti au pouvoir et notre concurrent direct dans la gauche sociale et chez les progressistes. L’envers de la médaille de cette critique, c’est la mise en valeur de notre plate-forme avec slogans à l’avenant à compléter avec une plate-forme locale. Reste qu’il est nécessaire d’unifier toutes nos composantes derrière la même stratégie et le même message national car l’UFP est un parti national et non une coalition de régions, comtés et individus.

Marc Bonhomme, 5 mars 2003