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De Cochabamba à Cancun : Construire un mouvement pour la justice climatique au Québec

mardi 7 septembre 2010, par Roger Rashi


Tiré du site PTAG
mardi 15 juin 2010


La récente Conférence de Cochabamba sur les changements climatiques a lancé un appel à construire "un mouvement mondial des peuples pour la justice climatique." Une nouvelle caractéristique de cet appel, c’est qu’il est soutenu par les pays progressistes, notamment ceux de l’Alliance ALBA (Bolivie, Venezuela, Equateur , Cuba, et d’autres), ainsi que par les mouvements sociaux, principalement mais pas exclusivement, d’Amérique latine.

Un écueil possible réside dans le danger ressenti par certains mouvements sociaux de perdre leur autonomie, ou pire, de devenir un pion dans une stratégie « diplomatique » élaborée par les pays concernés. Cette méfiance est exprimée, ouvertement ou secrètement, par de nombreux militants et organisations déjà impliqués dans les questions environnementales.

Le succès de cette nouvelle alliance repose sur un examen attentif, et l’intégration des besoins de ces deux acteurs : les mouvements sociaux et les gouvernements progressistes. Déjà, les mesures de Cochabamba ont été prises pour répondre aux besoins respectifs de ces deux acteurs. Ainsi, l’appel à la mobilisation lors de la Conférence des Nations Unies pour Cancun en Novembre 2010 a pris en compte le fait que de nombreux mouvements voulaient construire sur la base des campagnes nationales plutôt que de continuer à courir d’une conférence internationale à l’autre avec de maigres résultats pour un travail considérable.

La proposition d’organiser un référendum mondial sur le changement climatique a été reformulée de manière à inclure la possibilité de tenir des consultations populaires, une perspective beaucoup plus réaliste dans les pays où les gouvernements progressistes ne sont pas au pouvoir.

En ce qui concerne la création d’un Tribunal pénal international pour la justice climatique, il est plus que probable que les Nations Unies, sous l’empire d’un Conseil de sécurité dominé par les grandes puissances, fassent la sourde oreille à cette proposition. D’ou l’invitation à lancer des tribunaux d’opinion publique sur le modèle du célèbre Tribunal International sur les crimes de guerre dirigés alors par les philosophes de renom Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre durant les années 1960. Il s’agit d’une idée beaucoup plus motivante pour les militants des droits sociaux qu’une campagne de lobbying se limitant à l’ONU.

Un plan d’action au Québec ?

Au Québec, le plan d’action proposé par la Conférence Cochabamba devrait encourager la construction d’un mouvement populaire qui s’étend bien au-delà des groupes et organisations environnementaux. Tout comme le sommet bolivien sur l’environnement, il faut chercher à associer les syndicats, les groupes communautaires, le mouvement des femmes, les organisations progressistes et les partis - en fait, toute la gamme des mouvements sociaux et politiques - dans une campagne militante pour la justice climatique. Les objectifs de ce mouvement devraient être de faire connaître l’échec des politiques environnementales de nos gouvernements et de grandes entreprises, ainsi que celles des principales organisations internationales (ONU, FMI, OMC, Banque mondiale, l’OTAN) qui sont tous redevables à des puissances occidentales et industrielles dominées par les États-Unis.

Il est également nécessaire de ne pas passer sous silence le caractère obscène des politiques du gouvernement de Stephen Harper au Canada. L’État canadien est sur la scène internationale l’un des pires contrevenants aux questions climatiques. Non seulement il est l’un des principaux acteurs de la démolition du Protocole de Kyoto et du fiasco de Copenhague, mais ses politiques nationales sont correctement étiquetées comme catastrophiques. Selon le très respecté quotidien montréalais Le Devoir, le Canada, à la fin de 2012, va être en deçà de son objectif par rapport au protocole de Kyoto par près de 34,9 %. Cela va à l’encontre du traité international approuvé par le Parlement canadien en Décembre 2004. [1] La farouche détermination du gouvernement fédéral de procéder à l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta, le projet industriel le plus polluant du monde frôle la négligence criminelle. Les sables bitumineux de l’Alberta représentent déjà 29% des émissions canadiennes de gaz à effet de serre, ce qui est susceptible d’augmenter à mesure que la marée noire dans le golfe du Mexique et la forte demande de l’Asie orientale stimulera le développement de l’exploitation dans le nord de l’Alberta (et de la Saskatchewan).

Comment mener une campagne au Québec pour des consultations publiques sur les changements climatiques ? L’approche la plus réaliste est celle prise il ya quelques années pour s’opposer avec succès à la ZLEA (Zone de Libre Echange des Amériques). A cette période, plusieurs syndicats et groupes communautaires ont organisé ces consultations publiques à travers le Québec avec un grand effet mobilisateur. En outre, une question portant sur l’exploitation des sables bitumineux de l’Alberta, pourrait donner de bons résultats tant sur le plan de la prise de conscience que de la mobilisation. Nous devons garder à l’esprit que les citoyens du Québec n’ont jamais été consultés sur cette grande entreprise industrielle et ils en subissent de plein fouet les conséquences écologiques.

Si un tribunal d’opinion publique était instauré pour juger ceux qui commettent des crimes contre l’environnement, Stephen Harper et les grandes entreprises impliquées dans les sables bitumineux seraient du côté de ceux qui devraient se défendre dans ce genre d’exercice, que ce soit sur le plan international, au Canada ou au Québec.

Camp d’été Alternatives : Le lancement d’une Coalition québécoise ?

Le lancement de ce projet se fera cet été. La 16e "Journées Alternatives" se tiendra au Camp Papillon, un peu au nord de Montréal, du 27 au 29 août 2010. [2] Cette durée de trois jours du camp d’été, organisée par le réseau de solidarité internationale Alternatives, promet d’être un test de détection précoce de ce plan d’action du Québec. L’un des thèmes principaux du camp sera la justice climatique et la session d’ouverture, intitulé « De Copenhague à Cancun", mettra la table aux présentations et discussions sur un projet de Coalition québécoise pour la justice climatique. Une telle coalition prendra en charge les discussions en vue de l’organisation de campagnes publiques sur les consultations populaires et les tribunaux climatiques.

Une liste impressionnante de conférenciers invités a déjà été établie pour ce panel. Il comprend des personnalités comme ce professeur de droit bien connu Georges Lebel ; Amir Khadir, député de Québec Solidaire à l’Assemblée nationale du Québec ; Ian Angus militant écosocialiste canadien, Christophe Aguiton, militant fondateur d’ATTAC-France, et beaucoup d’autres dont les noms seront publiés dans les prochaines semaines. Ce grand lancement est de bon augure pour ce passionnant projet d’une Coalition québécoise pour la justice climatique.


* Roger Rashi est un membre fondateur de Québec solidaire et milite à la Commission environnement de ce parti. Il a décrit son voyage en avril 2010 en Bolivie dans l’article intitulé "Cochabamba : Un coup de pouce pour l’écosocialisme."


Notes

1. S’il vous plaît voir "GES : Ottawa se désengage » par L. Francoeur, Le Devoir p.1, article de fond, Juin 2010 4ème.

2. Pour plus d’informations, voir « Les Journées Alternatives Traditionnelles SONT de retour !"