Accueil > International > Amérique latine > Défaite du PT

ÉLECTIONS MUNICIPALES AU BRÉSIL

Défaite du PT

François Sabado

dimanche 7 novembre 2004

À l’issue du deuxième tour des élections municipales brésiliennes, le 31 octobre, le Parti des travailleurs (PT) perd São Paulo et Porto Alegre.

Le Parti des travailleurs a perdu le 31 oc-tobre les villes de São Paulo, Porto Alegre, Santos, Curitiba, Maringa, Goias et de Belem. Il avait déjà perdu Rio de Janeiro au premier tour. Il a en revanche gagné les villes de Fortaleza et de Vitoria. Certes, le 2 octobre, à l’issue du premier tour de ces municipales, le parti avait obtenu des résultats honorables dans toute une série de villes, petites et moyennes, mais la perte de métropoles comme São Paulo, Rio et, surtout, de la ville symbole de Porto Alegre signe une sanction de la politique du gouvernement Lula de la part d’un secteur important des classes populaires. À São Paulo, l’élection municipale avait valeur de test national. Marta Suplicy, ex-maire et idole des meetings de la gauche plurielle en France en 2002, a obtenu seulement 45 % des voix contre José Serra, le leader du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), qui a recueilli plus de 55 % des voix. Elle représentait la pointe avancée de la ligne du nouveau PT de Lula. On ne peut expliquer cette défaite par des raisons personnelles, comme le fait José Genuino, patron du PT. Selon lui, il y aurait " un rejet de Marta par la population ". Il s’agit en fait d’une sanction de la politique du gouvernement Lula, en particulier de la part des quartiers ouvriers et populaires, de la part des salariés de la métallurgie de São Paulo, où Lula fit ses premiers pas de syndicaliste. La victoire de José Serra - poulain de Fernando Henrique Cardoso - consacre l’émergence du PSDB comme pôle de toute la droite brésilienne pour affronter l’échéance de l’élection présidentielle en 2006. Le PT perd aussi une ville symbole : Porto Alegre, ville du Forum social mondial, ville dirigée par ce parti depuis seize ans. Dans cette ville et région - le Rio Grande do Sul -, le PT a été animé par le courant Démocratie socialiste - courant de la IVe Internationale au Brésil - dont Raul Pont est un des principaux responsables. Ce dernier a obtenu 46,6 % des suffrages contre 53,3 % pour José Fogaça, représentant de la droite locale. Malgré certaines déclarations de Raul Pont prenant des distances avec la politique gouvernementale, la politique municipale de Porto Alegre, en affirmant sa solidarité avec celle du PT national, a été associée au bilan Lula. Soulignons qu’en pleine campagne électorale, Lula, lui, ne s’est pas gêné pour disqualifier le Forum social mondial, le qualifiant de " grande foire idéologique ". Cette défaite est un mauvais coup porté non seulement à la gauche du PT mais à l’ensemble du mouvement ouvrier et populaire brésilien et, au-delà, au mouvement altermondialiste. Porto Alegre a été le berceau d’expériences comme celle du budget participatif ; des milliers de travailleurs et de citoyens pouvaient peser sur les choix de la commune. Mais l’austérité budgétaire et les politiques néolibérales du gouvernement central ont eu raison des mobilisations citoyennes pour imposer d’autres choix. De cette grisaille émerge une bonne nouvelle : la victoire du PT à Fortaleza, où Luiziana Lins, par ailleurs animatrice de la DS, a obtenu 56 % des suffrages contre le candidat de droite du Parti du front libéral (PFL), Moroni Torgan. Cette victoire est d’autant plus significative que la direction nationale du PT, et Lula en personne, avaient au premier tour, soutenu un autre candidat. Luiziana Lins, députée, s’est opposée aux réformes néolibérales du gouvernement et à la politique de soumission aux diktats du FMI. Elle a voté contre la réforme des retraites, et sa campagne s’est largement démarquée de la campagne officielle du PT. Ces résultats mettent à l’ordre du jour une alternative de gauche à la politique gouvernementale. La poussée de la droite, les désillusions et la confusion politique existant aujourd’hui dans l’électorat résultent de l’orientation décidée par la direction du PT. Il faut, maintenant, sur la base des mobilisations sociales, créer les conditions d’une convergence de tous les secteurs de la gauche brésilienne opposés à la politique du gouvernement.

François Sabado

(tiré de Rouge)