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Contrat première embauche

En grève les 23 et 28 mars

Pierre-François Grond (Rouge)

mardi 28 mars 2006

Dans l’histoire des mobilisations de la jeunesse, l’actuelle lutte des étudiants et des lycéens contre le contrat première embauche (CPE) est d’ores et déjà un grand cru. Tant par la ténacité de ces centaines de milliers de jeunes souvent en grève depuis plus de trois semaines, que par l’ampleur des manifestations. Avec 500 000 et 1,5 million de participants, les 16 mars et 18 mars ne sont pas seulement des journées de manifestations réussies, elles ont également ouvert une crise sociale et politique, un affaiblissement, peut-être momentané mais bien réel, d’un pouvoir qui se voulait inflexible face aux mouvements de la rue.

Partie des universités, la mobilisation n’a fait que s’étendre à la plupart des campus, aux IUT, aux lycées, dans des vagues successives qui se poursuivent jusqu’à ce jour. Les blocages d’établissement scolaire témoignent de la profondeur du mouvement. Non seulement parce que les jeunes en grève ne veulent pas être pénalisés, dans leurs résultats, par leurs absences de cours, mais également pour montrer à l’ensemble de la population la gravité du moment. Si le CPE s’applique, l’écrasante majorité des jeunes va basculer encore plus dans la précarité, le rapport de force entre employeurs et salariés sera encore plus détérioré, le gouvernement et le patronat seront encore plus confortés dans leur volonté de détruire le code du travail et de passer en force. Il veulent défaire les jeunes pour soumettre ensuite l’ensemble des travailleurs à la loi de la jungle libérale.
C’est bien pourquoi cette semaine est décisive pour construire le tous ensemble des jeunes et des salariés. Les mouvements de jeunes ont souvent gagné par leurs propres forces, ou dans des circonstances dramatiques, comme en 1986. Mais, face au rouleau compresseur libéral et à la détermination de la droite, face à la dynamique droitière de l’affrontement Villepin-Sarkozy, les jeunes ne peuvent, cette fois, gagner seuls. Voilà le sens de l’appel de la coordination étudiante à une journée de grève interprofessionnelle, le 23 mars, associant jeunes et travailleurs. Il faut leur répondre positivement en multipliant les appels unitaires, d’équipes syndicales, à la grève et à la manifestation.
Ne pas laisser les jeunes seuls cette semaine, tel doit être le signal envoyé. Non seulement par solidarité, mais également pour montrer que la lutte contre le CPE est désormais l’affaire du monde du travail. L’intersyndicale, réunie lundi 20 mars, a décidé de soutenir la journée de mobilisation du 23 mars et elle appelle, le 28 mars, à une journée d’actions, de grèves et de manifestations. Disons-le sans ambages, la décision de l’intersyndicale n’est pas à la hauteur de l’épreuve de force engagée par le gouvernement. À notre sens, il était impératif de s’inscrire dans la journée de mobilisation du 23 mars, soutenue par l’ensemble des mouvements de jeunesse. Deux dates sont, pour autant, installées dans le paysage. Elles ne s’opposent pas. Réussir la grève et les manifestations des jeunes le 23 mars, étendre cette mobilisation à tous les secteurs salariés qui, nationalement ou localement, veulent agir dès maintenant. Transformer le 28 mars en une grève totale interprofessionnelle paralysant le pays et qui obligera, s’il ne l’a déjà fait, ce gouvernement à céder. Le soulèvement de la jeunesse contre la précarité ouvre une crise sociale obligeant l’ensemble des forces syndicales et politiques de gauche à soutenir le mot d’ordre de retrait du CPE. De grandes manœuvres s’amorcent visant à aménager celui-ci. Pourtant, le message porté par celles et ceux qui se mobilisent est clair : le CPE n’est ni négociable, ni amendable. La loi est d’application directe, elle ne nécessite aucun décret. Soit le Conseil constitutionnel l’annule, ce qui est très hasardeux, soit c’est la rue. Aucune négociation collective ne peut améliorer une loi scélérate. Aller au bout de l’épreuve de force, c’est bien évidemment oser la crise politique. Villepin lie son sort à sa loi sur l’égalité des chances. La droite, au pouvoir depuis 2002, élue dans les circonstances que l’on connaît, a méthodiquement détruit des décennies d’acquis sociaux. Sait-on assez que cette fameuse loi qui comprend le CPE permet également le retour du travail de nuit des jeunes apprentis dès 15 ans ? Des retraites à l’assurance maladie, du code du travail aux privatisations de services publics, l’addition est lourde. Tellement salée, qu’à chaque occasion électorale, le pouvoir a été sanctionné. Il est, aujourd’hui plus qu’hier, illégitime.
Nous le proclamons depuis de nombreux mois : il nous faut gagner, sans attendre 2007. Nous voulons une victoire sociale et politique, maintenant. Pour redonner confiance à tous ceux qui résistent. Pour permettre à celles et ceux qui ont échoué en 2003 de relever la tête. Pour qu’une nouvelle génération commence sa vie politique et sociale par une victoire. Parce qu’une alternative anticapitaliste ne peut se construire sans lutte, sans victoire - même partielle - du monde du travail et de la jeunesse. La droite l’a bien compris, si elle est défaite aujourd’hui dans la rue, elle le sera demain dans les urnes. La victoire est possible. Il s’agit désormais de ne pas se la faire voler en maintenant la pression. Que le Premier ministre cède ou qu’il démissionne.