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Etat d’urgence et grèves en Bosnie face au plan d’ajustement structurel du FMI

mercredi 1er juillet 2009, par Catherine Samary


tiré du site du CADTM
1er juillet 2009


Après avoir octroyé un prêt de 3 milliards d’euros à la Serbie en mars dernier, le FMI a garanti le 14 mai un crédit à 3% notamment à la Bosnie-Herzégovine (BH), mais pas à l’Albanie : celle-ci, alors à la veille d’élections, a décidé de refuser les mesures d’ajustement structurel conditionnant le crédit : le premier ministre albanais Sali Berisha (dont le parti de centre droit espérait bien gagner les élections du 28 juin) a estimé que « le FMI crée plus de problèmes qu’il n’en résout en période difficile »... Il faut dire que tous les sondages plaçaient en haut des préoccupations populaires en Albanie (comme ailleurs...) le chômage et la pauvreté.

Le gouvernement de Bosnie-Herzégovine (BH) a fait le choix plus risqué d’accepter les exigences du FMI. Il risquait quant à lui une cessation de paiement de ses administrations publiques, face à la chute de ses recettes fiscales associée à la récession. Il va donc recevoir un prêt de 1,2 milliards d’euros sur les trois prochaines années (2/3 allant à l’entité croato-bosniaque, appelée « la Fédération » ; et 1/3 à la Republika Srpska, entité serbe). Mais le pays est dans une situation explosive, de tous côtés...

C’est la Fédération croato-bosniaque qui est sous la plus forte pression du FMI mais également confrontée à une contestation sociale et politique majeure de la gestion de son gouvernement. Or celui-ci a promis au FMI, pour recevoir ses subsides, de réduire ses dépenses budgétaires de 207 millions d’euros (contre 73 pour la RS et 20 pour le budget de l’Etat central) |1|. Il s’agira de réduction des salaires des fonctionnaires, des retraites et des prestations sociales allant notamment aux victimes de la guerre et aux anciens combattants. Dans un pays qui pleure encore les 100 000 morts des années 1990, et où le chômage « avant la crise » (si l’on ose dire) était supérieur à 40% et où il vaut mieux être chauffeur d’une institution internationale qu’enseignant, les mesures d’austérité annoncées sonnent comme de vraies provocations.

Quant à l’entité serbe (la RS), son premier ministre Milorad Dodik est sous le coup d’une plainte pour détournement de 74 millions d’euros |2| ; ce qui n’arrange rien au conflit majeur persistant concernant le partage des responsabilités entre pouvoirs élus des entités et gouvernement central, doublé de la confrontation majeure avec le Haut Représentant international (OHR). Les uns et les autres se réclament de la constitution de Dayton de 1995 – puisque celle-ci (mettant fin à une guerre sans vainqueurs...) était éminemment contradictoire : une Bosnie « souveraine » était reconnue, mais aussi des « entités » autonomes définies sur des bases ethniques et ayant le droit de rapports spécifiques avec les pays voisins... Et pour maintenir ensemble ce « tout », des troupes internationales au sol et un Haut Représentant nommé par l’ONU (OHR). Cette fonction devait être supprimée en 2007, mais les risques d’éclatement du pays demeurant, un nouvel OHR a été désigné en mars dernier, le diplomate autrichien Valentin Insko qui représente également l’UE. Ce quasi proconsul détient les pleins pouvoirs de démettre des élus (ce qu’il a fait à plusieurs reprises en RS) s’il les juge inopportuns et de modifier les lois...

Face à la crise mais aussi dans la perspective de négociations avec l’UE qui consolideraient un Etat central unifié, tous les efforts (imaginable par un proconsul...) ont été déployés, non pas pour donner une cohésion sociale au pays, mais pour réduire les pouvoirs des entités au profit du gouvernement central (notamment au plan de la police). Mais l’Assemblée de la RS a ouvertement résisté à la perte de ses prérogatives – l’indépendance du Kosovo ayant encore fait monter la tension et les menaces de referendum d’autodétermination... Et elle a adopté le 13 mai une résolution exigeant de l’OHR qu’il cesse de licencier des fonctionnaires locaux et de transférer des responsabilités aux pouvoirs centraux...

Le gouvernement de Bosnie vient de décréter l’état d’urgence. La confédération des syndicats indépendants de Bosnie-Her zégovine (BH) a répliqué en appelant les diverses confédérations internationales et européennes à une solidarité face à l’ouverture d’une période de grèves visant de plus en plus clairement la chute de l’actuel gouvernement – avec grève générale d’avertissement le 26 juin... Elle semble avoir été bien suivie, avec annonce de reconduite la semaine prochaine...

Notes
|1| Courrier des Balkans du 11 mai.

|2| Cf. Courrier des Balkans, 23 février 2009.