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Honduras : « normalisation », répression et résistance

mardi 23 février 2010


Tiré du site Solidarités
n°163 (21/02/2010)


Circulez, il n’y a plus rien à voir ! voilà la vision dominante en ce qui concerne la situation au Honduras : avec un nouveau président, la démocratie serait de retour, et le coup d’Etat de juin 2009 semble n’avoir jamais existé. Les médias font silence sur une répression qui se poursuit et sur une résistance populaire qui ne baisse pas les bras.

Les commanditaires du putsch de juin 2009 (l’oligarchie hondurienne et les USA) peuvent se targuer d’avoir empêché le retour du président Zelaya et assuré la transition grâce à Porfirio Lobo. Phénomène inquiétant, le Honduras est le prototype du « coup d’Etat du 21e siècle » : contre un exécutif favorable à des réformes sociales, l’oligarchie utilise un autre pouvoir (législatif) pour légaliser un putsch militaire, sans junte de généraux sur le modèle chilien ou argentin des années 1970. Ce scénario pourrait bien être utilisé au Paraguay contre Fernando Lugo (vainqueur des dernières élections présidentielles), qui coexiste avec une majorité parlementaire de droite.
Le 27 janvier 2010, Porfirio Lobo a donc remplacé Roberto « Goriletti » (promu député à vie). Le Parlement hondurien a amnistié les putschistes et voté la rupture du Honduras avec l’ALBA (Alliance bolivarienne des peuples de notre Amérique), signal du retour au statu quo ante.

La répression continue

La « démocratie à la sauce putschiste » implique la répression. Le Comité hondurien des familles de détenus disparus (COFADEH) a dénoncé les menaces d’attentat qu’il a reçues par téléphone le 7 février.

Quelques cas dénoncés par les organisations de défense des droits humains :

Le 2 février, 2 photographes – Manuel de Jesús Murillo Varela et Ricardo Rodriguez – furent séquestrés pendant plusieurs heures par des policiers en civil dans une prison clandestine  ; le même jour, deux résistants – Ariel Lobo et Richardo Dominguez – furent aussi séquestrés (quelques mois auparavant, Ariel Lobo avait déjà été enlevé par des soldats et des civils armés)  ;
Dans la nuit du 3 février, fut retrouvée morte une jeune infirmière, Vanessa Zepeda (militante du Syndicat des travailleurs de l’Institut hondurien de sécurité sociale), enlevée la veille après avoir subi de nombreuses pressions de la part de sa hiérarchie pour son opposition au coup d’Etat.

Ces cas ne font pas la « une » des médias européens et étatsuniens. Ils démontrent la vraie nature d’un régime, qui a réactivé les « escadrons de la mort » des années 1980, peut-être avec le renfort de paramilitaires colombiens, prétendument démobilisés.

La Résistance ne baisse pas les bras

Le Front national de résistance populaire (FNRP) reste pourtant mobilisé pour une lutte de longue durée. Le 27 janvier, des centaines de milliers de manifestant·e·s défilaient à Tegucigalpa et à San Pedro Sula pour dénoncer le président fantoche et l’amnistie des militaires, en réaffirmant l’objectif stratégique du mouvement populaire : une Assemblée constituante souveraine. A Tegucigalpa, 350 000 personnes (estimation modeste) se sont rendues à l’aéroport pour saluer le départ de Manuel Zelaya (momentanément exilé à Saint Domingue, mais qui devrait se rendre prochainement au Mexique). Signe des temps : aucun président n’avait jamais reçu un tel témoignage de popularité en fin de mandat. « Aujourd’hui, le peuple n’est pas venu simplement prendre congé du président Manuel Zelaya, il est venu demander la refondation du pays » (Bertha Caceres, dirigeante du COPINH, Conseil civique des organisations populaires et indigènes du Honduras). Parmi les manifestant·e·s, signalons la présence du collectif les « Féministes en Résistance », et ses slogans : «  Ni coup d’Etat, ni coups contre les femmes ! », « Brûlons l’uniforme des militaires putschistes et violeurs ! » (référence directe aux méthodes répressives de ceux-ci).

Face au silence médiatique, contre-information et solidarité avec la résistance populaire restent indispensables.

Hans-Peter Renk


L’alliance du sabre et du goupillon

Pour le soutien de la hiérarchie catholique au putsch (les communautés de base appuient le FNRP), l’archevêché de Tegucigalpa avait récolté un tag : « Cardenal golpista ! ». Vu la présence du Vatican le 27 janvier, on peut rajouter : « Papa golpista ! ».

Ce serait encore gentil pour Josef Ratzinger (alias Benoît XVI), si l’on pense aux propos virulents du révolutionnaire italien Giuseppe Garibaldi en 1869 contre le comte Giovanni Maria Mastaï Ferretti (dernier roi des Etats de l’Eglise sous le pseudonyme transparent de Pie IX). Garibaldi n’avait pas hésité à traiter le souverain pontife de « mètre cube de fumier »…
HPR


Le festival des hypocrites

Présents à l’investiture de Porfirio Lobo : les présidents du Panama, de la Colombie, de la République Dominicaine et de Taïwan  ; pays représentés : Australie, Colombie, Etats-Unis, Canada, Inde, Israël, Japon, Liban, Malte, Vatican, Pérou, Turquie… et la Suisse (qui ne pouvait pas manquer à l’appel, vu le manque de courage politique de « nos » gouvernants).

L’Union européenne s’aligne : l’Espagne, la France, l’Italie et l’Allemagne ont rétabli les relations diplomatiques. Par ailleurs, le parti libéral allemand FDP a soutenu la nomination de Roberto « Goriletti » à la vice-présidence de l’Internationale libérale (dont le Parti libéral-radical suisse est membre).

La secrétaire d’Etat US Hillary Clinton a annoncé la reprise d’une aide interrompue pour donner le change sur les intentions des USA – commanditaires avérés du coup d’Etat, à l’insu du plein gré de Barack Obama.
HPR