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L’UFP et les élections fédérales

samedi 7 février 2004

L’élection fédérale aura lieu sans doute en avril ou en mai. L’intervention de l’UFP dans cette campagne devrait se faire en fonction de nos priorités, de ses thématiques et de la conjoncture. De ce plan d’intervention devrait découler la consigne de vote s’il doit en avoir une.

Un fond de scène de grève générale… potentielle

La conjoncture en est une d’attaque frontale ultra-néolibérale du gouvernement Charest. Du côté de la riposte, on voudrait espérer un vaste mouvement gréviste mais on aura probablement affaire à beaucoup moins, soit une grande manifestation le 14 avril et peut-être des journées de grève sectorielles ou unitaires. Par contre, contrairement à la conjoncture de guerre de l’élection québécoise de mars-avril dernier, on ne prévoit pas de rebondissement du côté international bien qu’il faille être prêt à tout bouleversement étant donné l’instabilité de la situation mondiale.

(Faut-il rappeler que la grande faiblesse thématique de la campagne électorale de l’UFP avait été de ne pas avoir fait de la question de la guerre une question centrale organiquement liée au néolibéralisme et à l’indépendance. On n’a pas osé dire : " Non au néolibéralisme guerrier, Oui à un Québec indépendant et égalitaire contre la guerre et contre la ZLÉA ".)

Les thématiques de la campagne électorale fédérale, du point de vue des intérêts du peuple québécois, seront les politiques néolibérales d’Ottawa qui s’expriment au Québec (et dans les provinces canadiennes) par le " déficit fiscal " ; l’enlignement d’Ottawa sur les politiques étasuniennes, plus prononcées que jamais, tant pour l’ALÉNA et la ZLÉA que pour l’occupation de l’Iraq - la contradiction face au rôle de l’ONU est en train de s’effacer - la " feuille de route " en Palestine, la présence des troupes canadiennes en Afghanistan et le bouclier anti-missile ; et le refus de reconnaître le droit à l’autodétermination du Québec qui s’exprime par la loi dite de la " clarté " considérée comme le coup de maître du gouvernement Chrétien.

L’orientation de l’UFP, dans cette conjoncture très probable, devrait être - sera-t-elle ? - d’appeler à préparer une grève générale politique, publique-privée et auto-organisée, qui revendique un tournant à 180 degrés de la politique budgétaire et fiscale dans la perspective d’un Québec indépendant dont le " projet de société " serait établi par un processus de large débat publique menant à une Assemblée constituante. (Cette orientation devrait se concrétiser dans un plan de campagne proposant des mots d’ordre, des revendications concrètes et précises, une méthode d’organisation et un plan d’action.)

Un NPD laytonien plus centriste et plus chauvin

Une consigne de vote au NPD aiderait-elle l’UFP à insérer son orientation dans la campagne électorale ? Pour répondre, il faut connaître la plate-forme du NPD ou tout au moins l’anticiper car, bizarrement, on ne retrouve sur le site web du NPD, pourtant étoffé, aucune trace de plate-forme, de programme ou de résolutions adoptées à son dernier congrès.

(On exclut d’emblée tout appui au Bloc, la filiale du PQ à Ottawa, car cela serait remettre en question la rupture stratégique avec le national-populisme néolibéral et guerrier, d’autant plus que n’étant pas concerné par la prise du pouvoir, le Bloc peut dire n’importe quoi et son contraire en autant que ça ne contredise pas la politique du PQ.)

Par rapport au " déficit fiscal ", le NPD est d’accord avec le déficit zéro. Bien qu’il s’oppose au remboursement de la dette qui est la priorité des Libéraux et des Conservateurs, il favorise cependant un réinvestissement des surplus - tant qu’il y en aura - fait par Ottawa, soit directement soit encadré dans des politiques dites " nationales " avec les provinces comme " sous-traitantes ". Ces dépenses iraient en priorité au social mais sans toutefois négliger le militaire.

Côté international, le NPD est essentiellement " onusien " c’est-à-dire pour une gestion onusienne de l’Iraq allant de l’occupation à un régime " démocratique " sous surveillance, tout comme il est d’accord avec la " feuille de route " tout en accusant les ÉU de ne pas faire suffisamment pression sur Israël. Quant aux accords de libre-échange, le NPD est pour leur réforme c’est-à-dire qu’il est d’accord avec la domination balisée des banques et des transnationales. Il lui importe peu de savoir que la loi de la compétition, mondialisée de par le gigantisme des transnationales, réduit à néant tout velléité d’un capitalisme national contrôlé par la " démocratie citoyenne ".

Last but not the least, le NPD est et reste sans ambiguïté favorable à la loi dite de la " clarté ". Attention à son jeu de la patate chaude entre son caucus et son Conseil national qui a rejeté le vote de la majorité du caucus pour la loi dite de la " clarté " mais sans aucune sanction pour les prétendus fautifs. Pour le fin mot de l’histoire, voici ce que déclarait le porte-parole du NPD en chambre le 6 novembre dernier pour rendre hommage au Premier ministre sortant :

" ... je suis heureux de pouvoir, au nom du NPD... [de me souvenir] du premier ministre actuel... comme d’un ministre de la Justice batailleur qui a défendu férocement la Charte canadienne des droits et libertés contre vents et marées... de sa persévérance et de sa détermination à l’égard de la loi sur la clarté, un point de vue que les députés du parti auquel j’appartiens ne partageaient pas tous, mais les possibilités que le Canada soit divisé à la suite d’une question ambiguë et d’une majorité non claire sont moindres. "

Et voici ce que disait, le 15 janvier, le nouveau chef du NPD dans une déclaration invitant Sheila Copps, grande championne du drapeau canadien, à rallier le NPD :

" Je ne sais pas ce que décidera Sheila Copps, mais aux libéraux qui partagent les valeurs de Sheila et sont attristées par la mort du parti qui a déjà été dirigé par des hommes de la trempe de Lester B. Pearson et Pierre Trudeau, je dis joignez les rangs du NPD. "

Non seulement le NPD devient-il plus centriste en occupant le terrain libéré par les Libéreaux trudeauistes et les Red Tories (" Aux personnes qui pleurent la mort du Parti progressiste conservateur, qui partagent bon nombre des valeurs de Flora MacDonald et l’engagement de Joe Clark envers le Canada... ") mais il proclame très ouvertement son mépris de la nation québécoise.

La " chance " du NPD, cependant, c’est de pouvoir masquer son centrisme et son chauvinisme en exploitant à fond le virage à droite de l’échiquier politique, surtout avec l’arrivée du nouveau Premier ministre. Il est facile pour le NPD de soutenir très tactiquement des positions pointues "progressistes" sur le bouclier anti-missiles et la proportionnelle, tout comme au printemps passé contre la guerre unilatérale des ÉU. On ne s’en plaindra évidemment pas car la notoriété du NPD permet ainsi d’ouvrir le jeu politique sur ces sujets.

À remarquer, cependant, que ses principales positions environnementales - un thème clef de sa campagne - (rabais fiscaux sur les autos dites écologiques, sur les passes d’autobus) sont pusillanimes et individualistes. Finalement, faut-il rappeler la gestion néolibérale réellement existante des partis provinciaux, particulièrement en Ontario et en Colombie britannique où ils n’ont plus respectivement que 7 et 2 sièges tellement a été fort leur rejet par la population.

Quelle tactique pour l’UFP ?

Somme toute, une consigne de vote pour le NPD non seulement irait à l’encontre de notre orientation générale mais elle rendrait encore plus difficile une articulation d’une campagne pour la grève générale dans la perspective d’une assemblée constituante dans le cadre de la campagne électorale fédérale. Un tel appui sèmerait la confusion à propos de notre parti pris antinéolibéral, indépendantiste et internationaliste.

Comment justifier auprès du peuple québécois l’appui à un parti qui appuie la loi dite de la " clarté " ? En plus de nous démoraliser, les nationalistes du PQ et du Bloc se feraient un malin plaisir de nous mettre sous le nez cette position et avec raison. Comment en même temps faire campagne pour une grève générale tout en appelant à voter pour un parti qui s’est toujours opposé à la politique de la rue au point de souvent voter des lois spéciales de retour au travail ?

L’idéal serait de présenter nos propres candidatures, quitte à n’avoir que quelques candidatEs dans les régions clefs. On serait surpris du résultat électoral. Mais sans doute que l’UFP n’en a pas la force… et peut-être aussi n’a-t-elle pas la clarté politique voulue. Car Le Devoir du 31 janvier nous apprenait que pour l’UFP " ... la situation sera étudiée comté par comté " et cela, semble-t-il autant par rapport au NPD qu’au Bloc ? On aurait d’ailleurs aimé que les membres soient mis au courant par une déclaration ou un texte Intranet. À quoi servira-t-il alors d’en discuter au Conseil de l’Union ?

Et quelle est cette idée d’appuyer des candidats ou candidates opportunistes qui se prononceraient contre la politique de leur parti ? À vouloir trouver des soi-disant " progressistes " dans tous les partis socio-libéraux ou national-populistes on finira justifier la thèse de l’Aut’Journal qui prône justement l’invasion du PQ, et pourquoi pas du NPD, par les " progressistes " dans le but mythique d’en influencer fortement leur politique et même d’en prendre le contrôle. Ce genre de vision prioritairement tacticienne du jeu politique ignore la nature stratégique de ces partis comme représentants de " Québec Inc. " ou des " classes moyennes " réformistes.

Faute de candidatures, ou même avec des candidatures, il serait possible de confronter les partis et leurs candidatEs sur la base de la mobilisation contre la politique ultra-néolibérale et fédéraliste des partis libéraux québécois et fédéral. En fonction de l’ampleur de la mobilisation, on pourrait forcer le débat sur le " déficit fiscal " - et par là sur le financement de la santé, de l’éducation, des garderies et du transport public - la loi dite de la " clarté ", les accords de libre-échange, le bouclier anti-missile et l’occupation de l’Iraq, de la Palestine et celle de l’Afghanistan où le Canada est directement impliqué.

Marc Bonhomme, 7 février 2004