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Italie

L’automne chaud

mardi 28 octobre 2003

Avec la grève du 24 octobre, l’automne italien commence par un conflit sur les retraites et l’éventualité d’une réactivation de la lutte sociale.

Le 24 octobre, la CGIL, la CISL et l’UIL (les trois principales confédérations syndicales italiennes) en reviennent à une grève générale face à l’offensive du gouvernement Berlusconi contre les retraites. Une nouveauté qui fait suite à une période de divisions profondes entre les trois organisations. Deux semaines plus tard, le 7 novembre, la Fiom, le syndicat des métallurgistes de la CGIL, organisera une autre grève générale, sectorielle cette fois, avec une manifestation nationale à Rome. Ces deux rendez-vous font suite à la journée du 4 octobre. A l’occasion de la conférence intergouvernementale, à Rome, plus de deux cent mille personnes avaient défilé en deux cortèges distincts : celui convoqué par la Confédération européenne des syndicats (CES) et celui du mouvement des forums sociaux.

La nature et l’activité du gouvernement Berlusconi, qui traverse une forte crise interne, ont contribué à amorcer cette dynamique. Née d’un mélange répulsif de libéralisme et de populisme, l’équipe au pouvoir prend conscience que le premier élément est entré en crise et tente d’y faire face en mettant l’accent sur le second. Ce qui explique les déclarations du Cavaliere sur Mussolini ou encore l’activisme raciste de la Ligue du Nord. La droite italienne se doit pourtant d’offrir des garanties à la bourgeoisie italienne et européenne. A l’instar de Raffarin en France et de Schroeder en Allemagne, cela passe par la "réforme", c’est-à-dire par une attaque en règle contre les retraites.

Le gouvernement a donc été conduit à rompre les rapports qu’il avait précédemment noués avec la CISL et l’UIL (syndicats respectivement catholique et "laïque") avec lesquels il avait l’an passé paraphé l’accord abolissant l’article 18 (la législation qui prémunit les travailleurs du licenciement aveugle), excluant du même coup la CGIL. N’étant pas disposé à négocier une réforme "acceptable" des retraites avec ces deux centrales, Berlusconi a provoqué un rapprochement des trois syndicats et la proclamation unitaire de la grève générale du 24 octobre. Il s’agira d’une grève de quatre heures avec des manifestations dans les toutes les villes, mais la CGIL, la CISL et l’UIL assurent que la lutte pour empêcher la réforme des retraites - qui porte de 35 à 40 ans la durée de travail pour pouvoir prendre sa retraite - se poursuivra au-delà.

Il n’est toutefois pas certain qu’il en aille ainsi. En dépit de la proclamation de la grève, les directions syndicales n’ont pas modifié leur position politique, à l’exception peut-être de la CGIL qui, après le Forum social européen de Florence et le mouvement contre la guerre, a commencé à nouer un rapport plus étroit avec le mouvement altermondialiste. La CISL et l’UIL comptent, au contraire, maintenir un rapport équidistant entre le centre gauche et le centre droite, tentant ainsi de reconquérir un espace d’autonomie. Dans la métallurgie, si la Fiom n’a pas signé l’accord précarisant le travail, cette fédération radicale, qui participe au mouvement altermondialiste, est plutôt isolée, y compris dans la CGIL. Le 17 novembre, elle joue donc une partie importante et ce n’est pas un hasard si les attentions de la gauche sociale sont dirigées sur cette date.

La grève du 24 octobre est un rendez-vous important, comme en témoigne le fait que le mouvement des forums sociaux, Rifondazione comunista et les syndicats alternatifs y ont adhéré, sur des plates-formes distinctes. C’est l’image et la force du gouvernement Berlusconi qui se trouve en jeu. Tandis que la mobilisation est l’occasion de remettre en mouvement le monde du travail, représenté par des syndicats confédérés, tout en reconstruisant un rapport plus direct entre celui-ci et le monde de la jeunesse, des précaires, des étudiants, des chômeurs. C’est l’objectif que désigne le mot d’ordre "Généraliser la grève générale", adopté par le mouvement social.

De Rome, Salvatore Cannavo
Trad. De Christine Barbacci

Rouge 2036 23/10/2003