Accueil > Société > Non à l ’homophobie > L’homosexualité est-elle soluble dans le conformisme ?

L’homosexualité est-elle soluble dans le conformisme ?

lundi 20 septembre 2010, par FORTIN Jacques


21 mai 2010

Présentation publiée sur Mediapart de : L’homosexualité est-elle soluble dans le conformisme ?, J. Fortin, Ed. Textuel juin 2010.


Dans la petite encyclopédie critique il fallait un espace sur la question homosexuelle, le grand encyclopédiste des Lumières Montesquieu l’avait, lui, dans l’Esprit des Lois, sous le titre « du crime contre nature » ! Ici on interrogera plutôt les idées reçues qui ont souvent cours à propos de l’homosexualité, de son histoire, de son tropisme identitaire aussi… À l’heure où il semble qu’elle ait obtenu droit de cité et quelques uns de ceux que réclament lesbiennes, gais, bisexuel/les, transexuel/les autour de l’idée d’égalité, on s’interrogera aussi sur le contenu et la pertinence de cette égalité… en quoi ? sur quoi ? pour qui ? pour quoi faire ?

Bref, pour l’auteur, un militant des premières heures, il s’agira encore de se demander : nous sommes-nous battus pour ça ? Vraiment ? Alors si oui, pour quoi d’autre encore, quand même…

L’homosexualité aurait toujours existé ?
Ne pas confondre homoérotisme (pratiques érotiques entre personnes de même sexe) et la notion moderne d’identité sexuelle. Les actes homoérotiques ont pu être ritualisés, réservés aux hommes avec la division sexuelle du travail, sexiste, qui a instauré l’asservissement des femmes. Ces pratiques ont pu être condamnées comme actes prohibés au même titre que le vol ou l’adultère, pas comme des orientations, sauf lorsque des hommes se montraient incapables de conduites « viriles » (reproductives) ce qui leur valait dès l’Antiquité l’exil, la spoliation, la mort...

On est en tout cas loin des psychiatrisations moderne auxquelles ont été soumises, parfois jusqu’à la terreur, les personnes lesbiennes, gaies, bi ou transexuelles, intersexes. On décèle sans peine dans l’Histoire pour peu qu’on veuille bien l’entendre, que l’homoérotisme est une composante largement attestée de la sexualité. Et non un « à part ».

L’homosexualité est en ce sens une notion moderne quasi contemporaine.

Les religions auraient toujours condamné l’homoérotisme ?
En fait la constitution des trois monothéisme a été à chaque fois le fruit de batailles politiques acharnées, entre autre inter-religieuses. Les pratiques homoérotiques y ont été, parmi bien d’autres, un enjeu non pas en tant que telles, mais parce qu’elles entraient dans des rites ou des résistances impies à l’ordre nouveau. De surcroît leur stigmatisations renforce la sacro-sainte séparation des sexes, hantise des trois grandes religions (et ciment de la division sexiste du monde, du travail et des hiérarchies).

Il en est résulté la construction d’une prohibition morale centrée cette fois sur les pratiques homoérotiques pour elles-mêmes, que des exégèses abusives et des traditions d’ordre moral ont renforcée.

Avec les temps modernes, l’étau de la prohibition se serait desserré ? Au contraire, avec l’inquisition, la Réforme, la Renaissance la charge de la prohibition morale passe aux institutions répressives des états en développement (plus tard la médecine prendra le relais). Les bourgeoisies naissantes ont besoin d’ordre, d’asseoir leur domination, de judiciariser le bien et le mal. Les lois prennent la suite des traditions théologiques et il s’instaure une véritable persécution à partir des XV° et XVI ° siècles en Europe (puis dans le monde via la colonisation).

Paradoxe créateur : en même temps que s’appesantit la persécution légale, donc judiciaire, s’ouvre le débat critique sur leur pertinence philosophique et juridique. Quels sont ces actes et qui sont ces gens ? Quel préjudice et envers qui ? Quel est ce droit qui les poursuit ? En quelque sorte l’excès même de persécution suscite son antidote !

L’abrogation des lois discriminatoires serait récente ?
Le Siècle des Lumières dans sa lutte contre le fanatisme (suite aux guerres de religions) et la tyrannie (royale, ecclésiale, impériale), s’interroge sur la liberté individuelle et la vie privée. Dans l’Encyclopédie Montesquieu prône, sous ces motifs, de cesser de poursuivre le « crime infâme ». Il est suivi en cela par la constituante de 1791 puis par le code Napoléon qui ne prévoient plus de poursuite ni d’incrimination. Toute une série d’États européens s’y alignent, d’autres (Angleterre, Allemagne de Bismark) s’y refusent. Le débat médical, la controverse politique et les chroniques judiciaires se poursuivent jusqu’en deuxième partie du XX° siècle, avec entre temps les tragédies homophobes nazie et stalinienne en 1933.

L’évolution des mœurs aurait permis la « libération homosexuelle » ?
C’est faire peu de cas de mouvements acharnés qui ont agité l’Europe, comme en Allemagne dès la fin du XX° avec le soutien des sociaux démocrates. Peu de cas du procès d’Oscar Wilde, des menées homophobes du Mac Carthysme, de la Libération en France, de l’après guerre en Angleterre. Une organisation aussi prude et prudente qu’Arcadie en France n’en a pas moins mené un combat difficile. Tous cherchaient à « justifier » l’homosexualité dans une société vite intolérante et avec une médecine (psychiatrie) qui substituait la maladie mentale à la malédiction démoniaque.

Tout bascula autour de Mai 68 lorsque les gouines et les pédés renversèrent le stigmate en fierté, refusèrent d’avoir à se légitimer et mirent en procès « l’hétérosexisme » aidés en cela par les luttes féministes.

Tout faillit s’inverser avec la tragédie de la pandémie du VIH. Punis par où ils auraient péché les « hors-le-genre » durent à une mobilisation exemplaire de ne pas se retrouver au pire en « sidatorium » au mieux en situation de parias. Dans la foulée leurs exigences d’entrer dans le droit commun, social, civil, se développèrent.

Nous sommes-nous battus pour ça ?
C’est un questionnement de militant devant les singularités de « l’agenda revendicatif » actuel : pétition pour le « mariage gay » à l’heure où le mariage hétéro implose, et sans s’interroger sur le contenu possessif, oppressif du mariage ; homoparentalité à deux papas ou deux mamans avec mère porteuse ou donneur anonyme, qui préserve la forme conjugale duelle ; changement d’état civil (bien hétéronormé ?) pour les transexuel/les…

Tout cela sent la reddition à l’ordre sexiste, on n’est plus dans la mise en procès de l’hétérosexisme machiste mais plutôt dans le syndicalisme exigeant sa part à lui du grain à moudre.

Est-ce bien de ces normes et de ces « valeurs » dont les « hors-le-genre avaient besoin ? Cela correspond-il à nos vies réelles ?

Une TS sur quatre de jeunes de moins de 25 ans est liée à l’orientation sexuelle…

Fléau résiduel d’une homosexualité triomphante en marche, ou violence adressée à soi-même d’une jeunesse à qui les « élites » LGBTI n’ont pas su proposer une colère adressée à l’homophobie qui suppure de nos sociétés ?

Pusillanimité chauvine d’associations accrochées chacune à sa part du marché de la privatisation rampante que l’État libéral opère sur ses tâches de service public, au lieu de mutualiser les énergies et les revendications en un vaste mouvement libératoire ?

Subversion des institutions (mariage, parentalité, sexage) par l’irruption en leur sein des réalités LGBTI, ou à l’inverse conversion de nos subversivités aux rites, mythes, mystifications de l’ordre capitaliste malmené mais toujours renaissant ?

Avancée ou renoncement ?


FORTIN Jacques