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La Coalition Avenir Québec, un miroir aux alouettes

mardi 22 novembre 2011, par Bernard Rioux

Ce 14 novembre 2011, François Legault lançait officiellement son parti Coalition Avenir Québec. Il espère qu’il le conduira au pouvoir pour les dix prochaines années. C’est le temps qu’il se donne pour relancer le Québec. Coalition Avenir Québec est le parti de tous ceux et celles qui ont de l’ambition, des compétences et l’esprit d’entreprise, affirme-t-il.

Comment espère-t-il convaincre la population de le soutenir ?

D’abord, ce parti doit savoir se présenter et peaufiner son image. Legault présente donc son parti comme celui du développement durable, de l’essor économique, de la croissance des régions et de la transparence dans la gestion des affaires publiques. C’est le parti qui dépasse le calcul partisan, qui défend l’intérêt collectif, et qui montrera la voie permettant de dépasser les divisions qui minent le Québec. C’est le parti qui écartera enfin le débat insoluble entre le fédéralisme et la souveraineté, afin de s’attaquer aux problèmes concrets qui intéressent vraiment la population. La rhétorique est ronflante ; la boursouflure est évidente. La réalité de son projet commence à se révéler lorsqu’il se met à nous débiter les différents éléments de son plan d’action.

1. Sa priorité absolue, une éducation... concurrentielle

François Legault propose de revaloriser la profession enseignante en haussant les salaires du personnel enseignant. Voilà une mesure bien racoleuse. Pour lui, l’amélioration de l’éducation passe par l’évaluation du personnel enseignant. Cette évaluation viserait d’abord à soutenir les enseignant-e-s qui seraient en difficultés, afin de s’assurer que tous les élèves reçoivent le meilleur enseignement possible.

Voilà une analyse pour le moins individualiste. De bons enseignants conduiraient à l’amélioration de la qualité de l’enseignement. C’est évident ! C’est simple. De bons salaires permettraient d’attirer les meilleurs candidat-e-s. Une évaluation des enseignant-e-s permettrait d’identifier ceux et celles qui sont en difficulté. Et voilà, les problèmes seraient réglés. Un ratio maître élève trop élevé, une intégration sauvage des personnes en difficultés de comportement et d’apprentissage, l’écrémage des élèves performants par le réseau des écoles privées ou par les projets sélectifs, le manque de soutien professionnel dans les écoles, voilà des dimensions sociales de la réussite ou de l’échec scolaire qui ne sont pas prises en compte par le CAQ. En fait, l’évaluation des personnels et l’obligation de résultat, voilà l’essentiel de la politique éducative que François Legault nous propose.

C’est à partir de cette même logique que Legault affirme soutenir la hausse des frais de scolarité avancée par le gouvernement Charest. Elle servirait à protéger la qualité de l’éducation universitaire. La hausse fournirait l’argent nécessaire à l’amélioration de la qualité des programmes universitaires. Et ces augmentations des frais de scolarité n’auraient pas d’effet sur l’accession à l’université par les enfants des personnes moins nantis. D’ailleurs, tel n’est pas l’enjeu. Ce qui est important pour le plan d’action de la Coalition Avenir Québec, c’est de comprendre que l’université est essentiellement un instrument de la croissance du Québec et qu’il faut lui donner les conditions pour que ces dernières puissent remplir leur mission à cet égard, celle d’un soutien aux entreprises dans leurs projets de recherche et de développement.

Sa volonté d’abolir les commissions scolaires, et de retourner la démocratie au niveau de chacune des écoles, manifeste d’une part ses intentions de diminuer le poids financier de l’éducation et d’autre part d’inscrire les écoles dans un marché des offres scolaires diversifiées avec classement et palmarès à l’appui. On connaît les conséquences désastreuses de cette approche dans le passé.

2. Un secteur de la santé libéré de son carcan bureaucratique

François Legault navigue à vue de sondages. Il connaît bien l’attachement de la population du Québec pour son système public de santé. Il promet de ne pas s’y attaquer, de ne pas favoriser sa privatisation. Cette position annonce des moments de négociation plus difficile avec l’ADQ. Mais, il n’est pas dogmatique en ces matières, nous dit-il.

Legault fait-il la moindre analyse du développement des coûts de la santé ? Non. Essaie-t-il d’expliquer les déterminants sociaux de la santé : conditions de travail précaires et difficiles, mauvaise alimentation, production industrielle de nourriture favorisant la malbouffe induisant des maladies, conditions de transport stressantes et polluantes, sédentarité et manque d’exercice. ... Les obstacles à l’amélioration de la santé d’une population ne rentrent même pas dans les considérations de son Plan d’action... Non , les solutions qu’ils proposent sont bureaucratiques : - alléger les structures, abolir les agences de santé et des services sociaux et introduire une culture du contrôle afin de développer une culture du résultat ou racoleuses : fournir à tous un médecin de famille. Pour ce qui est de la baisse du coût des médicaments, il n’en trace pas les conditions de sa réalisation. La perspective de la mise en place d’une société d’État responsable de la gestion et de la production de médicaments est complètement en dehors de son horizon.

3. Une économie de propriétaires... subventionnés

Il faut créer davantage des richesses. Quoi produire ? Pour répondre à quels besoins et dans quelles conditions ? Faut-il plus de gadgets, plus de marchandises à usure planifiée ? Faut-il produire plus d’énergies fossiles, plus de voitures ? En fait, aucune de ces questions ne semble pertinente. Il faut produire plus, pour pouvoir faire sa place dans la concurrence et la Coalition ne dit pas un mot sur une plus juste répartition des richesses, sur l’élargissement de l’écart entre les plus riches et les plus démunis, sur la réforme de la fiscalité. Il ne semble pas que ce soit son problème.
En fait, il faut améliorer le système d’éducation et les programmes de formation de la main-d’oeuvre, valoriser les études professionnelles, et instaurer un dialogue entre les institutions d’enseignement et les entreprises. La condition du développement de la richesse repose d’abord et avant tout sur le développement d’une culture entrepreneuriale qu’il faudrait développer dans toutes les institutions d’enseignement du Québec.

L’important serait d’assurer le virage entrepreneurial, et pour ce faire, devenir les propriétaires de nos richesses naturelles. S’agit-il de nationaliser nos richesses naturelles ? S’agit de nationaliser l’énergie éolienne ? Aucunement ne se hâte-t-il de répondre. Il s’agit de demander à la Caisse de dépôt d’investir dans l’exploitation de nos ressources naturelles pour que ces dernières puissent contribuer à notre richesse collective. Il s’agit d’inciter la Caisse de dépôt à investir davantage pour soutenir les entreprises. Il s’agit d’attirer les entreprises en région en accordant des aides à l’investissement. En somme, il s’agit de s’appuyer sur l’État pour prendre le virage entrepreneurial.

Et, il nous ressert non seulement l’objectif du déficit zéro, le retour à l’équilibre budgétaire, mais la priorité accordée au remboursement de la dette publique du Québec en promettant de lui consacrer 100 % des redevances sur les ressources naturelles. Et il nous ressort la bonne vieille méthode de Lucien Bouchard qui comptait sur les mises à la retraite pour diminuer le déficit du Québec. François Legault mise sur le fait que 6 000 personnes prennent leur retraite à Hydro-Québec d’ici 2018 pour abolir 4 000 postes sans trop de difficultés. Et bien sûr, il n’y aurait pas de diminution de la qualité de service. On pourrait faire plus avec moins. C’est la même rengaine entendue bien souvent et qui a servi à justifier la détérioration des services publics.

4. Promotion de langue française et de la culture...

Pour attirer des souverainistes démissionnaires, Legault devait quand même se montrer nationaliste. Il défendrait la langue française, en finirait avec les écoles passerelles, y compris jusqu’à l’utilisation de la clause nonobstant et il renforcerait le rôle de l’Office québécois de la langue française. Il parle même de souveraineté en matière linguistique qui devrait s’exercer dans toute sa plénitude.

Mais, le message en matière d’immigration est des plus ambigu. Il présente la réduction du nombre de nouveaux arrivants à 45 000 pour les deux prochaines années comme une mesure de défense de la langue française... De là à faire des immigrants la principale cause de la difficulté de la langue française, il n’y a qu’un pas que beaucoup franchissent trop allègrement. Mais ce serait pour redéployer les politiques d’intégration nous dit-il. Cependant, il n’en indique aucune... Sinon de rappeler les marqueurs d’identité auxquels les nouveaux venus sont appelés à s’identifier.
Vision étroite de la culture. Silence sur les problèmes de l’information et de la concentration de la presse. Silence sur la pauvreté des artistes. Silence radio sur les problématiques les plus essentielles.


Merci à Bill Clennett pour le logo modifié de la CAQ.