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La ZLEA mène à la ruine

Fondements du Mouvement des travailleurs sans terre (MST) du Brésil

lundi 16 septembre 2002

Par Elena Gutiérrez

Elemar Nascimento, représentant des travailleurs sans terre du Brésil en tournée en Suède a donné une conférence le 27 août dernier à Folkets Hus de Lund, activité organisée par l’UBV et d’autres organisations de solidarité de cette ville. A cette occasion, il a parlé de façon détaillée et précise des objectifs et l’importance de cette organisation qui, ces dernières années, s’est transformée en un des mouvements populaires les plus intéressants d’Amérique latine.

Elemar Nascimento a commencé à expliquer le caractère du MST, "un mouvement populaire qui a un caractère syndical parce qu’il défend les revendications à caractère économique, mais qui n’est pas seulement un syndicat, mais qui a aussi un caractère politique sans être un parti, un mouvement qui lutte pour trois objectifs fondamentaux : la lutte pour l’obtention de la terre, la réalisation de la réforme agraire et la transformation de la société brésilienne.

Au Brésil, la structure agraire est latifundiste. Le pays détient le second rang au niveau mondial - le premier rang est occupé par le Paraguay - en ce qui a trait à la concentration de la propriété. Un pour cent des propriétaires concentrent dans leurs mains 46% de la terre. Cette situation héritée de l’époque de la conquête et de la colonisation n’a pas été changée et affecte des millions de familles à divers niveaux. Ce sont les petits agriculteurs, les petits locataires, les non salariées, les personnes qui émigrent de la campagne vers la ville et qui s’installent dans les ceintures de pauvreté autour des grands centres urbains.

Diversité des fronts

Le MST, a ajouté Elemar Nascimento- mène son action dans différents secteurs selon une vaste gamme d’initiatives. D’un côté, on le retrouve dans le front de masse qui réunit les sans terre et organise des occupations de terres qui ne sont pas cultivées. Cela peut se faire soit par des gens qui demeurent encore à la campagne ou avec des personnes qui vivent dans les favelas. Une fois un campement établi - une fois qu’une terre est occupée- on exige du gouvernement que cette terre leur soit octroyée. Puis, dans chaque camp, les participantEs s’organisent selon différents secteurs de travail : la santé, la sécurité, l’éducation et la formation, la coopération agricole, les communications, le genre, les soins donnés aux jeunes et aux enfants.

Toute la famille participe à la lutte, signale Nascimento, et il ajoute qu’aujourd’hui le MST est présent dans 23 États du Brésil. Il y a environ 2 000 établissements où 300 000 familles travaillent la terre et environ 100 000 familles attendent la reconnaissance gouvernementale de leurs droits..

Dans les établissements - a ajouté Nascimento - la forme organisationnelle est très complexe. Ces dernières années on a formé plus de 400 associations de producteurs pour, par exemple le partage de la machinerie, la commercialisation et l’assistance technique. Il existe 40 coopératives de travail collectif et une douzaine d’autres de prestation de services (commercialisation, assistance et transport). Y inclus, a ajouté le représentant du MST la mise en place des coopératives de crédit.

Le MST prête une grande attention au problème écologique et impulse des méthodes de travail de la terre qui prévient la détérioration de l’environnement. Les différentes expériences menées vont dans ce sens y compris une école de formation où sont donnés des cours d’agriculture écologique.

L’objectif du MST, a continué Nascimento, c’est la réalisation d’une réforme agraire qui conduirait au développement d’un nouveau type de paysans, ayant une plus grande conscience politique, culturellement plus riche, qui ne s’isolerait pas mais qui, au contraire, maintiendrait un autre type de rapport avec le reste de la société. C’est pourquoi le thème de l’intégration est fondamental. Le contact avec les syndicats, avec ceux qui appuient leurs revendications et leurs actions ou avec les étudiantes avec lesquels ils ont organisé des rencontres pour discuter, entre autres choses, de quelle réforme agraire faut-il obtenir ou quel projet de pays veut-on.

Contre la ZLÉA

D’autre part, l’action du MST ne se restreint pas aux frontières nationales, mais elle prend également le visage d’une lutte globale. C’est pourquoi, il (le MST) a participé à la formation de la CLOC (Confédération latino-américaine de l’organisation paysanne) et par après à celle de Via Campesina.

Ce travail dans un cadre national comme international est fondamental pour rompre l’isolement auquel on tend de soumettre le MST, principalement de la part des médias de communication qui ne cessent pas leurs campagnes de diffamation.

Actuellement, une partie du travail du MST, en liaison avec d’autres organisations populaires du continent, tourne autour de la lutte contre la ZLÉA. (Traité de libre échanges des Amériques). Pour le Brésil, la ZLÉA signifie concrètement l’implantation d’un type d’agriculture qui annihilera une partie des cultures de consommation interne, ce qui conduira à la ruine de millions de familles paysannes et créera une situation de risque de la souveraineté alimentaire.

Le modèle de la ZLÉA s’appuie sur la grande propriété entrepreneuriale vouée à la monoculture à grande échelle tournée vers l’agro-industrie et sur l’utilisation de méthodes de culture et de technologies qui tendent à la surexploitation de la terre. Ceci est en lien aussi avec la biotechnologie, la manipulation génétique des semences et le thème des brevets.

Un autre appel qu’a signalé Nascimento est qu’en lien avec la domination à travers la ZLÉA, les États-Unis cherche à occuper le terrain et à en finir avec tout type de protestation ou de mouvement revendicatif existant. L’affrontement avec le MST est défini par les États-Unis comme un conflit de basse intensité. La persécution et la surveillance des militantEs du MST pratiquées par les agents de la CIA présents au pays annoncé par le gouvernement est une démonstration de cette affirmation. Et il ajoute la dénonciation du fait qu’aujourd’hui des policiers brésiliens se retrouvent en Israël pour s’entraîner dans les camps de prisonniers palestiniens.

Finalement, devant la perspective de la victoire du candidat du Partido Trabalhista, Lula, dans les prochaines élections, Nascimento a soutenu qu’il est possible que cela pourrrait ouvrir pour la première fois un processus social porteur de changements de la société brésilienne, ce qui veut pas dire qu’il en sera ainsi ou que la réalisation de ces transformations se fera sans difficulté.

14 septembre 2002
(Traduction libre, La Gauche)