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La crise économique exige des changements en Russie

mercredi 14 janvier 2009, par BOUDRAITSKIS Ilya


BOUDRAITSKIS Ilya, Paru dans Rouge n° 2281, 08/01/2009


La situation économique qui se dégrade en Russie génère des mouvements de protestation contre les menaces de licenciements. Voici l’analyse d’Ilya Boudraïtskis, membre de l’organisation Vperiod (« En avant »).
Moscou,

La crise économique frappe aujourd’hui chaque travailleur en Russie. Depuis la fin de l’été, la diminution brutale de la production industrielle se poursuit – jusqu’à 30 % dans certains secteurs – et elle engendre des licenciements massifs ou des suspensions provisoires de la production.

Dans des branches aussi diverses que la construction mécanique, l’automobile, la métallurgie ou les usines de transformation, des dizaines de milliers d’ouvriers sont mis en chômage technique avec réduction de salaire. De nombreuses petites villes de province vivent presque entièrement de l’activité d’une seule entreprise ou industrie et les nombreux licenciements à venir les menacent d’une véritable catastrophe sociale. La crise touche aussi en masse les employés du secteur des services dans les grandes villes. Ceux-ci sont jetés à la rue sans même percevoir le salaire entier du dernier mois travaillé. Alors qu’elle avait vu ses rangs grossir avec la croissance économique des dernières années, la classe moyenne des grandes villes se retrouve au chômage et il ne lui reste plus qu’à rembourser ses crédits à la consommation.

Les mesures du gouvernement poursuivent la même logique néolibérale. Il s’agit de sauver les banques et d’aider les grosses entreprises à rembourser leurs dettes. Ainsi, le fonds de réserve, dit de « stabilisation », constitué depuis des années grâce au prix élevé du pétrole, a déjà été amputé, en septembre, de 150 milliards de dollars pour aider les grosses entreprises alors que les allocations-chômage se limitent à 4 900 roubles (à peine plus de 100 euros) par mois.

Les tentatives maladroites du gouvernement pour protéger les constructeurs automobiles russes en augmentant les taxes sur les voitures d’occasion étrangères a conduit à une campagne de protestation massive dans la partie extrême-orientale de la Russie, où des centaines de milliers de personnes vivent de la transformation et du commerce de voitures japonaises et coréennes à bon marché. Contre l’introduction de ces nouvelles taxes, Vladivostok, port de Russie sur la mer du Japon, a été le théâtre de manifestations massives qui se sont affrontées à la police. Au cours du mouvement, d’autres revendications économiques et politiques, plus larges que la suppression des taxes, sont apparues : des garanties contre les licenciements illégaux, le respect du droit de réunion et de manifestation, et même la démission du gouvernement de Vladimir Poutine. Bien que la dernière manifestation ait été dispersée sans ménagement par la police, l’élite dirigeante a de la peine, par sa seule brutalité, à étouffer la grogne sociale montante.

La fin d’un consensus

La crise économique se traduit à tous les échelons de la société. Un état d’esprit oppositionnel se développe à sa base, mais aussi au sein même de l’élite. Les divisions se creusent, en particulier entre les pouvoirs régionaux éloignés et le centre fédéral de Moscou. Dans une conjoncture où la confiance qu’inspirait le président Dimitri Medvedev s’écroule, les pouvoirs locaux aspirent à plus d’autonomie et ils n’hésitent plus à exprimer ouvertement leurs désaccords avec certaines mesures prises par le gouvernement contre la crise. Les dissidences s’expriment au sein même du parti dirigeant, Russie unie. Un groupe de députés connus est intervenu récemment en envoyant à la presse une lettre ouverte exigeant l’augmentation des aides sociales pour les employés licenciés et critiquant le gouvernement, coupable d’avoir dégagé inutilement d’énormes moyens pour venir en aide aux grosses entreprises.

Les contradictions sociales vont s’exacerber cette année et la conjoncture politique s’en trouvera bouleversée. La question primordiale de la création, par la base, d’une force politique est d’autant plus à l’ordre du jour. Une telle force est nécessaire afin d’organiser l’opposition aux licenciements de masse et à la politique du gouvernement. Elle ne doit être construite que sur la base de réels mouvements sociaux et de syndicats combatifs auxquels l’extrême gauche doit prendre part de manière active. On observe déjà, dans toute une série de régions de Russie, des actions concertées de comités comprenant en leur sein des militants politiques et sociaux. Certains syndicats veulent être à l’initiative de la création d’un parti des travailleurs. Bien que, pour le moment, ces mouvements ne représentent qu’une petite minorité d’entre eux, ils seront en mesure, dans un avenir proche, de susciter des adhésions plus massives. Le mouvement socialiste Vperiod (« En avant ») se donne pour but d’être partie intégrante de toutes ces initiatives et d’y jouer un rôle actif afin de leur donner un contenu radicalement anticapitaliste.

BOUDRAITSKIS Ilya
* Paru dans Rouge n° 2281, 08/01/2009.