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La crise mondiale sous la loupe du marxisme. Notes sur un Séminaire international

mardi 3 novembre 2009


Par LCR-Web
le samedi, 24 octobre 2009
_D’après un compte-rendu réalisé par Nacho Álvarez, Daniel Albarracín et Esther Vivas, militant/es de la Gauche anticapitaliste dans l’Etat espagnol.


Début octobre s’est tenu à l’IIRF (International Institute for Research and Education) d’Amsterdam un séminaire international sur la crise du capitalisme. Le but de ce séminaire était d’analyser la nature, les contours et les conséquences de l’actuelle crise économique mondiale.

Les interventions des orateurs/trices ont été filmées et seront bientôt disponibles sur la page web de l’Institut (www.iire.org ), en outre, les participant/es se sont accordé à constituer un réseau d’économistes afin de poursuivre activement la discussions et les échanges, et ce réseau se réunira à nouveau dans deux ans pour un autre séminaire.

Trois questions fondamentales ont été abordées tout au long des différentes sessions du séminaire :

En premier lieu, quelle est la nature de cette crise ? S’agit-il d’une crise économique classique de plus, ou devons-nous la souligner son caractère inédit du fait du rôle particulier tenu aujourd’hui par la finance dans l’économie mondiale ? S’agit-il de la crise du « capitalisme financier » ? Es-ce que la théorie des ondes longues reste utile pour comprendre le développement du capitalisme aujourd’hui ?

En second lieu, quelles sont les conséquences économiques, sociales et politiques de cette crise ? Assistons-nous à un retour du keynésianisme ou, au contraire, l’agenda néolibéral continue à guider les plans et sauvetage et de relance promeut par les principaux gouvernements de la planète ? Pouvons-nous dire que la virulence de la crise va se traduire mécaniquement par un accroissement des conflits sociaux, et dans le redéploiement des discours de la gauche ?

Enfin, quel type de rapport existe-t-il actuellement entre la crise économique, la crise écologique et la crise alimentaire ?

Pour aborder ces questions, et d’autres encore, nous avons pu compter sur d’excellentes contributions faites par des économistes, des militantes marxistes et écologistes de talent.

François Chesnais (France) a ouvert le séminaire en posant le débat sur le rôle joué par ladite « fianciarisation » de l’économie dans la crise actuelle. Un accord général s’est exprimé quant à son opinion : la crise actuelle ne peut pas être simplement caractérisée comme une « crise financière », ni, non plus, comme le fruit de cette « financiarisation ». La crise actuelle tire ses racines des profondeurs du processus d’accumulation du Capital, révélant toutes ses contradictions, de sorte que les causes ultimes de cette crise doivent être recherchés dans la dynamique même de l’activité productive, dans l’extorsion de la plus-value et dans la répartition des richesses entre le capital et le travail.

Au moment de caractériser les causes de la crise et ses liens avec le processus d’accumulation du capital, un débat intéressant a surgi entre les participant/es au séminaire. Certains ont défendu l’explication du processus de sur-accumulation (autrement, l’insuffisance de la rentabilité des investissements capitalistes dans l’activité productive), tandis que d’autres ont souligné l’importance d’ajouter et de tenir en compte du phénomène de sous-consommation (conséquence d’un modèle de distribution des richesses tellement régressif qu’il a fini par éroder la demande effective, maintenue pendant des années à coup d’endettement des ménages).

Ozlem Onaran (Turquie), Claudio Katz (Argentine) et Bruno Jetin (France) ont présenté des rapports sur la situation des économies européennes, latino-américaines et asiatiques. Ces exposés ont permis de mieux profiler la dimension de la crise, tout comme l’impact particulier qu’elle provoque dans les différentes régions du monde. Au-delà des différences, ces rapports ont mis en lumière l’absence de toute forme de cloisonnement entre les diverses régions et le caractère planétaire de la crise.

Tant Michel Husson (France) que Klaus Engert (Allemagne) ont analysé quant à eux la crise actuelle à la lumière de la théorie des ondes longues. Selon cette théorie, il est possible de saisir toute l’importance de l’existence des facteurs endogènes (c’est à dire inhérents à la logique du capital et à ses contradictions internes) qui permettent de comprendre que la phase descendante de l’accumulation capitaliste qui a commencé au début des années ’70 ne s’est pas encore terminée.

Dans ce sens, la discussion sur l’évolution du taux de profit au cours de ces dernières décennies a été très intéressante. De plus, la théorie des ondes longues permet d’évaluer comment la possibilité d’un rétablissement de haut taux de profits et d’une nouvelle onde longue ascendante du capitalisme exige non seulement une combinaison de facteur endogènes, mais aussi exogènes (autrement dit, liés à des événements socio-politiques, à la lutte des classes), ce qui se traduire à coup sûr par de nouvelles attaques contre les droits syndicaux, les droits des travailleurs et les droits démocratiques historiquement conquis par le monde du travail.

Les différentes intervenants étaient d’accord quant au fait qu’il était impossible de caractériser les mesures économiques (fiscales, monétaires, etc.) menées par les gouvernements face à la crise comme étant des politiques de type keynésiennes, mais bien comme les recettes habituelles de la collectivisation des pertes et de la privatisation des profits. De plus, ces interventions massives des gouvernements ne peuvent être répétées à l’infini ; à court terme, ils seront incapable de continuer à sauver le processus d’accumulation de ses propres contradictions (fondamentalement : son incapacité à rentabiliser les investissements dans la sphère productive), ce qui amènera à une situation de « sortie de crise » caractérisée par une longue période de stagnation, de chômage et de luttes pour la répartition des richesses. Nous ne pouvons donc pas dire qu’il existe un changement significatif dans l’agenda politique qui guide l’action des pouvoirs publics.

Dans ce sens, l’exposé réalisée par Eric Toussaint (Belgique) est venu rappeler l’absence de tout mécanisme déterministe entre le fait que la crise est fondamentalement payée par les classes ouvrières et populaires, et la traduction de ce phénomène dans une augmentation des luttes sociales. D’autres facteurs, de type politique, idéologique et organisationnel doivent êtres tenus en compte pour fortifier et impulser ces luttes.

Esther Vivas (Etat Espagnol) et Daniel Tanuro (Belgique) ont introduits dans le séminaire une dimension analytique fondamentale : la constatation que la crise économique n’est pas isolée, qu’elle s’accompagne au contraire par l’éclatement d’autres crises – tout aussi durables et structurelles – telles que la crise alimentaire et la crise écologique.

Esther Vivas a analysé les causes conjoncturelles et structurelles de la crise alimentaire et a souligné le rôle joué par le modèle industriel actuel de la production agricole et du bétail comme l’un des principaux responsables des gaz à effet de serre et du changement climatique. Vivas a exploré les liens entre la crise alimentaire et financière et présenté les deux comme étant le résultat de l’expansion globale du capitalisme.

Daniel Tanuro a quant à lui souligné comment les mesures officielles prises pour faire face au changement climatique sont « insuffisantes, irréelles, dangereuses et irrationnelles » et ne font que répondre aux intérêts d’un « capitalisme vert » pour faire du profit avec la crise écologique actuelle. Pour Tanuro, l’écosocialisme doit mettre en avant la suppression de la production non-nécessaire, la reconversion des travailleurs des secteurs polluants dans d’autres secteurs, un nouveau modèle de développement agricole relocalisé et des mesures anticapitalistes radicales.

Les analyses exposées tout au long du séminaires ont permis de constater - avec force conviction et rigueur – que l’humanité s’affronte aujourd’hui à une crise de caractère systémique (financière, économique, alimentaire, écologique...). La virulence et la profondeur de la crise, unies au fait que ce sont les plus fragiles qui sont en train de la payer (les travailleurs et les classes populaires de toute la planète), ont permis de conclure le séminaire en rappelant la nécessaire actualité d’un projet émancipateur, anticapitaliste, écologiste et socialiste.

D’après un compte-rendu réalisé par Nacho Álvarez, Daniel Albarracín et Esther Vivas, militant/es de la Gauche anticapitaliste dans l’Etat espagnol.