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Stratégie de lutte

La grève générale, comment ?

dimanche 25 mai 2003

Après avoir donné la parole à des responsables syndicaux FSU, G10 Solidaires et CGT, nous donnons ici notre avis sur les moyens à mettre en oeuvre pour faire reculer le gouvernement.

Les mots d’ordre d’action passent évidemment par les syndicats et par les instruments unitaires que le mouvement social se donne : intersyndicales, coordinations représentatives. Mais le débat public est nécessaire.

Le premier point, décisif pour le mouvement actuel, est la lucidité sur la détermination de la droite et du patronat. Ils veulent l’affrontement et cherchent à prendre leur revanche sur 1995. Impossible de tergiverser : seule une grève générale privé-public a la puissance sociale nécessaire pour mettre Fillon en échec. Le Duigou (CGT) estime (dans Rouge du 15 mai) qu’il faut un rapport de forces "plus grand que 1995". Mais il faut appeler un chat un chat. Seules l’union syndicale Solidaires (voir l’interview d’Annick Coupé dans Rouge du 8 mai) et FO ont indiqué l’objectif de la grève reconductible. Marc Blondel expliquait le 1er mai "qu’il faut dès à présent ouvrir la perspective d’une grève interprofessionnelle". La FSU, après débats, appelle à la reconductible dans son champ professionnel. Les effets sont immédiats dans la radicalisation du mouvement.

Plus grave : la direction CGT a tout fait, après le 13 mai, pour étouffer les débuts de grève reconductible (cheminots, poste, santé, etc.). Les débats sont extrêmement tendus dans certains syndicats. Dans les unions départementales et locales, beaucoup s’interrogent sur la stratégie de Bernard Thibault. La grève générale "ne se décrète pas", répète-t-on. Certes. Mais elle se propose, se prépare et s’encourage. En réalité, critiquant un mot d’ordre de grève jugé "plaqué", la CGT a elle-même plaqué, par en haut (alors qu’elle dit officiellement que ce n’est plus sa ligne de conduite), une stratégie prédéterminée, qui aurait pu conduire à l’échec si le mouvement social n’avait pas bousculé le calendrier. Fin avril, la CGT ne proposait que la manifestation du 25 mai. Alors que le gouvernement multipliait les provocations ! Puis elle a accepté le 13 mai. D’autant plus que la CFDT s’y est ralliée.

Un troisième argument est la nécessité de mobiliser le privé, et donc... de prendre du temps. Mais cet argument ne tient pas quand le 13 mai met deux millions de personnes dans la rue et encore plus en grève. La grève de Mai 68 a démarré après le choc politique du 13 mai 1968. Le secteur privé est certes en situation difficile. Mais il a surtout besoin de sentir une force, une détermination du syndicalisme contre les exploiteurs. Une manifestation à Paris est une bonne idée pour élargir le mouvement. Mais si cette manifestation n’est pas au sommet d’une vague de grèves, et pire encore, si les grèves sont désavouées, ou l’étape suivante renvoyée aux calendes, le 25 mai pourrait moins bien réussir.

Tout le monde a les yeux tournés vers la CGT, principale force du 13 mai. Elle a été surprise du coup de Jarnac de la CFDT. Thibault durcit son langage, tout en aidant Hollande (PS) à se refaire une santé. Mais tant mieux si cela peut rassembler encore plus pour le retrait du plan Fillon.
Dominique Mezzi.