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Critique du document Landry "Regard sur les enjeux économiques du Québec"

Le chef du PQ réaffirme son crédo néolibéral

par Robert Tremblay

dimanche 16 janvier 2005

Dans le document de Bernard Landry intitulé " Regard sur les enjeux économiques du Québec", le chef de l’opposition officielle donne toute la mesure de son ralliement au néolibéralisme. Son principal mot d’ordre pour le Québec "accroître la compétitivité" des entreprises privées. Ces dernières se voient confiées le rôle essentiel dans la croissance économique du Québec. L’État est défini comme un "partenaire et un accompagnateur de l’entreprise". Pour accroître cette compétitivité, Landry propose comme pierre angulaire de sa stratégie : l’investissement dans le capital humain.

Un diagnostic sous forme d’un bilan satisfait du ralliement au libre-échange...

Landry résume "les acquis" sa politique économique : la compétitivité fiscale des entreprises a été améliorée (comprenez diminuée) et les incitatifs fiscaux ont permis d’attirer les investisseurs étrangers.

Le défi démographique

Comme le gouvernement Charest, et l’ensemble des politicienNEs bourgeois au Québec, Bernard Landry fait du vieillissement de la population sa première préoccupation ? Pourquoi ? C’est que le nombre des travailleuses et des travailleurs prenant leur retraite au cours des prochaines années ne pourra pleinement être compensé par l’embauche des jeunes. La diminution du bassin de main-d’œuvre aura des effets sur le marché du travail. Il ne faut pas être grand clerc pour voir que la diminution de l’offre de travail va exercer des pressions à la hausse sur les salaires. Il n’y aura plus cette abondance de main-d’œuvre qui est le gage de bas salaires.

Mondialisation et intégration économique...

Sa principale préoccupation est d’augmenter la compétitivité de l’économie pour faire face à la lutte de tous contre tous au niveau mondial. Depuis deux ans, nous rappelle-t-il, 33 000 emplois ont été perdus dans l’industrie manufacturière au Québec. Cela serait dû à la compétition asiatique et au ralentissement de l’économie américaine, au resserrement des contrôles aux frontières (le protectionnisme américain en fait) qui auraient provoqué une chute de 12,3% des exportations québécoises.

Que faire selon lui ?

Sa solution est particulièrement simple. Il faut travailler plus et travailler plus longtemps. Landry n’hésite pas à reprendre à son compte les cibles de l’offensive bourgeoise contre les travailleurs et les travailleuses du Québec. Il ne s’agit pas pour lui de travailler moins pour vivre mieux ; il ne s’agit plus de baisser le temps travail sans baisser les salaires, de réduire l’âge de la retraite pour créer des emplois. Il s’agira de travailler plus et de hausser l’âge de la retraite. Il n’hésite pas à prendre le contre-pied des revendications mises de l’avant par les organisations syndicales depuis des années maintenant. L’important, malgré ses prétentions par ailleurs, ce n’est pas la qualité de la vie, c’est la quantité, la qualité et le faible prix de la main-d’œuvre à fournir aux entreprises dans les années qui viennent.

Pour contrer la pénurie de main-d’œuvre appréhendée... il faudrait que les couple québécois croient assez en l’avenir pour avoir envie d’élever des enfants, écrit-il. Accroître le nombre de travailleurs âgées qui restent en poste, retarder l’âge moyen auquel les travailleurs et les travailleuses quittent la vie active, développer une politique nataliste... tout cela vise l’extension de ce que Marx appelait "l’armée industrielle de réserve ", condition d’une intensification accrue du travail, de l’aggravation de l’exploitation, de la stagnation des salaires. Tant pis, semble nous dire Bernard Landry, car c’est par-là que passe le renforcement de la compétitivité des entreprises québécoises.

Et il se plaint que les Américains (sic, le patronat américain en fait) allongent le nombre de leurs heures de travail alors que ce ne serait pas encore le cas au Québec. Et de se plaindre encore que l’absence complète du travail (vacances, maladies, obligations diverses) soit plus fréquente au Québec qu’au Canada et aux États-Unis.

Créer un marché du travail plus flexible

Bernard Landry propose aussi de renforcer la flexibilité du marché du travail. Les travailleurs et les travailleuses du Québec savent ce que cela veut dire : travail à temps partiel, contrat à durée déterminée, licenciements temporaires et engagements pour des période limitées.... Et conséquemment diminution des revenus ... Et Landry nous promet même de répéter une grande manœuvre, similaire à celle de Lucien Bouchard qui avait réussi à faire adhérer les organisations syndicales à la baisse du déficit. Il veut, lui, impliquer le travailleurs "dans l’identification de solutions bénéfiques pour tous qui pourraient être incluses dans un accord national sur la flexibilité du marché du travail". Il sait bien que cela provoquerait le développement de l’insécurité et de la précarité ; et il évoque même que cela soit un danger possible. Ce n’est pas un danger, c’est une certitude. La flexibilité c’est la généralisation de la précarité et de l’insécurité.

Tourner l’éducation vers le développement du capital humain

Landry fait du centre de sa stratégie économique l’investissement dans le capital humain pour offrir au capital une main-d’œuvre compétente, adaptable, capable d’adhérer au changement... Tous les niveaux du système d’éducation devraient être mobilisés pour ces objectifs. Le réseau collégial devrait contribuer à la formation d’une main-d’œuvre qualifié et offrir une formation continue centrée sur les besoins des entreprises locales ; les universités devraient assurer une formation d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pour attirer des investisseurs dans des créneaux spécialisés utilisant les qualités de ce capital humain.

Et sous le mot d’ordre mystificateur de "favoriser l’apprentissage tout au long de la vie", les travailleurs et travailleuses se voient confier la responsabilité de développer leur capital humain et d’y contribuer financièrement.

Le développement des régions serait, sous sa gestion, confié à l’entreprenariat ou aux initiatives nouvelles des entreprises. Que le développement spontanée des entreprises amènent ces dernières à se localiser autour de pôles de croissance et à vider nombre de régions au Québec ne semble pas le préoccuper. Il semble ignorer ces faits les plus avérés. Il se contente d’appeler l’État à fournir des ressources techniques et scientifiques aux entreprises dans la logique de la socialisation de la diminution des coûts de production (recherche, développement, aide à l’exportation, financement de l’engagement du personnel technique ou de la modernisation des équipements) tout en taxant le moins possible et de moins en moins les richesses ainsi produites au nom de la compétitivité. Un gouvernement Landry annonce-t-il ne prendrait jamais des participations majoritaires dans les entreprises... Ce n’est pas tout au privé, mais tout pour le privé... et pour les intérêts des capitalistes québécois et étrangers.

Ainsi après tout le travail d’accompagnement, de soutien financier et autre promesses aux entreprises, Landry propose d’abolir la taxe sur le capital. Il s’agirait aussi d’attirer encore plus les investissements étrangers qui représentent près du tiers (28%) des investissements privés au Québec.

L’intervention de l’État devrait être adaptée non aux besoins de la population mais aux besoins des entreprises. Comme si les besoins des entreprises correspondaient aux besoins de la population. On voit bien où cela nous a menés dans le secteur de la construction où la recherche de rente locative conduit le capital immobilier à investir dans les logements coûteux alors que les logements à prix modique manquent cruellement. La logique du marché capitaliste s’oriente vers la demande solvable, non vers les besoins essentiels.

Le soutien au libre-échange et à la ZLÉA

Landry est clair, il faut défendre la mise sur pied de la ZLÉA. Et il ose prétendre que dire oui à la l’économie de marché et au libre-échange, ce n’est pas dire oui à la société de marché... Présenter la ZLÉA comme la seule ouverture des frontières au commerce international, c’est faire l’impasse sur qui a été à l’initiative du libre-échange continental et qu’elles ont été les effets de ce libre-échange sur la population. Et, les balises qu’il propose : retour du politique, respect de la diversité culturelle et linguistique, défense des droits sociaux et du contrôle démocratique, ce sont des feuilles de vigne qui cachent mal la réalité de la ZLÉA, de son projet... et qui ne permettent pas de comprendre la large mobilisation populaire qui s’est développée dans les Amériques contre ce projet.

Bernard Landry est obligé de dire quelques mots sur le développement durable

Il serait faux, prétend-il, d’opposer la croissance capitaliste à l’environnement. Il n’est naturellement pas d’accord avec les critiques faites sur l’exploration forestière capitaliste, sur l’agro-business pollueur, sur les politiques énergétiques polluantes... Que son gouvernement ait laissé faire tout cela au nom même de cette compétitivité à développer à tout prix, il ne peut le dénier, il se contente de passer tout cela sous silence et il se refuse de soulever un quelconque bilan de son gouvernement à ce niveau.

Landry réaffirme son crédo néolibéral

Landry n’a pas bougé d’un pouce depuis qu’il s’est fait le défenseur du libre-échange et de la gestion néolibérale du capitalisme. L’avenir du Québec passe par le renforcement du patronat, la détérioration des conditions de travail des classes ouvrières et populaires, par le maintien de l’inéquité fiscale aux dépends des classes populaires.

Voilà l’avenir que le chef du PQ esquisse pour le Québec de demain. Rien de bien enthousiasmant. Pas étonnant qu’il trouve peu d’arguments significatifs pour s’opposer au néolibéralisme de Charest.

Que certains secteurs qui se disent de gauche espèrent encore dans ce parti politique pour défendre les intérêts populaires ou pensent qu’il soit même possible d’envisager une quelconque alliance laissent pantois. Qu’une telle stratégie néolibérale et anti-populaire ose se dire ouvertement devrait être l’occasion d’assumer une rupture totale avec le Parti Québécois.

Les syndicalistes du SPQ-libre se doivent de dénoncer Landry et les politiques qu’il proprose. Cela leur ouvrirait peut-être la porte à une sortie nécessaire de ce parti et à leur ralliement à la construction d’une alternative de gauche véritable.