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Le gouvernement Charest doit accorder priorité à la réforme du mode de scrutin sur celle des institutions

dimanche 8 juin 2003, par Paul Cliche

Parmi les rares nouvelles annoncées par le premier ministre Charest lors du discours inaugural de la 37e législature, il a été question de la présentation "au printemps 2004, d’un projet global de réforme des institutions démocratiques". Ce dernier a confirmé du même souffle l’engagement libéral "d’apporter des modifications au mode de scrutin actuel afin que la distribution des sièges parlementaires respecte davantage les votes exprimés".

C’est la première fois que le gouvernement élu le 14 avril indique son intention de donner suite aux travaux des États généraux sur la réforme des institutions démocratiques qui a mobilisé les énergies de milliers de citoyens l’automne et l’hiver derniers. On se souvient que cet événement s’est échelonné sur six mois et s’est clôturé par des assises nationales réunissant un millier de personnes de tous milieux et de tous âges représentant les 125 circonscriptions québécoises. Lancés par l’ex-ministre péquiste Jean-Pierre Charbonneau la réalisation de ces États généraux avait été confiée à un comité dirigé par l’ex-président du Mouvement Desjardins, Claude Béland.

Cette annonce constitue probablement la seule nouvelle réjouissante pour les esprits progressistes dans ce discours d’orientation marqué au coin de la plus pure idéologie néolibérale. Le souhait que la démarche initiée par les États généraux se poursuive avait fait l’objet d’un large consensus parmi les citoyens participants dont plusieurs n’espéraient toutefois pas que le nouveau gouvernement exaucerait leur vœu.

Il ne faudrait toutefois pas, qu’à l’instar de M. Charbonneau, le nouveau ministre délégué à la Réforme des institutions démocratiques, M. Jacques Dupuis, soit tenté de noyer le poisson en liant la réforme du mode de scrutin au "projet global de réforme des institutions". Les deux questions sont en effet bien différentes.
La réforme du mode de scrutin alimente le débat politique québécois depuis la décennie soixante. Les sondages et les consultations publiques effectués ces dernières années démontrent que la question, malgré son caractère un peu ésotérique qui rebute certains, intéresse de plus en plus de citoyens et que l’instauration d’un scrutin proportionnel rallie une bonne majorité d’entre eux.

Le sujet s’est naturellement retrouvé au cœur du débat des État généraux où 90% des participants se sont prononcés en faveur de l’’instauration d’un scrutin en tout ou en partie proportionnel ; 10% seulement appuyant le statu quo. Dans son rapport rendu public le 10 mars dernier, le comité Béland en a d’ailleurs fait sa première recommandation. Notant "la volonté populaire très ferme de réviser le mode de scrutin actuel" ce dernier a préconisé un mode de scrutin de représentation proportionnelle régionale qu’il voulait voir instaurer avant la fin de la première partie du mandat du gouvernement élu le 14 avril.

Quant au projet de réforme de l’ensemble des institutions démocratiques la discussion publique n’a fait que commencer lors des État généraux. Elle devra certes se poursuivre encore quelques années avant d’aboutir à un consensus aussi probant que celui entourant la réforme du mode de scrutin.

Le ministre Dupuis, qui a su s’entourer de conseillers forts compétents en la matière, devrait donc agir avec célérité et publier, dans les meilleurs délais, un échéancier établissant les diverses étapes devant conduire, d’ici deux ans, à l’adoption de la réforme promise. Au cours de la dernière campagne électorale, 16 des 25 membres du cabinet Charest dont le premier ministre lui-même se sont d’ailleurs engagés, à la demande du Mouvement pour une démocratie nouvelle, à respecter cet échéancier de 48 mois qui, seul, peut garantir la mise en place du nouveau système électoral par le Directeur général des élections à temps pour la tenue des prochaines élections générales. Répondant à une question qui lui a été posée durant la campagne, via le site internet de Radio-Canada, le chef du gouvernement avait d’ailleurs noté que "le début d’un nouveau mandat est la période la plus propice pour discuter, consulter et implanter une telle réforme".

Par ailleurs, ce dossier est probablement devenu le mieux documenté de toute l’administration gouvernementale au fil des nombreuses études et commissions dont la question a été l’objet depuis 30 ans. Le gouvernement possède donc toutes les données nécessaires pour faire son lit. Il peut, s’il le veut, présenter un projet pour consultation publique d’ici deux à trois mois. Quant à son projet global de réforme des institutions démocratique il aura tout le temps voulu pou le fignoler.

Paul Cliche, auteur du livre Pour réduire le déficit démocratique : le scrutin proportionnel