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Non au ralliement canadien au projet américain de Bouclier antimissiles !

lundi 19 mai 2003, par Bernard Rioux

Décembre 2002, le président George W. Bush fait l’annonce officielle du lancement du projet de Bouclier anti-missile. Soumis aux pressions de l’industrie d’armement et de ses propres militaires, le gouvernement Chrétien essaie de préparer la population canadienne à un ralliement. Le ministre des affaires extérieures, Graham refuse de soumettre ce choix aux discussions parlementaires. Le gouvernement canadien nous prépare un choix majeur qui aura des conséquences économiques et sociales désastreuses. Chrétien essaie de nous faire croire que le bouclier américain est un projet modeste qui n’a plus rien à voir avec la guerre des étoiles. Paul Martin, pour sa part, s’y déjà fait le défenseur de ce projet.

Le nouveau cadre stratégique américain

Le projet Bush de Bouclier antimissiles s’inscrit dans un cadre stratégique différent du projet Reagan de la guerre des étoiles. Ce projet militariste pharaonique visait à sanctuariser le territoire américain en le protégeant de l’arrivée sur son sol de missiles intercontinentaux soviétiques. Il visait à rompre l’équilibre des forces par le déploiement dans l’espace de capteurs divers et de missiles permettant de détruire les missiles ennemis que ce soit au départ, durant leur parcours. En fait, les ambitions du projet de guerre des étoiles dépassaient les capacités technologiques de l’époque et il a tourné court.

Avec l’effondrement de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide, le cadre stratégique soutenant ce projet de bouclier antimissiles ne va pas être abandonné mais redéfini entièrement. Il sera voté , (« National missile Defense Act ) par les Démocrates et les Républicains au Congrès en 1999. Et c’est George Bush qui a entrepris maintenant de le mettre en chantier sous le nom Missile Defense System (MDS).

Pour assurer sa domination planétaire, le gouvernement américain vise à la maîtrise des armes les plus avancés et la création d’un déséquilibre stratégique en leur faveur. Toutes les démarches visant à assurer un équilibre stratégique et la non-prolifération des armes nucléaires sont abandonnées. C’est pourquoi les États-Unis ont refusé de ratifier le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) signé par 150 pays en 1996 à New York. C’est pour la même raison que Washington refuse de signer les conventions sur les mines antipersonnelles et que le retrait (annoncée en juillet 2001) du Traité américano-russe anti-ballistique devient effective en juin 2002. Pour le gouvernement Bush, les choix stratégiques des États-Unis ne doivent pas être entravés par des engagements multilatéraux quels qu’ils soient.

Les discours de Washington pour justifier leur nouvelle course aux armements se s’articule autour de la dénonciation d’États-voyous et sur les dangers que ces États pourraient faire courir aux États-Unis s’ils développaient des armes de destruction massive, particulièrement des armes nucléaires. On a vu le caractère manipulateur de ces propos dans le cas de l’Irak. L’objectif réel est de construire un bloc économique, politique et militaire euro-atlantique sous leur direction afin de pouvoir sanctuariser non seulement les États-Unis mais l’ensemble de ses alliés et leur donner ainsi une couverture à leur intervention partout dans le monde. Le MDS n’a pas été pensé par le Pentagone pour être un moyen défensif mais bien , au contraire pour servir dans le cadre d’une stratégie offensive visant à conserver au gouvernement de Washington sa capacité d’intervention sans crainte de représailles importantes. Le MDS est donc une nouvelle arme d’ingérence américaine. Le MDS intègre l’ensemble des programmes de défense de théâtre (TMP), de zone et de territoire national. C’est la stratégie de la sanctuarisation agressive, cette capacité de l’impérialisme américain à frapper, avec l’aide de ses alliés européens partout dans le monde comme il l’entend sans crainte de représailles.

Cette stratégie se cuirasse d’une stratégie de « contre-prolifiération » qui ouvre les possibilités de l’emploi « préemptif » d’armes nucléaires tactiques contre des objectifs précis.

Pour Washington, le bouclier anti-missile est donc le complément nécessaire à la capacité des États-Unis et de ses alliés de porter la bataille chez ses ennemis. La construction d’un bloc économique et militaire sous la domination américaine (ou les alliés sont placés dans une position de dépendance) nécessite l’engagement des alliés dans ce projet. C’est pourquoi, Washington cherche à impliquer le Canada et les pays européens qui avaient été réticents. Des débats sont donc ouverts dans les différentes bourgeoisies européennes sur le ralliement ou le défense de bouclier sur une base nationale ou européenne.

Les fondements économiques

Le projet de Bouclier antimissiles permettra au complexe militaro-indusriel américain de continuer de prospérer en ouvrant largement aux investissements du gouvernement américain dans ce secteur. Toutes les grandes entreprises de défense américaines sont impliquées par ce programme : Boeing pour l’intégration de l’ensemble des éléments du système, Lockheed Martin pour le développement du véhicule de lancement, Northrop Grumman pour le lanceur et Raytheon pour le véhicule d’impact, les radars d’alerte…. Le coût du programme est estimé, jusqu’à maintenant, à 60 milliards de dollars.

Le Bouclier antimissiles vise à protéger les États-Unis dans leur prise en mains de la croissance économique de l’Asie par la prise de contrôle des hydrocarbures du Moyen-Orient et de la mer Caspienne. L’objectif est donc d’inféoder la partie européenne de l’Eurasie et donc priver la Chine d’un partenaire économique et politique concurrent et rendre ainsi l’économie chinoise dépendante des choix américains.

Les rivalités géostratégiques.

Les États-Unis ne dépenseront pas 60 à 100 milliards de dollars pour un système uniquement destiné aux "États-voyous" (Libye, Soudan, Syrie, Iran, Corée, Cuba). Aucun de ces pays ne peut être sérieusement qualifié de menace par engin balistique pour le territoire amércain. En fait, la Chine est la principale cible du bouclier antimissiles. Le Document du Pentagone (Joint Vision 2002 le reconnaît explicitement).

Le projet de Bouclier antimissiles va relancer la course aux armements. La Chine annonce déjà que le projet américain l’obligera à augmenter le nombre de ces têtes nucléaires afin d’être en mesure de présenter la menace d’une possible saturation du futur système de défense. Ce qui pourrait avoir un effet de relance de la course aux armements nucléaires en Inde se sentant menacé par les efforts de Pékin) et le Pakistan , sans parler de la Russie.

Le Canada dans la galère

La mise en place du Missile Defense System (MDS) constituerait un ralliement au projet stratégique de Washington. Cela voudrait dire pour le gouvernement canadien l’abandon du soutien canadien au Traité concernant la limitation des systèmes antimissiles balistiques de 1972 ; cela voudrait dire pour Ottawa un ralliement à la politique d’intervention unilatérale des Etats-Unis qui est au fondement de ce bouclier antimissiles. Cela voudrait dire, endosser le rejet par le Sénat américain du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE-CTBT). Cela voudrait dire s’engager dans une démarche pouvant conduire à une nouvelle prolifération des missiles, une nouvelle courses aux armements nucléaires.

Depuis 2000 déjà, les militaires canadiens ont établi un bureau de liaision auprès de l’organisme chargée de la gestion du projet à Washington. Les militaires canadiens en appelle au respect de leur participation à NORAD. Les industriels de l’armement et des télécommunications y voient une manne qu’ils ne veulent à tout prix pas laisser passer. La position du gouvernement canadien sur la guerre en Irak les a ulcérés. Les échanges de matériel militaire du Canada avec les Etats-Unis se chiffrent chaque année à environ 1 milliard de dollars. Quand on ajoute le chantage et les pressions américaines, on comprend l’ampleur de la tâche pour le mouvement anti-guerre.

Compte tenu de tous ces éléments, seule la mobilisation la plus large pourrait stopper le gouvernement canadien. Le mouvement anti-guerre et altermondialisation doit faire du refus du ralliement au projet de Bouclier antimissiles un axe de son combat. Il doit rejeter la perspective des négociations avec les Etats-Unis ; dire non aux engagements anti-démocratiques du PLC sur le Bouclier antimissiles et exiger la tenue d’un référendum à l’échelle du pays sur la participation canadienne !

Bibliographie

Le bouclier antimissiles américain après les attentats du 11 semptembre 2001, sous la direction de Pierre Pascallon, L’Harmattan, 2002

Guerre et mondialisation, Michel Chossudovsky, Ecosociété, 2002

La mondialisation armée, le déséquilibre de la terreur, Claude Serfati, Textuel, 2001.

Le Canada et le système américain de défense antimissiles NMD, Brahim Saidy, Internet.2000.