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Pourquoi le refus des visas au groupe Debza ?

samedi 24 décembre 2011, par José Bazin

Entrevue avec José Bazin - Gauche socialiste

« Debza est une troupe engagée, aux côtés des opprimés et qui est en mesure de faire le bonheur des différentes cultures algériennes avec ses chansons dans les langues de ce pays. »

Bonjour José et bienvenue chez les Kabyles. Avant tout, pouvez-vous nous présenter votre organisation "Gauche Socialiste" ?

"Gauche socialiste" (G.S.) est une organisation rassemblant des militantes et militants de la gauche anticapitaliste québécoise.
G .S. est un collectif, partie prenante de ‘‘Québec Solidaire’’ qui œuvre à l’unité de la gauche et participe à sa diversité.

G.S. lutte également pour une alternative socialiste, féministe, démocratique, écologiste et indépendantiste. Nous participons à toutes les mobilisations sociales comme les luttes étudiantes, les manifestations anti-guerres, l’appui aux grèves…

Nous voulons une société fondée sur une démocratie sans précédent, qui permettrait au plus grand nombre de décider et de contrôler les grands choix politiques, économiques et sociaux.

Nous sommes internationalistes et notre réseau nous aide à voir le monde à travers les lunettes d’un mineur russe, d’une femme iranienne, d’un autochtone du Mexique, d’un Amazigh de l’Afrique du nord...
Ensemble, nous partageons la conviction que ce monde inégalitaire et oppressif est inacceptable.

On vient d’apprendre que l’ambassade du Canada à Alger a refusé les visas d’entrée à deux membres de la troupe Debza, en l’occurrence messieurs Hamiane Merzouk et Rachidi Mahmoud que vous avez invité pour une présentation à Montréal. Pourquoi DEBZA ?

Debza est un groupe connu au sien de la communauté algérienne. Il a produit plusieurs albums dont les titres ont marqué plus d’une génération d’Algériens. C’est un groupe engagé dont on partage les idées et le même idéal. En plus, on a maintenu des contacts quasi permanents avec ces artistes, grâce au lien d’amitié qu’ils entretiennent avec beaucoup de nos membres, dont certains ont milité avec les membres de cette troupe. Debza est une troupe engagée, aux côtés des opprimés et qui est en mesure de faire le bonheur des différentes cultures algériennes avec ses chansons dans les langues de ce pays. Nous aurions souhaité les avoir parmi nous à Montréal pour Yennayer.

Justement, pourquoi Yennayer ?

Yennayer signifie le nouvel an berbère en Afrique du nord. Le choix de cette date a été fait par nos membres dont un bon nombre sont d’origine berbère et militants de cette cause, connus pour leur militantisme ici à Montréal.

Nous avons retenu Yennayer car c’est la seule fête laïque qui fédère toute l’Afrique du nord.

En tant qu’organisation québécoise, nous voulions faire en sorte que cette fête laïque soit le moment pour approfondir le dialogue interculturel et internationaliste avec les Amazighs de Montréal en leur disant que leur lutte est le combat de toute la société, et que la défense des opprimés est un combat politique. Pour cela donc , on a programmé deux soirées. La première, le 6 janvier, il y aurait eu un monologue intitulé « l’accusé ». Le texte est en langue française écrit par Abdelatif Bounab, interprété par Merzouk Hamiane qui serait accompagné musicalement par Mahmoud Rachedi.

La soirée du 7 janvier devait être musicale (chanson en tamazight et en Darja).

Par cette manifestation, nous voulons afficher notre soutien au peuple berbère en Afrique du nord, un peuple en mouvement pour la reconnaissance de son identité, mais également apporter notre soutien à toutes les forces laïques, solidaires, féministes, écologistes et démocratiques de cette région, car nous considérons qu’il est temps de mettre un projet moderniste, laïque, juste et équitable au profit de tous les peuples de la région.

Comment expliquez-vous le refus ?

Le visa est refusé parce que les dossiers déposés n’ont pas réussi à convaincre les fonctionnaires du consulat sur le retour de Merzouk et Mahmoud en Algérie après leur prestation. Pourtant leur demande remplissait toutes les conditions requises et exigées par les services consulaires canadiens. Ils avaient déposé leur demande de visa le 27 novembre dernier pour un court séjour de quatorze jours, plus précisément du 27 décembre au 10 janvier.

Le service des visas et d’immigration reproche à nos invités dans sa réponse du 6 décembre dernier, un manque de justifications alors qu’ils ont fourni toutes les preuves et documents nécessaires au dossier : prise en charge totale, billets d’avions, réservation de la salle, même l’affiche publicitaire était prête !

Une première demande a été refusée au mois de septembre dernier pour les mêmes raisons : Manque de justificatifs. Cette fois-ci, nous avons remis un dossier complet et nous ne comprenons pas les raisons de ce refus alors que tous les demandes portés sur le formulaire ont été complétés et plusieurs justificatifs ont été joints (des relevés bancaires en devises, une invitation officielle de GS, une revue de presse faisant foi de leur qualité d’artiste....).

Que projetez-vous de faire après ce refus ?

Avant tout on va essayer de comprendre le fond de cette décision. Nous remarquons que les politiques conservatrices en matière de visa et d’immigration sont de plus en plus dures et répressives. Cela n’est peut-être pas étranger au refus de délivrer les visas pour les membres de Debza. Pour nous ce sont des questions de démocratie et de droits humains. Dans ce contexte nous pensons que les députés fédéraux du NPD (Nouveau parti démocratique, parti d’opposition de gauche) devraient avoir un rôle à jouer. On garde l’espoir de les faire venir un jour à Montréal. Nous refusons cette dictature dans un pays où règne la Démocratie et les droits de l’homme.

Avant de finir pouvez-vous nous donner le nom du grand amazigh que vous admirez le plus ?

Ah oui ! Sans hésitation je citerais Matoub Lounes, le chanteur Kabyle assassiné malheureusement en 1998. Matoub était un militant engagé pour les causes justes. Il a lutté toute sa vie pour l’identité bafouée de son peuple, la démocratie, la laïcité dans son pays. J’aime surtout son chef d’oeuvre « Monsieur le président », une chanson qui symbolise la lutte contre la tyranie !

Un dernier Mot ?

Il ne faut jamais se décourager devant l’adversité. La lutte continue.
Notre lutte devrait être au quotidien, aux côtés des opprimés pour dénoncer les injustices.

Pour finir, je salue toutes les militantes et tous les militants berbères du Québec et je dis bonne continuation à kabyle.com.

En terminant je veux absolument souhaiter Assegass ameggaz (Bonne année) à tous les Amazighs du Canada et ça, ce ne sont pas les conservateurs qui vont m’empêcher de le dire ! Ils peuvent empêcher nos camarades de venir nous visiter, mais ils ne peuvent pas nous faire taire !


Source : Kabyle.com