Accueil > International > Premières mobilisations populaires face à Lula

Brésil

Premières mobilisations populaires face à Lula

lundi 16 juin 2003

Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, fait face à la première protestation importante contre son gouvernement. A Brasilia [capitale fédérale], quelque 20’000 fonctionnaires, convoqués par la Centrale Unique des Travailleurs (CUT), ont manifesté contre le projet de réforme du système de retraite que soutient Lula afin de réduire le déficit budgétaire.

Le projet, qui augmente l’âge donnant droit à la retraite et réduit les rentes, touche principalement les travailleurs du secteur public, vieux alliés du PT (Parti des travailleurs). Il approfondit la division au sein du parti : les députés "radicaux" ont menacé de voter contre ce projet, alors que des "modérés" ont rallié la manifestation de protestation. Mais le gouvernement a averti que, malgré les protestations, il ne changera pas sa réforme.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Lula, le 1er janvier 2003, on n’a pas vu autant de personnes réunies sur L’Esplanade des ministères, l’avenue où se concentrent les principaux édifices publics du pays. "Ou il arrête la réforme, ou nous arrêtons le pays" criaient les employé·e·s du secteur public, qui étaient arrivés en bus de différents Etats : Minais Gerais, Goias et d’autres endroits.

Paradoxalement, les manifestants ont reçu l’appui de 10 députés du PT de Lula, ce qui a approfondi les divisions au sein du PT. Il y a ceux qui restent fidèles à l’élu présidentiel et ceux qui l’accusent de mettre en oeuvre une politique qui lui est dictée par le FMI.

Aux "radicaux", qui représentent 30% des 93 députés du PT, se sont joints, hier, des députés "modérés" qui, pour avoir été des dirigeants syndicaux avec Lula, ont toujours été du côté des manifestants lors de telles mobilisations. Jusqu’à maintenant, seulement trois députés et une sénatrice (Heloisa Helena) du PT ont publiquement déclaré qu’ils voteraient contre la réforme de la Sécurité sociale [il faut savoir que la direction du PT demande la plus stricte discipline de vote à la fraction parlementaire et menace de sanctions celles et ceux qui ne s’y plieraient pas - réd.]. La manifestation a coïncidé avec la mise en place d’une commission de la Chambre des députés qui doit débattre de la réforme de Lula.

Outre le fait que ce projet de réforme a déjà été approuvé par une commission du législatif, il faut mentionner que cette réforme est soutenue par divers partis, y compris certains de l’opposition. Les fonctionnaires exigent que le projet soit retiré et négocié avec les syndicats. "Cette revendication pourrait être ignorée si elle n’avait pas obtenu un appui parmi des élus du législatif, membres du PT" a affirmé l’observateur politique Franklin Martins, sur le canal télévisé TV Globo. "Jusqu’à maintenant, les députés du PT ne s’étaient jamais sentis comme une cible d’une manifestation des travailleurs. Et leur indécision peut être imitée par d’autres partis", ajoute-t-il.

Le mardi 12 juin, José Dirceau, chef de cabinet et bras droit de Lula disait : "Le membre du PT qui se rend à la manifestation, ou il veut défendre le gouvernement et être hué, ou il veut prendre position contre le gouvernement." Cette mise en garde s’est faite en vain. Après d’amples réunions, la direction du PT a décidé que les membres pouvaient choisir librement d’aller ou pas à la manifestation. Le président du parti, José Genoino, a assuré qu’aucun membre serait sanctionné pour avoir participé à cette manifestation, bien que "le peuple n’ait pas élu les députés du PT pour qu’il s’oppose au gouvernement".

Pour sa part, le député "modéré", Chico Alencar, a affirmé : "qu’il est du devoir du PT de manifester sa solidarité avec les employés du secteur public. Presque 95% d’entre eux ont voté pour Lula". Afin de diminuer l’impact de la manifestation, Lula a donné l’ordre à ses ministres de se réunir avec une commission de représentants des employés publics, pour écouter leurs revendications. Dix syndicalistes ont été reçus, parmi lesquels le président de la CUT, Luiz Marinho. "Jusqu’à maintenant le gouvernement ne négocie qu’avec les gouverneurs [des Etats de l’Etat fédéral] et se limite a écouter les syndicats, sans négocier", a-t-il dit.

Par la suite, Dirceu et les ministres de la Sécurité sociale, Ricardo Berzoine, ainsi que de la Planification, Guido Mantega, ont fait savoir à la commission parlementaire qu’ils ne modifieraient pas leur proposition de réforme du système des retraites.

Simultanément, diverses organisations paysannes, parmi lesquelles le MST (Mouvement des paysans sans terre), ont présenté une lettre de revendication au Congrès. Elles y demandent à Lula qu’il applique la réforme agraire [le ministre de la réforme agraire est Miguel Rossetto, membre du courant Democratie socialiste du PT], qu’il mette fin au système des latifundios [les très grandes exploitations] et qu’il renonce à l’ALCA [la zone de libre échange des Amériques] - 12 juin 2003

1. La manifestation a reçu l’appui actif et a acclamé les parlementaires radicaux qui ont été sanctionnés et menacées d’expulsion, tels que Heloisa Helena, Luciana Genro, Joao Batista (Baba) ainsi que Joa Fontes (réd).

*Article publié dans le quotidien argentin Pagina 12.