Accueil > Politique québécoise > Union des forces Progressistes > Qui a peur des pétrolières ?

Qui a peur des pétrolières ?

par Omar Aktouf

jeudi 22 septembre 2005

Qui a peur des pétrolières ?

Le 8 septembre dernier, le ministre français de l’Économie, Thierry Breton, a menacé d’imposer une "taxe exceptionnelle" sur les bénéfices du secteur privé réalisés grâce à la flambée des prix du pétrole. Les entreprises pétrolières se voyaient ainsi contraintes de présenter au gouvernement des propositions "concrètes" et "sérieuses" pour sortir de la crise actuelle. Le lendemain, elles réajustaient à la baisse le prix de l’essence à la pompe.

La France offre la démonstration claire qu’il est possible de faire trembler les géants pétroliers si l’on sait faire preuve d’un courage politique minimal. Cela est encore plus significatif pour nous, considérant que le gouvernement français actuel est un gouvernement qui s’affiche bien à droite, mais qui n’a pas peur de dénoncer les abus des multinationales lorsqu’ils deviennent si scandaleux. Pendant ce temps, au Québec, le premier ministre Jean Charest préfère se pavaner à Tout le monde en parle et joyeusement badiner : cela n’est pas sérieux quand ses citoyens sont proprement rançonnés. La situation ne porte pas à rire. Les citoyens et citoyennes du Québec attendent de leur gouvernement qu’il agisse. Mais Jean Charest, encore une fois, attend. Encore une fois, nous sommes face à la stratégie de l’autruche qui enfouit sa tête entre ses jambes en attendant que passe la tempête. Pourquoi attendre alors que les outils existent. L’article 68 de la loi provinciale sur les produits et les équipements pétroliers stipule que « lorsqu’il est d’avis que l’intérêt public l’exige, le gouvernement peut déterminer par décret le prix maximum auquel peut être vendu ou distribué un produit pétrolier ». Devant l’absurdité des prix actuels, n’est-il pas évident que l’intérêt public appelle d’urgence l’utilisation de telles mesures ? Les Québécois, en particulier ceux des régions, n’ont d’autre choix que d’absorber ces hausses faramineuses qu’aucune logique économique ne justifie. De l’argent qu’on leur arrache pour le remettre aux actionnaires des compagnies pétrolières, déjà grassement servis par des rendements de 28,4 % (Impériale - Esso) et 23,3 % (Shell Canada). Ces rendements dépassent « l’efficacité » et dans le contexte actuel, frôlent le banditisme ! Et si ces profits étaient plutôt récupérés et réinvestis dans notre intérêt général ? La création d’un impôt spécial sur les profits extraordinaires réalisés par les pétrolières, et le gel des prix pour les consommateurs, au Québec, sont les deux premières choses que devrait mettre en place le gouvernement provincial, avant d’en appeler à des poursuites devant l’OMC pour les multinationales qui chercheraient à se soustraire. Ce geste permettrait d’investir dans les énergies renouvelables et l’aide à l’achat de voitures propres tout en re-finançant les programmes sociaux tels que l’éducation, la santé, les transports en commun, le logement social, etc. Même la théorie de l’équilibre des marchés permet de soutenir qu’un impôt spécial pousserait les pétrolières à réduire leurs tarifs à la pompe afin de s’assurer une moins grande charge fiscale. Quoi qu’il en soit, le tarif de l’essence devrait être plafonné à un niveau raisonnable pour les consommateurs québécois. Autrement, les entreprises québécoises, majoritairement des PME, souffriront automatiquement de l’asphyxie financière des consommateurs qui résultera de la hausse du coût de la vie en général, l’énergie étant à la base de tout. Le profit par litre des multinationales du raffinage a doublé en cinq ans, passant de 6 ¢ à 12 ¢ du litre entre 1999 et 2004, bien avant la crise qui sévit actuellement. Au moment même où Hydro-Québec propose à son tour une augmentation de 3% de ses tarifs, le gouvernement doit intervenir d’urgence en fonction du bien commun, et non pas en fonction du profit maximal privé. On ne peut alors rejeter du revers de la main la proposition de mon collègue, Léo-Paul Lauzon, titulaire de la Chaire d’Études socio-économiques de l’UQÀM de songer à nationaliser les ressources pétrolières qui appartiennent à tous les Canadiens et Canadiennes. Le gouvernement provincial doit exercer au plus vite des pressions en ce sens au fédéral. Paul Martin a déjà commis une grave erreur en vendant les dernières actions que nous possédions dans Pétro-Canada. Nous en voyons aujourd’hui les effets dramatiques. Le Canada est sans doute un des rares pays producteurs de pétrole à n’avoir pas nationalisé cette ressource : de l’Arabie Saoudite au Venezuela en passant par le Mexique ou la Suède. Aujourd’hui pris à la gorge par l’insatiable boulimie des multinationales du pétrole, que ferions nous face à une catastrophe de l’ampleur de l’ouragan Katrina, si tous ce qui est stratégique et névralgique reste entre les mains d’incontrôlables et égoïstes intérêts privés ? Omar Aktouf, professeur aux Hautes Études commerciales (HEC) et candidat de L’Union des forces progressistes dans Outremont Bertrand Schepper-Valiquette, bachelier en administration, HEC Eric Martin, étudiant à la maîtrise en science politique, UQÀM Simon Tremblay-Pepin, étudiant à la maîtrise en science politique, UQÀM

Qui a peur des pétrolières ? le 19/9/2005 13:20:00

(tiré du site de campagne D’Omar Aktouf)
http://www.omaraktouf.org