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Une victoire importante face à une attaque contre le féminisme

vendredi 26 septembre 2008

Le militant masculiniste Andi Srougi a perdu la requête en diffamation qu’il a intentée contre la revue À bâbord ! et la militante féministe Barbara Legault en décembre 2006. Andy Srougi les accusait d’avoir « proféré des propos haineux » à son endroit dans l’article « Des hommes contre le féminisme », signé par Barbara Legault et publié dans le no 16 de la revue À bâbord !, paru en octobre 2006. M. Srougi prétendait que des « propos diffamatoires, mensongères [sic] et haineux [avaient] porté atteinte à [sa] réputation et lui ont causé une détresse émotionnelle ». Le procès a eu lieu les 4, 5 et 6 juin 2008 à Montréal.

Tiré du site À babord.


Le jugement est tombé le 12 septembre

Andy Srougi perd son procès contre À bâbord ! et Barbara Legault
[Montréal, le 13 septembre] Le militant masculiniste Andi Srougi a perdu la requête en diffamation qu’il a intentée contre la revue À bâbord ! et la militante féministe Barbara Legault en décembre 2006. Andy Srougi les accusait d’avoir « proféré des propos haineux » à son endroit dans l’article « Des hommes contre le féminisme », signé par Barbara Legault et publié dans le no 16 de la revue À bâbord !, paru en octobre 2006. M. Srougi prétendait que des « propos diffamatoires, mensongères [sic] et haineux [avaient] porté atteinte à [sa] réputation et lui ont causé une détresse émotionnelle ». Le procès a eu lieu les 4, 5 et 6 juin 2008 à Montréal.
Dans son jugement rendu hier, le juge Henri Richard de la Cour du Québec rejette les allégations d’Andy Srougi en déclarant que sa réclamation « n’est pas sérieuse ni crédible » et qu’il « ne s’est pas déchargé de son fardeau d’établir quelque préjudice ou dommage subi en conséquence de l’article en cause ». Le juge Richard écrit en outre qu’« aucune preuve démontre le caractère intentionnel de la prétendue atteinte qu’aurait pu commettre Mme Legault à un droit ou à une liberté reconnu par la Charte ».

Andy Srougi, un ex-coordonnateur de Fathers for Justice Québec se présentant comme un « activiste pour le droit de l’homme », exigeait 20 999 $ en dommages moraux pour atteinte à sa réputation et 4000 $ en dommages exemplaires. Dans l’article en question, Barbara Legault faisait justement état du fait que la mouvance masculiniste utilise de plus en plus la poursuite judiciaire à l’encontre des groupes et des militantes féministes.

Lors du procès, le masculiniste disait avoir été « beaucoup affecté » par l’article, et le principal représentant de Fathers for Justice, Daniel Laforest, a plaidé que le texte avait « affecté, blessé et angoissé » Andy Srougi. Le juge conclut quant à lui que « nous sommes loin d’une “détresse émotionnelle qui a engendré des conséquences physiques douloureuses, qui l’ont empêché de dormir, lui ont donné mal à la tête et lui ont causé énormément de stress” tel qu’allégué dans sa requête ». Et d’ajouter : « En l’espèce, la preuve est non seulement lacunaire mais absente. »

Dans son jugement, le juge « déplore les excès de langage utilisés par certain ténors qui revendiquent de meilleurs droits pour les hommes et pour les pères » et « souhaite, malgré les débats acrimonieux qui ont pu exister et les différences fondamentales de vues, que les discours des partisans des droits des hommes et des pères cessent de contenir des attaques personnelles à l’encontre des représentantes des groupes féministes ».

Barbara Legault est une militante reconnue pour n’avoir jamais mesuré ses efforts, tant dans le mouvement féministe qu’au sein des nombreuses causes qu’elle a épousées au cours des années. Elle est une activiste (féministe, antimilitariste, anticapitaliste et anti-autoritaire) dans le plein sens du terme, usant de toutes les tribunes – et notamment de la scène musicale – pour contribuer au changement social. À bâbord ! est heureuse de lui avoir ouvert ses pages et le referait sans nul doute si c’était à recommencer. Publication indépendante paraissant cinq fois par année, À bâbord ! est une revue de critique sociale et d’analyse politique faisant une large place au point de vue féministe, qu’elle tente d’intégrer dans l’ensemble de sa réflexion. Dans son effort pour appuyer de ses textes ceux et celles qui traquent la bêtise, dénoncent les injustices et organisent la rébellion, le Collectif de la revue – comme Barbara Legault d’ailleurs – était loin de considérer l’arène judiciaire comme un lieu privilégié de ses combats.

La revue À bâbord ! se félicite pourtant d’avoir mis toutes ses énergies dans cette affaire, car la poursuite remettait en cause la liberté d’expression et la liberté de presse. En outre, au sein du mouvement féministe, le masculinisme est l’objet d’une attention soutenue, provoque des débats et suscite de vives inquiétudes. La publication du texte « Des hommes contre le féminisme » se voulait une contribution de plus aux débats ayant cours. Une victoire de M. Srougi dans cette affaire aurait pu entraîner de graves conséquences pour les luttes féministes en général, notamment en limitant sérieusement la capacité des féministes et des publications autonomes à publier des analyses et des opinions à même d’enrichir le débat public légitime et nécessaire sur la mouvance masculiniste.

Nous tenons à remercier chaleureusement toutes les personnes et toutes les organisations ayant marqué leur solidarité en faisant circuler l’information sur la poursuite ou en contribuant au fonds de défense mis sur pied pour l’occasion. Un salut bien particulier doit être adressé aux personnes qui nous ont soutenues par leur présence au procès. Ils et elles ont eu la sagesse de rester stoïques en face des propos souvent injurieux et parfois violents entendus lors des audiences.

Lors du procès ayant eu lieu en juin 2008, Mme Francine Descarries, professeure titulaire au département de sociologie de l’UQAM et chercheure reconnue dans le domaine des études féministes, a accepté de témoigner en tant qu’experte. Dans son jugement, le président du tribunal dit d’elle qu’elle a « su présenter d’une manière rationnelle et précise l’historique du mouvement féministe et de la mouvance féministe au Québec ». Le juge salue son témoignage, écrivant qu’il a été « utile, notamment pour illustrer les dérapages de certains militants des droits des pères par leurs actions et par leurs paroles ». Nous voudrions ajouter que son courage vis-à-vis des bassesses de l’adversaire a été très inspirant – qu’elle soit remerciée ici.

Enfin, soulignons le travail exemplaire des juristes Pierre-Louis Fortin-Legris, François Cyr et Natacha Binsse-Masse, qui nous ont défendu avec autant d’adresse que d’acharnement. Cet immense soutien et cette solidarité sans faille montrent la force et la combativité de nos mouvements.

Il s’agit d’une victoire importante face à une attaque contre le féminisme et contre le droit du mouvement des femmes à exprimer ses analyses et des positions, qui plus est au moment où diverses forces de droite, politiques et religieuses, remettent en cause le droit à l’avortement libre et gratuit. La liberté de presse s’en trouve également renforcée, ce qui est bienvenu dans un contexte où la maison d’édition Écosociété fait face à deux procès intentés par des compagnies minières en raison de la publication du livre Noir Canada, et où des menaces de même nature planent au-dessus des éditions du Remue-ménage après la publication du livre Le mouvement masculiniste au Québec. Ce dénouement heureux vient aussi conforter la liberté d’expression, celle des publications indépendantes comme celle des artistes, qu’il importe de défendre avec bec et ongles face aux menées conservatrices.