Accueil > Débats politiques > La réforme de l’ONU et le mouvement altermondialiste

La réforme de l’ONU et le mouvement altermondialiste

par Gustave Massiah

samedi 5 mars 2005

Les Nations unies sont à la croisée des chemins. Elles n’ont pas vraiment démérité, elles n’ont pas du tout convaincu.

28 février 2005

Elles sont l’objet d’une immense attente, celle d’une institution qui assurerait la régulation d’un système international de plus en plus ressenti comme inique et dangereux, d’une défense possible des droits de tous les peuples et des droits des Etats les moins influents et difficilement maîtres de leur destin sur la scène internationale, dits les Etats " faibles ", par rapport aux Etats incontournables, soit les Etats " forts ". Elles suscitent une immense déception, celle qui naît de l’illusion du droit par rapport à la réalité du pouvoir, de la velléité de solutions équitables ramenée en fin de compte au rôle d’une chambre d’enregistrement au service des puissances occidentales et des puissantes entreprises internationales.

L’enjeu aujourd’hui est considérable. Il s’agit de la construction d’un système international et d’instances politiques qui contreviennent à la globalisation des échanges économiques et à la primauté du marché mondial. Il s’agit aussi de répondre à la construction de la paix et au règlement des conflits dans un monde où la guerre devient la règle. Il s’agit enfin de s’élever contre l’unilatéralisme et aux inégalités géopolitiques et aussi de sortir du tête à tête entre les Etats et les entreprises en laissant une place à de nouveaux acteurs, notamment le monde associatif et les collectivités locales.

Les Nations Unies sont au centre de ce débat mais elles ne résument pas à elles seules le système international. Il existe d’autres acteurs et d’autres institutions, notamment les accords directs nés de la diplomatie entre Etats, des alliances militaires, des institutions spécialisées, des internationales politiques, des diasporas, des réseaux transnationaux de toute nature. Mais les Nations Unies occupent une situation stratégique, elles sont les seules à détenir une légitimité qui se réfère à un intérêt collectif international commun, qui se veut une étape vers l’intérêt de l’Humanité ; elles remplissent plus ou moins bien la fonction d’une communauté politique nécessaire au fondement du droit international. On peut le vérifier à travers la tentative de mise en place d’une nouvelle forme de pouvoir international, l’actuel G8 , qui a cherché clairement à se dégager des Nations Unies, en les marginalisant et les subordonnant, alors que ses propositions s’y réfèrent constamment.

La question de la réforme des Nations Unies est devenue centrale. Cependant, elle cache plusieurs réponses. Nous n’oublions pas les arguments, qui ont leur légitimité, de ceux qui estiment que ce n’est qu’une question secondaire qui détourne de l’essentiel et qu’on ne peut rien attendre des Nations Unies, et qui pensent même que leur subordination à la logique dominante ou leur disparition auraient au moins le mérite de clarifier la situation et de dissiper les illusions.Ces positions jouent leur rôle dans la prise de conscience et l’analyse critique. Du point de vue des propositions, nous centrerons notre réflexion sur les positions qui structurent l’espace du débat et les affrontements sur les réformes. Pour certains, les Nations Unies devraient devenir le système politique de la mondialisation libérale, un mélange d’institutions du type Banque mondiale, FMI et OMC d’une part et une alliance militaire du type OTAN de l’autre. Les tenants du réformisme modéré estiment que l’existence d’une régulation, même partielle et peu efficace, est déjà un objectif en soi. Il s’agit de faire attention à ne pas casser la machine en donnant tout le pouvoir à l’unilatéralisme américain, il faut se contenter de quelques aménagements lorsque possibles. Les tenants d’une réforme radicale estiment qu’il faut accepter les risques d’une remise en cause qui marque une rupture nécessaire compte tenu de la nature des enjeux. C’est dans cette perspective que nous nous situons.

Le fait de savoir si les Nations Unies sont réformables ou non ne nous paraît pas déterminant en soi. La question est de savoir comment définir une réforme radicale et comment lui permettre de s’imposer ? La définition d’une orientation et l’état des lieux permettent assez facilement de définir les réformes nécessaires. Mais ces réformes ne s’imposeront pas d’elles-mêmes. Les Nations Unies ont montré leur capacité à évoluer. Créées dans le contexte de la guerre froide, elles ont été capables de se saisir de la question de la décolonisation et d’y contribuer. Il y a une question stratégique. Faisons l’hypothèse que le mouvement altermondialiste peut-être le porteur de cette transformation. La question des alliances se pose alors pour l’imposer. Une question de méthode aussi, celle qui permet de relier une perspective d’ensemble avec les luttes et les mobilisations pour des réformes particulières.

La démarche proposée est la suivante : partir des enjeux de la période et des défis qui se posent aux institutions internationales, la mondialisation, les guerres, le droit international ; explorer à partir de l’état des lieux les perspectives nouvelles ; définir les orientations et la ligne directrice d’une refondation, la démocratie mondiale et le contrat social mondial ainsi que la place stratégique du droit international ; formaliser un axe stratégique, celui des mouvements et des luttes pour la démocratisation du système international, avec une double nécessité : inscrire chacune de ces propositions de démocratisation dans la perspective de la démocratie mondiale ; inscrire chacun des fronts pour la démocratisation dans une alliance plus large pour la refonte du système international ; expliciter les propositions de réformes radicales et s’interroger sur les forces sociales et politiques qui peuvent les porter ainsi que sur les alliances possibles.

Etat des lieux et perspectives

Une triple contre-offensive menée par les puissances initiatrices de ce qu’est devenu le G7 puis le G8, caractérise, à partir de la fin des années 1970, la nouvelle situation internationale. Elle concerne la crise de la décolonisation fondée sur la gestion de la crise de la dette et la dérive autoritaire des régimes du Tiers Monde ; l’effondrement de l’empire soviétique confronté à la course aux armements et au déni de la démocratie et des libertés ; la fin du compromis social de l’après-guerre mis à mal par les politiques de libéralisation et de précarisation sociale. Les Nations Unies qui ont construit leur nouveau cours sur la guerre froide et la décolonisation sont directement interpellées. Elles sont aussi confrontées à la montée de l’unilatéralisme des Etats-Unis, sûrs de leur force et de leur bon droit, qui se soucient de moins en moins des apparences et entendent régenter les relations internationales en fonction de leurs intérêts et de leur conception du monde.

L’hégémonie idéologique atteint son apogée après la chute du mur de Berlin. Elle est résumée par deux affirmations péremptoires. " La fin de l’histoire " formalisée par Fukuyama, suppose que la régulation par le marché, affichée comme consubstantielle de la démocratie, constitue un horizon indépassable et que l’expansion du commerce mondial et l’ajustement des sociétés au marché mondial sont les seuls fondements des politiques économiques et sociales. " Le choc des civilisations " formalisé par Huntington, suppose que le fondement des conflits et des guerres ne relève pas des inégalités et des dépendances, elle s’inscrit dans le long terme et justifie, face aux intérêts inconciliables, une approche d’abord militaire et impériale.

L’émergence du mouvement altermondialiste, en contrepoint de cette évolution, porte dès la fin des années 1990, la prise de conscience des effets négatifs de ces politiques et de la nature du système. La contestation met en évidence les deux questions qui sont au cœur de la raison d’être des Nations Unies : la préservation de la paix et le règlement des conflits ; le cadre international favorable à la transformation des sociétés dans le sens de la lutte contre la pauvreté et les inégalités et de l’amélioration des conditions de vie des peuples. L’analyse de la situation et un retour critique sur l’évolution permettent d’identifier les pistes nécessaires à une refondation des perspectives.

L’ONU a été créée pour assurer la paix. Elle a joué un rôle dans des situations importantes : la guerre froide, la décolonisation , les accords de désarmement nucléaire . Mais, la décolonisation et la fin de la guerre froide n’ont pas amené la paix. Les zones de conflits augmentent et la population qui y vit approche le milliard. La nature des conflits s’élargit. Les guerres liées au contrôle des ressources et des territoires sont toujours d’actualité, la dimension identitaire des conflits s’accentue alliant ségrégation spatiale et purification dite " ethnique ". Les conflits régionaux et intra-étatiques s’éternisent. La dialectique entremêlée des terrorismes de réseaux et des terrorismes d’Etat fait régresser les droits civils et politiques au nom d’un " choc des civilisations " qui justifie la légitimation du " non-droit " et de la torture, la stratégie des guerres du fort au faible et la surprise de découvrir la capacité des faibles à trouver la vulnérabilité des forts.

La déception vient de ce que l’ONU, brandie comme référence à chaque occasion, se révèle impuissante à empêcher les conflits et manquent de moyens pour faire respecter les droits des peuples. Elle n’a pas de force propre, les Etats ne respectent pas leurs engagements et il n’y a pas de sanctions possibles. Les Etats affirment vouloir défendre les intérêts de l’Humanité mais sont surtout soucieux des leurs. Le Conseil de sécurité est discrédité par sa pratique du " deux poids, deux mesures " dans le règlement des conflits. Ses cinq membres permanents, disposant du droit de veto, sont les principaux exportateurs d’armes et fauteurs de guerre. Quand ils sont d’accord, c’est le droit du plus fort ; quand ils ne le sont pas, c’est la paralysie ! La multiplication des crises internationales et la montée de l’unilatéralisme alimentent la crise du système des Nations Unies.

Pour définir de nouvelles perspectives, il serait utile de renouveler la pensée sur la construction de la paix. Alors que la construction de la guerre est en perpétuel renouvellement, la manière de faire la paix ne se démarque pas des conceptions du 18ème et 19ème siècles. Les politiques se réfèrent à Talleyrand (la primauté de la raison d’Etat et de l’intérêt national) et Clausewitz (la guerre comme la continuation de la politique) ; on y retrouve sous leurs formes anciennes, les conceptions de l’intérêt national et de la souveraineté nationale ; la raison d’Etat affranchie de toute rège morale ; l’institutionnalisation des alliances des vainqueurs ; la référence à des principes sans contrôle d’application ; des règles d’arbitrage à géométrie variable. Les nouvelles conceptions de la paix s’appuient sur des réflexions anciennes ; la philosophie de la paix perpétuelle de Kant date en effet de 1795 et le pacifisme faisait partie des débats politiques du 19ème siècle. Trois pistes nouvelles peuvent être avancées. D’abord, repenser la liaison entre la prévention et le règlement des conflits, la lutte contre la pauvreté et les inégalités dans la pensée du développement, la défense des droits individuels et collectifs. Ensuite, tirer partie des expériences nouvelles d’espaces construits sur l’affirmation du rapport entre la paix et la démocratie, par exemple dans l’Union Européenne ou à travers les accords d’Helsinki sur la sécurité commune en Europe. Enfin, la pensée sur la violence, sur les formes d’oppression, de terreur et de résistances, sur les conditions du monopole de la violence.

La mondialisation dans sa phase actuelle, néolibérale, ouvre la crise du système des relations internationales fondée sur les accords internationaux de l’après-guerre. La nouvelle gouvernance économique mondiale mise en place par le G5 de Tokyo instaure les fondements du système international, à savoir : la libre circulation généralisée des capitaux dans un contexte de forts déficits publics, le libre échange dans un espace de mise en concurrence mondial, la prééminence des firmes multinationales, l’ajustement au marché mondial dans le cadre du consensus de Washington piloté par le FMI et la Banque mondiale, la régulation du système monétaire assurée par les banques centrales et particulièrement la FED des Etats-Unis. La mise en place de l’OMC avec son Organe de Règlement des différends vient couronner le cadre institutionnel de la mondialisation libérale. Il assure l’élargissement et la primauté du marché mondial et organise la prééminence du droit des affaires sur les autres aspects du droit international .

Le mouvement altermondialiste, dans la diversité, a largement contribué à la prise de conscience des effets négatifs des politiques liées à la phase actuelle de la mondialisation. La croissance mondiale se traduit par un accroissement de la pauvreté et des inégalités liées aux discriminations, les inégalités entre le Nord et le Sud sont croissantes et alimentent les conflits, les violences et les guerres, les limites de l’écosystème planétaire sont atteintes dans la destruction de la nature, des ressources non renouvelable et de l’environnement et mettent en danger les droits des générations futures ; l’insécurité sociale renforce l’intolérance et met en danger les libertés et la démocratie. La conception du développement est au centre des fondements du système international . Le système des Nations Unies est confronté à cette situation d’un double point de vue. Dès le départ, avant même le néolibéralisme, la régulation économique n’est pas de ses prérogatives. La doctrine dominante dans le système des Nations Unies est alors le fonctionnalisme, qui préconise un système de relations entre Etats sur les domaines économiques, sociaux et culturels favorables à la paix et qui sépare les questions de sécurité des questions économiques. La tentative des pays décolonisés, dans les années 1960, d’utiliser les Nations Unies pour définir un " nouvel ordre économique international ", un cadre favorable au développement du tiers monde, souvent conçu en termes de " rattrapage ", s’est depuis longtemps heurtée à l’hostilité virulente des Etats-Unis et du camp occidental, ces derniers décidant alors de marginaliser les Nations Unies et de créer le G5 futur G8.

Les Nations Unies ne sont pas restées inactives face à cette stratégie de marginalisation. Elles ont participé au débat sur la conception du développement et lui ont donné une certaine légitimité. En organisant de grandes Conférences multilatérales sur les questions urgentes, les Nations Unies ont évité la référence rituelle au développement durable, le danger d’un consensus douteux qui nierait le caractère contradictoire et conflictuel des modèles et des politiques de développement. Cette conception du développement durable, au-delà des effets de mode, se réfère aux propositions qui ont été discutées dans les forums civils des grandes conférences multilatérales, à Rio (développement et environnement), à Copenhague (développement social), à Vienne (Droits de l’Homme), à Pékin (place des femmes), au Caire (population), à Istanbul (l’habitat et les villes), à Durban (racisme), à Kyoto (climat), à Johannesburg (lutte contre la pauvreté) etc . Ce sont ces propositions qui ont convergé à partir de Seattle. On y retrouve les grandes lignes pour un développement durable qui soit économiquement efficace, écologiquement soutenable, socialement équitable, démocratiquement fondé, géopolitiquement acceptable, culturellement diversifié.

Il faut souligner l’inadaptation des Nations Unies, dans leur conception actuelle, à la régulation économique. La discussion sur le développement est centrale, doit tenir compte de deux éléments nouveaux, la critique des plans d’ajustement structurels et de la libéralisation, d’une part, et le débat sur les limites du modèle productiviste confronté au nouveau paradigme écologique, aux limites de l’écosystème et à l’échec de la transformation soviétique, d’autre part.

De plus, la question du développement n’est pas indépendante de la question du règlement des conflits et de leur prévention. La paix est une condition du développement. L’opinion, très répandue suivant laquelle la stabilité est la condition nécessaire et préalable au développement est souvent fondée. Pour autant, la stabilité ne peut pas justifier le soutien à des régimes autoritaires et impopulaires. Plus fondamentalement, on ne peut ignorer que le développement en tant que mise en mouvement et recherche d’un changement social, implique des conflits économiques, sociaux, culturels, nationaux. Il s’inscrit dans une situation marquée déjà par des luttes. L’hypothèse du règlement pacifique des conflits dans les systèmes politiques démocratiques est évidemment la plus intéressante mais elle n’est pas suffisante. Les systèmes démocratiques ne sont pas intégralement garants de l’assurance d’un changement social dans le sens d’une plus grande justice et d’une plus grande solidarité. Sans réduction des injustices et des inégalités, la démocratie s’affaiblit et perd sa légitimité ; elle ne permet plus le règlement pacifique des conflits. D’autant que la mondialisation, dans ses formes actuelles, les exacerbe. Elle affaiblit la régulation publique et la correction des déséquilibres. Elle subordonne la liberté de circulation des personnes à la liberté de circulation des capitaux et des marchandises, vidant les pays de leurs compétences humaines, assignant à résidence les peuples, niant les droits les plus élémentaires des personnes. Les nouveaux conflits, marqués par la désespérance du manque de perspectives, redoublent de sectarisme. L’absence de limites extérieures et de dissuasion conduit aux déchirements extrêmes.

La démocratie implique donc une double condition, que la majorité ne soit pas dirigée par une minorité, et que la majorité respecte les droits des minorités. Faute d’en tenir compte, la purification ethnique s’infiltre et redouble la ségrégation sociale. Le rapport entre la question nationale et la question sociale a marqué la dernière période historique ; la question mondiale en modifie l’articulation.

Parmi les pistes qui se dégagent pour la refondation d’une pensée du développement et du système international correspondant, nous soulignerons trois aspects : le commerce mondial et la monnaie, le droit des peuples à choisir leur modèle de développement, l’articulation entre les niveaux de gouvernance économique.

La libéralisation du commerce, estime la CNUCED a accentué les problèmes structurels des pays les plus pauvres : un endettement insoutenable, la baisse des cours des matières premières, le sida et les conflits armés. Loin de faciliter leur développement, elle a conduit à une désindustrialisation dans les pays pauvres. Le commerce mondial ne peut contribuer à la réduction de la pauvreté que si le développement national précède l’intégration mondiale. Dans l’architecture des relations internationales, il faudra revoir le rapport entre la monnaie et le commerce. Le commerce n’a pas de raison d’être essentiellement mondial. L’affirmation libérale que le commerce est à traiter en premier sans se soucier du plan monétaire avait déjà été combattue par Keynes . La question monétaire mondiale est un préalable. Il existe des propositions d’inspiration keynésienne (changes fixes contre changes flottants, financement d’intermédiation contre financement de marché, contrôle des mouvements de capitaux à l’échelle internationale contre leur libre circulation), y compris la proposition d’une monnaie de règlement internationale avec régionalisation monétaire. Il existe peu de propositions alternatives au commerce mondial libéral. L’économiste nord-américain G. De Martino propose que le commerce international soit régulé sur une base multilatérale, au sein d’une Organisation mondiale du commerce équitable, sur des bases profondément renouvelées. L’objectif du commerce international ne serait plus l’accroissement des PIB, mais le développement des capacités et des libertés réelles des citoyens de chaque pays ; ni la maximisation de la richesse monétaire, mais l’accroissement des possibilités pour chacun de satisfaire ses besoins essentiels, entendus au sens large. Amartya Sen, l’économiste indien (Prix Nobel 1998), a montré que le développement des " capacités " humaines était un objectif économique bien préférable à celui de la croissance. Par capacités, il faut comprendre : s’éduquer, être en bonne santé, participer à la vie sociale et politique, choisir son emploi librement, ... la liste des " capacités " est infinie. L’idée de la " politique commerciale équitable " est de protéger les pays qui développent les capacités de leurs citoyens de la concurrence déloyale des pays qui sacrifient le social pour abaisser leurs coûts de production. Il s’agirait en quelque sorte d’un accord multilatéral anti-dumping social. La protection résulterait d’une modulation des droits de douane en fonction des performances de chaque pays : les pays " vertueux " auraient des droits de douane plus élevés, leur permettant de protéger leurs producteurs de la concurrence des pays " vicieux ", qui n’auraient quant à eux pas le droit de se protéger. Une piste qui mérite d’être débattue... Chaque peuple a le droit de choisir son modèle de développement. C’est la philosophie qui préside largement à la Déclaration sur le droit au développement adoptée en 1986 dans le cadre de l’ONU. C’est aussi une condition de réussite des politiques de développement. Une politique de développement doit être définie par rapport à une situation, aux dynamismes internes et à la mobilisation de la société. Ce qui implique la reconquête des souverainetés nationales en matière monétaire et de développement y compris en matière de politiques fiscales, salariales, financières et sociales. La responsabilité interne des régimes et des Etats nationaux n’est pas annulée pour autant ; au contraire, leur responsabilité est engagée, face à leurs peuples, sur les orientations, particulièrement en ce qui concerne le respect des droits humains. On ne peut lutter contre l’idée que tous les Etats sont forcément corrompus, bureaucratiques, inefficaces sans mener la lutte contre les déviations bureaucratiques, technocratiques et autoritaires des Etats. La question de la démocratie est essentielle. La compatibilité entre développement et démocratie n’est pas mécaniste, elle dépend d’un choix politique volontaire. Le mépris pour les aspirations démocratiques et les libertés a été le fossoyeur des régimes issus des indépendances. Mais, la référence à la démocratie, et aux libertés, ne peut pas être rhétorique. Et, la question de la démocratie ne peut pas être réduite à un nouveau dogme, celui de l’identité entre le marché et la démocratie. La démocratisation est une des conditions de la mobilisation et de l’engagement pour le développement. Elle fonde la nécessité et la légitimité de l’Etat comme garant de l’intérêt général, instrument des politiques sociales de répartition et de distribution, et porteur des liens sociaux qui fondent le développement économique.

Une réforme du système international repose sur la prise en compte des échelles de la transformation sociale, sur l’articulation des échelles locales, nationales, des grandes régions et mondiale. C’est dans cette articulation que se construit le cadre institutionnel de la démocratie mondiale. L’échelle locale est celle de la satisfaction des besoins, du rapport entre population et territoire, du rapport entre démocratie et développement. Le renforcement des collectivités locales, la décentralisation citoyenne, le développement local sont prioritaires. La démocratie de proximité porte les deux formes de représentation, la délégation et la participation. Le fonctionnement et l’accès aux services de base devraient être les fondements des politiques locales. Le système international devrait en faire une priorité et soutenir les dynamismes locaux. L’échelle nationale garde toute sa pertinence, elle est nécessaire si on veut fonder les politiques publiques sur la durée et l’intérêt général. C’est l’échelle de la régulation sociale, de la régulation sectorielle et spatiale au niveau de l’aménagement du territoire, de la régulation écologique et de la préservation des intérêts des générations futures. L’échelle nationale est celle de l’égalité et de la redistribution à travers ses différentes formes notamment les tarifs, la fiscalité, la répartition des rentes. L’échelle macro-économique est celle du pouvoir de l’Etat, de la cohérence et du pilotage ; elle doit être d’abord nationale et non l’instrument privilégié du contrôle extérieur. L’échelle sectorielle est celle de la maîtrise des techniques, de l’organisation de la production et du travail ; le système international devrait ouvrir des perspectives par rapport à la domination des oligopoles et des marchés financiers. L’organisation de grandes régions géoculturelles devrait être systématiquement encouragée, comme réponses possibles à la mondialisation et en tant qu’espace alternatif de développement. C’est aussi l’échelle pertinente du règlement des conflits et de la préservation de la paix. La régionalisation doit correspondre à une vision politique large qui, au-delà de la question monétaire, inclue la construction d’espaces sociaux, d’espaces de production, de marchés, d’échanges régionaux et d’accords de préservation et de consolidation démocratique. L’architecture du système mondial doit favoriser le développement au service des peuples et lutter contre les inégalités sociales, écologiques et géopolitiques. La redistribution doit aussi être mise en œuvre au niveau international par une fiscalité internationale et par le rééquilibrage des termes de l’échange. C’est l’intérêt des propositions comme celle de l’instauration des écotaxes et des taxes sur les transactions financières à court terme. Cette évolution nécessite la construction d’institutions internationales à la fois efficaces, démocratiques et véritablement dédiées à ces objectifs de gestion des ressources communes et de redistribution.

La ligne directrice de la démocratie mondiale et le droit international

La refondation des Nations Unies doit prendre en compte les deux dimensions essentielles, la construction de la paix et le règlement des conflits, d’une part, le système de relations internationales favorisant la transformation des sociétés dans un sens de liberté et d’égalité, de l’autre. L’analyse de l’état des lieux et des perspectives a montré que le débat est ouvert et que plusieurs évolutions sont possibles. Pour aller plus loin dans la définition d’une stratégie, il convient de préciser les orientations qui caractérisent la démarche proposée. Proposons une ligne directrice organisée autour de deux impératifs : une nouvelle constitution du monde fondée sur la démocratie mondiale ; un contrat social mondial fondé sur le respect et la garantie des droits, tant civils et politiques, qu’économiques, sociaux et culturels. L’évolution du droit international est aujourd’hui, du point de vue de cette ligne directrice, le lieu stratégique des confrontations.

Le débat sur la démocratie mondiale fonde la volonté d’une nouvelle constitution du monde. Ce débat doit être inévitablement pris en compte dans celui qui est posé par les Nations Unies et qui nous occupe dans ce livre. Il s’inscrit dans une perspective délimitée par trois éléments nouveaux : la prise de conscience du caractère anti-démocratique du système mondial existant ; l’idée qu’une démocratie mondiale est possible ; la convergence des pratiques et des luttes pour une démocratisation du système mondial. Ce qui permet de caractériser le système comme anti-démocratique ce sont les inégalités géopolitiques et particulièrement les rapports de domination Nord-Sud ; les inégalités sociales qui sont fondées sur les discriminations ; le non-respect des droits des générations futures. Elle traduit la conviction que ces contradictions se traduisent toujours par la remise en cause des droits et la violation des libertés individuelles et collectives. Pour penser la démocratie, l’échelle mondiale est pertinente. La mondialisation le confirme à travers son caractère contradictoire. Encore faut-il se demander comment penser à l’échelle mondiale. On ne peut simplement transposer la manière de penser la démocratie à l’échelle nationale. En partant des concepts dons nous disposons, formalisés dans les ruptures précédentes, il nous faut construire les nouveaux concepts correspondant à la période de rupture que nous vivons, d’où l’importance d’associer étroitement mouvements citoyens, pratiques sociales et élaboration théorique.

La réflexion sur la démocratie combine deux entrées : la démocratie considérée comme une exigence et une valeur, et donc comme un choix politique ; la démocratie considérée comme un modèle de fonctionnement des institutions. Ces deux entrées restent pertinentes au niveau mondial, mais elles ne s’en déduisent pas linéairement. La démocratie mondiale n’est pas l’addition des démocraties nationales, les institutions démocratiques mondiales ne découlent pas des institutions nationales, seraient-elles toutes démocratiques. En tant que valeur, si on retient comme définition " l’exigence pour les êtres humains de prendre en charge leur avenir individuel et collectif ", la démocratie prend tout son sens à l’échelle mondiale. D’autant que cette échelle, depuis la décolonisation, est celle qui rapproche la conception des civilisations de celle de l’Humanité. Les objectifs de la démocratie se sont précisés historiquement avec la recherche de la paix, la prévention des guerres et le règlement pacifique des conflits ; le respect des droits et des libertés individuels et collectifs ; la satisfaction des besoins essentiels et la justice sociale ; la maîtrise par chaque collectivité de son avenir. Ces objectifs renvoient bien aux contradictions majeures de la société mondiale actuelle. Du point de vue du fonctionnement des institutions, la démocratie renvoie au gouvernement par le peuple. Le système mondial est un système interétatique ; même si la Charte des Nations Unies ouvrait d’autres perspectives en commençant par " Nous, les peuples ... " ! Déjà qu’au niveau de chaque pays, la définition des rapports entre peuples, nations et Etats n’est pas simple, la transposer à l’échelle mondiale reste tout aussi problématique. Peut-on parler d’un peuple-monde, formé des peuples du monde, qui serait le fondement de la démocratie mondiale ?

Le fonctionnement des institutions renvoie à la question de la majorité. Une démocratie n’est pas imaginable si une majorité est soumise à la loi d’une minorité. Mais on comprend mieux aujourd’hui qu’une démocratie est viciée quand les droits des minorités ne sont pas respectés. La notion même de minorité est en cause : distinguer une minorité renvoie à l’homogénéité des autres confondus dans une majorité ; les groupes culturels partagés par des frontières sont considérés comme une somme de minorités ; et que dire des femmes considérées comme une minorité ! A l’échelle mondiale, la question de la situation de la majorité des habitants de la planète demeure telle quelle dans son acuité, mais la notion de minorité perd beaucoup de son sens. Pour traiter de cette question, il est intéressant de revenir à la définition des droits individuels et collectifs et de mettre l’accent sur les discriminations et leur rôle structurel dans les inégalités ; à commencer par les discriminations entre les genres. Il faut aussi poser la question de la garantie des droits. Certes, il revient aux Etats de garantir les droits, mais qui garantit les Etats de droit ? C’est là qu’intervient la question des citoyens et de la citoyenneté. La question de la représentation est aussi essentielle. Le débat entre démocratie représentative et démocratie directe a retrouvé une nouvelle vigueur avec la démocratie participative. La réflexion sur la démocratie représentative est très marquée par l’inscription dans la souveraineté nationale, le peuple est souverain par la Nation, et renvoie au modèle de l’Etat nation qui a été le point d’arrivée du droit à l’autodétermination. Ce modèle qui continue à fonctionner pour beaucoup comme une évidence, n’est pas transposable à l’échelle mondiale ; pour le reconstruire, il faudra passer par une phase de déconstruction. C’est le rôle du citoyen et la mise en perspective d’une citoyenneté mondiale qui pourrait servir de fil conducteur.

L’approche par les droits, par l’égalité d’accès aux droits, dessine la perspective d’un contrat social mondial. Dans chaque société et au niveau mondial, la prise de conscience de l’impasse portée par le modèle dominant de la transformation sociale, celui de l’ajustement structurel, progresse. Une contre tendance chemine dans le mouvement altermondialiste qui fait écho à l’évolution du droit international. Il est possible de réguler l’économie et les échanges à partir du respect des droits ; des droits civils et politiques autant que des droits économiques, sociaux et culturels. Dans chaque mobilisation, cette référence aux droits est de plus en plus centrale. Elle se dégage d’ailleurs des Forums sociaux qui revendiquent l’égalité d’accès aux droits et la garantie de cet accès par les instances publiques. Cela constitue une alternative à la régulation néolibérale qui impose aux sociétés une régulation fondée sur les règles du marché mondial fondé sur la logique du marché mondial des capitaux et la dictature des actionnaires. L’approche par le respect des droits est une réponse aux contradictions mises en avant pour contester les politiques néolibérales : la lutte contre les inégalités sociales ne peuvent pas être réglées par la croissance, elle implique la lutte contre les discriminations et une réflexion sur la nature de la croissance ; la lutte pour les droits des générations futures caractérise notre conception du paradigme écologique ; les droits des peuples et la lutte contre les dominations géopolitiques et les guerres marquent notre conception des rapports Nord-Sud. La modernisation la plus intéressante est celle du respect, de la garantie et de l’approfondissement des droits fondamentaux ; que les droits, civils et politiques et aussi, économiques, sociaux et culturels, permettent la régulation la plus intéressante des sociétés, y compris des marchés ; que la nouvelle politique économique est celle qui organise l’accès de tous aux services de base, la satisfaction des besoins fondamentaux et des aspirations populaires.

Le débat international sur les droits est ouvert. La perspective est celle d’un nouveau contrat social mondial. Elle inclut la pluralité des conceptions en matière de politiques de développement. L’approche par les droits renouvelle la conception du développement et les interrogations sur les rapports entre croissance et développement, croissance et redistribution, développement et environnement, développement et démocratie. La nature de la croissance est questionnée ; elle ne peut-être rabattue sur la croissance monétaire et marchande. Elle est caractérisée par les luttes contre les inégalités et les discriminations qui fondent les politiques économiques. Sans ignorer l’importance des situations spécifiques et des approches culturelles, l’universalité des droits est reconnue ; particulièrement entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. Ils devraient être tous justiciables et d’application directe devant les tribunaux. De nombreux droits économiques, sociaux et culturels le sont déjà. La conciliation entre les droits en conflits, dans chaque situation, caractérise la nature des politiques. Prenons les exemples du droit à la santé par rapport au droit à la propriété intellectuelle dans le cas des médicaments génériques, ou encore le droit au relogement en cas d’expulsion du logement par rapport au droit de propriété, etc. L’approche par les droits renouvelle l’approche des évaluations ; elle leur donne un cadre commun de cohérence. Dans cette perspective les modalités d’évaluation prennent toute leur importance : indépendance des instances d’évaluation par rapport aux institutions, débat public et contradictoire laissant leur place aux différents acteurs sociaux et à la pluralité des expertises.

Le droit international ne peut être fondé que sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies. C’est le point fixe autour duquel construire le système des relations internationales, le point d’appui qui donne sa légitimité aux Nations Unies dans le système mondial. La mobilisation du droit et l’approfondissement du droit sont pour le mouvement altermondialiste des objectifs stratégiques ; le droit international est de ce point de vue un terrain d’affrontement central dans la lutte contre la mondialisation néolibérale et la définition d’un autre monde. Le droit international devra permettre de garantir les droits fondamentaux. Dans le contexte de la mondialisation, comment garantir les droits ? La garantie des droits interroge alors la nature et la légitimité des pouvoirs. La première approche consiste à déterminer les responsabilités ; celles du pouvoir politique et particulièrement des Etats et des institutions internationales et celles du pouvoir économique et particulièrement des entreprises et des multinationales. Dès lors qu’une violation des droits est établie, il faut pouvoir interpeller ceux qui par leurs actions ou leurs politiques en sont responsables. Cette approche renvoie à la justiciabilité des droits et à la définition des instances de recours à l’échelle de la mondialisation. Elle implique un réaménagement du rôle des institutions publiques dans la garantie des droits, notamment entre les échelles institutionnelles locales, nationales, régionales et mondiales. Elle induit un approfondissement de la conception de la citoyenneté et du rôle des citoyens dans la garantie des droits. Cette évolution a été amorcée par les Nations Unies dans la préparation du Protocole additionnel facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Ce protocole a été demandé par la Conférence Mondiale de Vienne sur les Droits de l’Homme, en 1993. Il reconnaîtrait aux particuliers et aux groupes le droit de présenter des plaintes formelles relatives au non-respect du Pacte. Ce serait un pas en avant considérable vers la justiciabilité des droits et la reconnaissance de l’indivisibilité des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels.

Citons à titre d’exemple quelques unes des discussions qui aujourd’hui définissent l’évolution du droit international. Le droit international doit être considéré comme un instrument. Aujourd’hui, c’est surtout un outil au service des entreprises multinationales. Peut-il devenir un instrument au service des citoyens ? L’ambiguïté de la relation entre globalisation économique et universalisme des droits de l’homme demeure, le " droit de la mondialisation " à vocation économique est beaucoup plus rapide et plus efficace que la " mondialisation du droit " qui permettrait le rapprochement des droits nationaux sous l’influence des droits de l’homme. Elle renvoie aux discussions sur la hiérarchie des normes, entre les règles internationales et les règles nationales. La réorganisation des pouvoirs concerne le rôle de l’Etat. Ce dernier a perdu le contrôle de ses frontières que les acteurs privés, en dehors des travailleurs migrants et de demandeurs d’asile, traversent ouvertement selon des stratégies désormais globales. Il perd aussi le contrôle de la règle de droit, inadaptée aux réseaux transnationaux (ceux du commerce, mais aussi du crime organisé ou de la communication par l’Internet). La discussion sur la " soft law ", sur le rapport entre la bonne volonté des codes de bonne conduite et l’édiction par des autorités publiques de normes contraignantes rebondit avec la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. La mondialisation est à l’origine de nouvelles formes d’impunité de certains agents du marché qui modifient et accentuent la corruption internationale. Le principe de précaution et de vigilance pourrait fonder des responsabilités pénales internationales. Les droits stratégiques des périodes précédentes, droit des peuples à l’autodétermination, droits des minorités, sont toujours d’actualité mais doivent être interrogés face aux nouvelles situations. La co-responsabilité dans les questions économiques mondiales a été posée à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de la gestion de la crise de la dette.

Comme nous l’avons affirmé au départ, le fondement du droit international, ne peut être que la Déclaration universelle des droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies. A cette condition, le droit international peut-être porteur d’une nouvelle modernité. Il permettrait alors aux mouvements citoyens dans chaque pays de se mobiliser pour faire avancer les situations. Les citoyens pourraient ainsi avoir, par ce moyen, un recours si leurs droits sont violés. Les Nations Unies peuvent s’ouvrir à la complexité des sociétés, reconnaître les acteurs émergents, leur donner une légitimité. Ils peuvent encourager les Etats à garantir les droits et à renforcer, par là même, leur légitimité. Voici la base d’une refondation des Nations Unies.

L’axe stratégique de la démocratisation

La ligne directrice de la démocratie mondiale et du contrat social mondial donne une orientation et une perspective de refondation du système international et des Nations Unies. Nous proposons de prendre comme axe stratégique de leur mise en œuvre les mouvements et les luttes pour la démocratisation des relations internationales. L’ensemble de ces mouvements ne convergera pas spontanément vers une démocratie mondiale. Dans chacun de ces mouvements, il y a des orientations opposées et ces mouvements peuvent être contradictoires entre eux. C’est en défendant dans chacun de ces mouvements les propositions compatibles avec les orientations et en les faisant converger autour d’un projet de démocratie mondiale que ces luttes seront porteuses d’une refondation du système international. D’autant que les propositions d’amélioration défendues par les mouvements ne sont pas en soi récupérables ou radicales, c’est la situation et l’inscription dans un projet qui les caractérisera. D’autant aussi que la démocratie n’est pas un système idéal qu’il faut définir puis appliquer, c’est un processus qui ne se réduit pas à ses modalités d’application. La démarche n’est donc pas une recherche du modèle optimal, c’est celle d’un processus, d’un cheminement ; celui qui permet de relier élaboration et mouvements, mobilisation et travail intellectuel, théories et pratiques sociales.

Les luttes pour la démocratisation du système mondial peuvent être inscrites dans un projet de démocratie mondiale si elles se référent aux grandes contradictions qui ont été mises en évidence : la prévention des guerres et un règlement pacifique des conflits fondés sur le respect des droits individuels et collectifs ; les inégalités Nord Sud qui découlent d’un système de domination ; les discriminations et les inégalités sociales ; le respect des droits de générations futures et les inégalités écologiques. Dans chacun de ces mouvements, la référence aux Nations Unies s’impose comme une évidence et chacune de ces luttes définit des propositions de réforme des Nations Unies. Nous illustrerons ces propositions dans cinq domaines : les luttes et mouvement pour le droit international, pour l’annulation de la dette, pour la fiscalité internationale, pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, pour la réforme des institutions financières internationales. Nous reprendrons dans cette partie quelques unes des perspectives déjà abordées qui permettront d’esquisser dans la partie suivante les réformes proposées.

Les luttes pour la démocratisation du système international accordent une importance stratégique au droit international. Elles appuient les avancées du droit international qui va dans le sens d’une démocratie mondiale. Elles défendent l’universalité des droits, des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels. Elles combattent la place exorbitante donnée dans le droit international au droit des affaires à travers les accords de l’OMC. Elles défendent les propositions qui sont avancées par la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies pour la justiciabilité des droits économiques sociaux et culturels et pour la saisine individuelle et citoyenne d’instances judiciaires de recours, nationales et internationales, pour juger des violations des droits. Elles proposent aussi de fonder, sur l’égalité des droits, un droit international des migrations. Le point d’achoppement actuel reste celui de l’acceptation d’un système international de plaintes .

C’est à Seattle, en 1999, que le mouvement altermondialiste s’est engagé sur une idée claire : le droit international ne peut pas être subordonné au droit des affaires. L’OMC créée en 1994 à Marrakech, avait dès le départ, affirmé qu’elle n’avait aucun lien avec l’ONU et qu’elle n’était pas liée par les textes des Nations Unies. C’était d’autant plus extraordinaire que tous les membres de l’OMC, à une ou deux exceptions près, sont également membres de l’ONU et donc, en temps qu’Etats, sont tenus de respecter les documents qu’ils ont signés et ratifiés .

Le Haut Commissariat aux droits de l’Homme des Nations Unies , s’appuyant sur les propositions des experts et de différentes ONG à avancé de nombreuses propositions pour encourager les Etats à intégrer les droits économiques, sociaux et culturels dans leurs orientations stratégiques, s’assurer de la compatibilité des décisions et des documents stratégiques avec le respect des droits et pour promouvoir l’approche par les droits ,soumettre systématiquement tous les accords internationaux à un contrôle parlementaire et au débat citoyen dans tous les pays concernés, soumettre les institutions internationales, quelle que soit leur nature, au respect des pactes et des accords internationaux, assurer l’égalité d’accès aux services collectifs de base Les luttes pour la démocratisation concernent l’annulation de la dette préalable à toute politique de financement du développement. La gestion de la crise de la dette a servi aux pays dominants pour remettre au pas les pays du Sud et mettre fin aux espoirs nés de la décolonisation. Il est temps d’admettre que la poursuite de cette politique insupportable met aujourd’hui en danger la paix du monde. La campagne pour l’annulation de la dette, qui a culminé avec Jubilée 2000, a montré que les opinions publiques, dans le Sud comme dans le Nord en sont de plus en plus conscientes. Il n’y a pas de risques majeurs à annuler la dette, les solutions techniques et économiques sont connues, c’est une question de choix politique. Du point de vue de l’économie mondiale, l’annulation de la dette permettrait de relancer l’activité dans les zones atteintes par les crises financières et monétaires. Mais, cette annulation doit absolument s’inscrire dans la perspective d’une réforme du système international qui a généré la dette. La mobilisation citoyenne mondiale peut peser sur les avancées du droit international. Il y a là de réelles possibilités tant du point de vue des conceptions que du point de vue des politiques immédiates. Dans un premier temps, elles concernent l’annulation du stock de la dette pour les pays les plus pauvres et la " déflation " du service de la dette, sur la base de critères sociaux, pour les pays intermédiaires.

La référence au droit international permet un règlement équitable de la question de la dette et permettrait d’éviter qu’elle ne se reproduise après son annulation. Le refus de l’impunité permettrait de récupérer les avoirs à l’extérieur issus des malversations et des corruptions. La coresponsabilité des emprunteurs et des prêteurs permettrait de discuter de la légitimité des dettes devant des instances juridiques compétentes. La responsabilité de l’évolution des taux de change et des taux d’intérêt et de leurs conséquences sur la dette devrait être appréciée par des instances de recours. Il serait ainsi possible, compte tenu des remboursements déjà effectués, d’apprécier ce qui resterait, éventuellement, à rembourser. L’annulation de la dette préfigurerait ainsi la mise en place d’un système économique fondé sur le droit international. La méthode du cas par cas opposant un pays pauvre et endetté à l’ensemble des pays riches créanciers est exorbitante du point de vue du droit et de la justice. Une conférence des Nations Unies devrait être convoquée pour discuter globalement de la dette, du droit international de l’endettement et de la réforme des institutions financières internationales.

Les luttes pour la démocratisation portent sur la fiscalité internationale. Cette fiscalité internationale découle d’une triple nécessité : permettre de compenser la redistribution massive des pauvres vers les riches qui caractérise la mondialisation aujourd’hui, dégager des ressources nécessaires au financement du développement, lutter contre les externalités négatives de l’organisation du système international (spéculation financière, limites écologiques, ventes d’armes, drainage des cerveaux, etc.). La fiscalité internationale, en elle-même ne suffit pas à résoudre tous les problèmes, mais elle s’inscrit dans une réorientation des fondements du système international : financement des biens publics mondiaux, sauvegarde et développement des biens communs, lutte contre le " dumping social " et le " dumping fiscal ", substitution d’une redistribution fondée sur les droits à la vision caritative de l’ " aide des riches aux pauvres ", financement des budgets des autorités publiques et des institutions internationales. En partie grâce au mouvement altermondialiste, et notamment à ATTAC, la fiscalité internationale sort progressivement du champ de la vision idéaliste. De nombreuses études et propositions sont en cours qui donnent des ordres de grandeur et proposent des mesures applicables. On pourra se reporter à différents travaux du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et de la CNUCED ainsi qu’à des évaluations des parlements belges, canadiens, anglais, etc. Une étude de ATTAC , estime à 694 milliards de dollars le total des taxes actuellement proposées dans les différentes conférences internationales. Il s’agit des taxes sur les transactions financières à court terme (issue d’un réaménagement des propositions de Tobin), d’une taxe unitaire sur les bénéfices des mille plus grandes entreprises internationales, d’une taxe sur les investissements extérieurs ne correspondant qu’à des rachats et non à des créations de capacités productives, d’un impôt sur les très grandes fortunes, des écotaxes (émission de carbone, plutonium et déchets nucléaires, transports aériens), des taxes sur les ventes d’armes et sur le pillage des cerveaux et la protection des patrimoines. Les conditions d’une fiscalité internationale, liée à l’harmonisation des politiques fiscales nationales, sont d’abord politiques. Elle implique la volonté de lutter contre les paradis fiscaux et la criminalité financière et de définir les cadres d’évaluation et de contrôle correspondants. Elle est un des éléments fondamentaux de la réforme des Nations Unies et des institutions internationales qui la composent.

Les luttes pour la démocratisation mettent en avant le contrôle du pouvoir économique et plus particulièrement des firmes multinationales considérées comme les acteurs déterminants de la modernité portée par la mondialisation libérale. Elles refusent le dogme de la libéralisation fondée sur des privatisations qui conduisent à des oligopoles surpuissants échappant à tout contrôle. Elles refusent la toute puissance des marchés financiers et de leur logique destructrice. Elles défendent le respect des droits et la démocratie dans les entreprises. Elles avancent que la responsabilité sociale des entreprises ne peut être fondée sur le volontariat des dirigeants des entreprises et doit reposer sur une réglementation définie par des politiques publiques et mise en œuvre par des instances de régulation publique. Les propositions ne manquent pas à travers les différentes campagnes. Soulignons d’abord les quatre thèmes qui ont amorcé l’ancrage du droit du travail dans le droit international : la liberté syndicale et associative, la lutte contre les discriminations, l’interdiction du travail forcé et l’interdiction du travail des enfants. Cette campagne présente deux grandes avancées, d’une part la mise en avant de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) comme une des références des institutions internationales et une alternative dans ses objectifs et ses modalités à l’OMC ; d’autre part la mobilisation, certes encore timide et en défendant pour certaines d’entre elles des orientations discutables, des organisations syndicales comme composante du mouvement altermondialiste.

Le débat sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises est un nouveau front en pleine effervescence, ouvert par les critiques avec une double nécessité : inscrire chacune de ces propositions de démocratisation dans la perspective de la démocratie mondiale ; inscrire chacun des fronts pour la démocratisation dans une alliance plus large pour la refonte du système international ; adressées aux grandes entreprises par le mouvement associatif et syndical et que ces entreprises tentent aujourd’hui de récupérer à travers l’OCDE et le World Business Council for Sustainable Development. Résumons, pour montrer les enjeux la prise de position, sur le Global Compact, pacte proposé par les Nations Unies aux grandes entreprises, des associations au contre-sommet de juin 2004 à New York . " Nous appelons les Nations Unies à inscrire la responsabilité des entreprises dans un cadre juridique et contraignant... Le Compact influence négativement les Nations Unies, et affaiblit ses institutions (PNUD, UNICEF, OMS, UNIFEM )... Le Compact détourne les gouvernements et les Nations Unies et les dissuade de s’attaquer à la réglementation de la Responsabilité Sociale et Environnementale des Entreprises (RSEE)... Total, Shell, Rio Tinto, Nestlé et BP se prévalent du Compact mais en violent les principes. Le Compact est une couverture de relations publiques... Nous sommes les représentants d’ONG diverses qui croient à la nécessité de Nations Unies, fortes et financées par des gouvernements... Plutôt que de développer les valeurs sociales dans le marché, le Global Compact introduit la commercialité dans les Nations Unies. Seules les Nations Unies donnent le cadre légitime à la formulation de règles et de normes sur la RSEE. La sous-commission des Nations Unies pour les Droits de l’Homme a adopté en Août 2003 des " Normes sur les responsabilités des Entreprises multinationales et autres Entreprises commerciales en regard aux droits de l’homme ". Ces normes redéfinissent les principes du droit international applicable aux affaires en matière de droits humains, loi humanitaire, droit international du travail, droit de l’environnement, droit des consommateurs, droit anti-corruption... Ces lois ne réduisent pas la responsabilité des gouvernements, elles sont applicables par les gouvernements... Les ONG appellent le secrétaire général des Nations Unies à organiser une conférence internationale sur la mise en œuvre de ces normes ; à faire évoluer le Global Compact dans ce sens ou à le supprimer ". Le droit international progresse aussi à travers l’action des associations ; prenons l’exemple des tribunaux d’opinion et particulièrement du Tribunal permanent pour les droits des peuples (TPP) qui a exploré depuis la décolonisation les voies aujourd’hui empruntées par les institutions internationales. Ainsi, la session du TPP après la catastrophe industrielle de Bhopal a formalisé les Dix principes de Bhopal sur la responsabilité des entreprises qui servent de référence aux associations écologistes, de défense des droits humains et de solidarité internationale.

Les luttes pour la démocratisation concernent les institutions financières internationales, le FMI, la Banque mondiale . Les institutions financières internationales et l’OMC, avec le scandaleux déséquilibre entre le Nord, c’est à dire les anciennes puissances coloniales, et le Sud, doivent être complètement redéfinies. Il faut certes des institutions financières internationales pour agir dans la durée, mais il est difficile de faire confiance aux orientations et au fonctionnement des institutions actuelles. On attend spécifiquement de ces institutions, d’une part, la stabilité du système monétaire et la prévention des crises financières et, d’autre part, un système financier qui favorise un développement respectueux des droits humains. D’autant que ces deux institutions ont construit leur hégémonie sur la pensée du développement et ont su utiliser cet investissement intellectuel pour asseoir leur pouvoir. On peut aussi, pour le moins, en attendre qu’elles fonctionnent démocratiquement. Dans les institutions de Bretton-Woods, la responsabilité directe est celle des actionnaires et plus particulièrement des actionnaires majoritaires, des pays les plus riches qui sont regroupés dans l’OCDE. Il s’agit de limiter les compétences de ces institutions à leur mission et de leur refuser le rôle de tutelle des pays pauvres qui leur a été attribué par les pays riches, par le bloc majoritaire des actionnaires de l’économie mondiale qui dirigent aujourd’hui ces institutions. Il s’agit aussi de les intégrer au système des Nations Unies qui présente le double avantage au niveau de ses principes de ne pas reposer pas sur des suffrages censitaires (un dollar, une voix) et d’avoir comme charte fondatrice la déclaration universelle des droits de l’Homme et la Charte des Nations Unies. La première mesure que l’on peut proposer pour la réforme des institutions internationales est de soumettre la Banque mondiale et le FMI à une évaluation de leurs politiques et de leur fonctionnement. Cette évaluation, publique et contradictoire, devrait être confiée à une instance indépendante, dans le système des Nations Unies. La possibilité d’une saisine de cette instance par les parties concernées, et aussi par les représentants des parlements et des autres secteurs de la société civile, serait un pas en avant considérable dans la démocratisation du système international. La ligne directrice des droits renouvelle l’approche des évaluations ; elle leur donne un cadre commun de cohérence. Cette évaluation devrait être conduite en prenant comme référence la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Les Institutions financières internationales, tant le Fonds monétaire international (FMI) que la Banque mondiale et les institutions régionales, comme toutes les institutions internationales ne peuvent échapper au respect des droits. La Déclaration universelle est universelle, elle lie les Etats qui l’ont ratifié dans leurs actions spécifiques et dans leurs responsabilités en tant qu’actionnaires ou que membres des institutions internationales. Aucun organisme international ne peut s’abriter derrière son règlement intérieur pour se considérer comme non tenu par le respect des accords internationaux ratifiés par ses membres. Une telle perspective, que nous appelons réforme radicale, peut être justement considérée comme un appel au démantèlement des institutions financières internationales actuelles. Il nous paraît toutefois important de définir dès le début le type d’institutions que nous voulons. Le danger de se contenter d’appeler à la disparition des institutions actuelles et de reporter à plus tard les propositions pourrait nous conduire à des alliances dont tirerait d’abord profit les tenants de la dérégulation néolibérale.

La réforme radicale du système des Nations Unies

La discussion et les positions divergentes sur les réformes des Nations Unies ne sont pas nouvelles. La réforme des institutions internationales est en discussion depuis qu’existent ces institutions. Les Nations Unies ont souvent été critiquées par ceux qui les considéraient comme de simples instruments des pays dominants, et plus particulièrement des Etats-Unis, et par les Etats-Unis qui les considèrent comme à la fois, trop indépendants et trop inefficaces.

Les tenants de l’unilatéralisme aux Etats-Unis, très puissants dans le Congrès et dans l’administration Bush, considèrent qu’il faut marginaliser les Nations Unies, les vider de tout contenu et en faire une simple chambre d’enregistrement de leurs positions. Leurs institutions de référence sont l’OCDE, le G8, le FMI et la Banque mondiale, l’OMC et l’OTAN. Même par rapport à ces institutions, ils considèrent avec une très grande méfiance le multilatéralisme et préfèrent développer des accords bilatéraux, comme par exemple ceux qui lient les accords commerciaux avec l’exception juridique pour les citoyens américains. Ils manient systématiquement le chantage à la chaise vide et le boycott comme ils l’ont fait pendant des années pour l’UNESCO qui avait osé s’interroger sur un nouvel ordre international de l’information. Les critiques américaines se sont étendues aux institutions financières internationales jusque là préservées. Ils ne supportent pas que ces institutions puissent, timidement, s’interroger sur les dysfonctionnements du marché, le rôle de l’Etat et les politiques sociales. Milton Friedman, dans une interview à la télévision en juin 1998, propose tout simplement de les supprimer et de s’en remettre directement à la régulation des marchés. Et George Schultz, ancien secrétaire américain au Trésor, d’ajouter que " le FMI est inefficace, dépassé, inutile ". Ces propositions trouvent un écho dans le rapport Melzer, initié par le Sénat américain.

Les tenants du maintien, avec de légers réaménagements, des institutions des Nations Unies sont sur la défensive. En réaction aux attaques de l’unilatéralisme, certains, notamment en Europe et dans les pays du Sud, défendent l’idée que puisque ces institutions sont attaquées, il faut les défendre pour maintenir une forme de régulation. Ils considèrent que seuls des aménagements minimums sont possibles et qu’il faut à tout prix maintenir les Etats-Unis dans les institutions. Ils sont de ce fait engagés dans une négociation constante avec les Etats-Unis, cherchant à leur donner au maximum satisfaction tout en cherchant à sauver la face des Nations Unies. Ils espèrent qu’une position moins isolationniste et moins unilatéraliste finira par se dégager aux Etats-Unis.

Les tenants d’une réforme radicale sont plus déterminés, malgré les risques. Cette position est défendue par tous ceux qui considèrent qu’une instance mondiale est plus que jamais nécessaire, mais que les Nations Unies ne pourront jouer ce rôle que si elles sont profondément transformées pour être adaptées à la nouvelle situation, aux enjeux de la période et à de nouveaux objectifs. Un débat les traverse entre ceux qui considèrent que les Nations Unies ne sont pas réformables et qu’il faut donc les refaire, comme Maurice Bertrand par exemple, et ceux qui pensent qu’il faut préconiser une réforme radicale, comme par exemple, Monique Chemillier-Gendreau et Richard Falk . La plateforme de propositions défendue par les uns et les autres est assez convergente. Les différences portent sur la méthode et ne me paraissent pas fondamentales. A partir d’un certain nombre de réformes radicales, peut-on dire que l’on est dans le même système ? Et surtout, comment parviendra-t-on à imposer des réformes radicales ?

La plateforme des réformes radicales peut être organisée autour d’un certain nombre de propositions, en partant de celles qui sont le plus largement admises et discutées.

La démocratisation du fonctionnement des institutions qui doivent mettre en œuvre la régulation internationale. Il s’agit, dans l’immédiat, d’insister sur la transparence, le contrôle, la participation de tous les pays aux décisions comme base nécessaire du fonctionnement de toutes les institutions internationales. Dans un premier temps, on peut réformer l’ONU pour qu’elle soit plus démocratique et plus efficace à partir de la modification de la composition du Conseil de Sécurité et de la création d’un Conseil de Sécurité économique et social.

La mise en place d’outils de régulation qui implique un renversement des orientations dominantes dans le système économique et social mondial autour de la primauté donnée au marché mondial. Les systèmes de régulation viseraient à privilégier l’autosuffisance de chaque pays par des mesures multilatérales négociées ; à annuler la dette ; à exclure des avantages comparatifs les composantes juridiques, sociales, fiscales et écologique grâce à une harmonisation mondiale des droits des affaires, des règles sociales, de la fiscalité et des contraintes environnementales de manière à réduire le dumping et la concurrence des Etats pour attirer les entreprises et empêcher les entreprises d’abuser des différentiels ; à lutter contre la spéculation financière à court terme par l’interdiction des paradis fiscaux et l’interdiction des sociétés off shore ; à cantonner les bourses de valeur au financement de l’économie en limitant l’influence des fonds spéculatifs et la dérive des fonds de pension et des investisseurs institutionnels ; à contrôler la spéculation sur les matières premières et à mettre en place un système de garantie des prix ; à mettre en place une fiscalité internationale pour une redistribution des richesses mondiales.

La mise en place d’instances d’arbitrage et de recours efficaces. Ces instances d’arbitrage concerneraient autant la régulation économique et sociale que la prévention et le règlement des conflits dans les interventions humanitaire, de sécurité et de maintien de la paix. Il s’agit de définir un système international de plaintes ouvert à la saisine des associations citoyennes ; de définir des instances de recours, de préciser les compétences universelles des tribunaux nationaux, de définir les modalités et les limites de la mondialisation des juges. La priorité est de mettre au centre du système international la lutte contre l’impunité. On peut fonder le système international d’intervention dans le règlement des conflits sur le principe de subsidiarité respectant la souveraineté des peuples. On peut aussi donner à la Commission des Droits de l’Homme les attributions d’un conseil de surveillance du respect des droits. La création d’instances arbitrales entre Etats, groupes multinationaux, associations citoyennes compétentes pour la délinquance financière et la corruption doit s’accompagner de délégation de pouvoirs de sanctions aux instances d’arbitrage de certaines des agences, comme par exemple l’OIT, l’OMS, etc.

L’intégration effective dans le système direct des Nations Unies des institutions financières et commerciales internationales, FMI, Banque mondiale, Société Financière Internationale et OMC. Une proposition symbolique serait de faire élire les responsables de ces institutions et notamment le Président de la Banque mondiale et le Directeur Général du FMI par l’Assemblée Générale de l’ONU. Il s’agit surtout de réorganiser les systèmes de décision et les droits de vote en équilibrant les participations entre les pays ; de ramener les interventions de chaque institution à ses missions spécifiques et d’engager leur régionalisation effective ; d’assurer la transparence en rendant publics les votes et les positions exprimées et en soumettant toutes les décisions et les politiques au contrôle parlementaire et citoyen des pays concernés.. Toutes les institutions internationales devront se soumettre au respect de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, des accords et pactes internationaux. Les politiques de ces institutions devront être soumises à une évaluation publique, indépendante et contradictoire menée par une instance indépendante.

L’inscription de la réforme des Nations Unies dans la perspective d’une nouvelle constitution du monde. La Charte devrait être rediscutée autour de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui fonde la légitimité des Nations Unies et sur le rôle de l’ONU dont l’objectif devrait être d’aider à la transformation du monde plutôt que d’œuvrer à sa reproduction. La discussion porte sur la nature et le rôle de la souveraineté des Etats et sur les rapports entre pouvoirs économiques, pouvoirs politiques et pouvoirs citoyens dans la nouvelle organisation du monde. D’autant que l’essor du transnational renforce les Etats plus qu’il n’annonce l’ère du " postnational " . Richard Falk, qui propose la notion de " statut politique de l’Humanité " avance la proposition d’un constitutionnalisme mondial. Une nouvelle architecture pourrait être fondée sur des ensembles régionaux de coopération, un système de représentation régionale au niveau mondial, un Conseil de sécurité à la fois économique et militaire conçu comme un espace de négociations crédible pour les grands puissances et les ensembles régionaux. Les différentes institutions du système des Nations Unies pourraient être réorganisées à partir de la création d’agences régionales et de commissions spécialisées. Signalons une proposition très audacieuse, avancée par Maurice Bertrand, qui est de n’admettre à l’ONU que les gouvernements qui en acceptent les principes et les modalités d’évaluation et de contrôle.

Comment faire aboutir ces réformes ? Les tenants de la troisième génération qui estiment qu’il faut refaire l’ONU, rappellent que les deux premières générations ont été mises en place à la suite de la première guerre mondiale, la SDN, puis de la deuxième guerre mondiale, l’ONU. On peut faire l’hypothèse, optimiste, que nous sommes dans une période de bouleversements, surtout depuis la chute du mur de Berlin, qui se traduira par des conflits, mais que ceux-ci ne prendront pas forcément la forme d’une guerre mondiale. Pour que des réformes radicales soient envisageables, il faudrait qu’elles soient portées par des forces politiques et sociales.

Quelles sont donc les forces sociales et politiques qui pourraient porter une réforme radicale de l’ONU ? Nous évoquerons rapidement les contributions de l’intérieur du système et les " think tank " engagés dans les batailles d’idées, l’opinion publique, les coalitions d’Etats, le mouvement altermondialiste et ses alliances.

Il ne faut pas négliger les contributions de ceux qui de l’intérieur du système sont mus par une éthique de conviction et sont soucieux de proposer des solutions aux impasses qu’ils vivent. Mais, il ne faut pas oublier que les institutions internationales sont des institutions inter-étatiques. La première responsabilité incombe donc aux Etats membres. Les institutions internationales ont aussi une certaine autonomie. Elles forment ce que l’on peut qualifier au sens fort du terme, comme une bureaucratie ; c’est à dire, une catégorie sociale qui apparaît pour gérer les conflits quand ceux-ci sont trop graves et risquent de mettre en danger l’existence même de la société. Cette bureaucratie, en s’attribuant le monopole de la parole technique, tend évidemment à se reproduire et à exercer son pouvoir de manière autonome. Il est certain aujourd’hui que la société mondiale est en danger grave et que les inégalités sociales et géopolitiques ne sont plus supportables. C’est pourquoi si certaines instances sont soucieuses de l’intérêt général et à l’écoute des mouvements de démocratisation, rien dans les institutions internationales, et plus particulièrement des institutions financières internationales, ne différencie leurs politiques des intérêts immédiats des pays les plus riches et les plus puissants. Une réforme radicale est indispensable ; elle ne saurait venir de l’intérieur de ces institutions, même si elle peut trouver des appuis intérieurs.

La bataille des idées est essentielle ; elle est déterminante dans les batailles politiques bien que suivant des temporalités différentes. La refondation du système international nécessite la mobilisation des compétences et des expertises, surtout si on vise à la fois une remise en cause des fondamentaux et une efficacité immédiate. Il existe de nombreux cercles qui se sont attelés à cette tâche. Citons par exemple la Fondation pour le Progrès de l’Homme qui travaille depuis plusieurs années sur la gouvernance mondiale et qui a l’ambition de susciter des pôles de référence et des " think tank " dont l’objectif est d’élaborer une autre pensée en tenant compte des pratiques et des expériences . Pour élaborer ces propositions, les vérifier et les diffuser, ces cercles ont plusieurs possibilités complémentaires : faire appel à l’opinion publique, se constituer en " lobby " pour peser sur les gouvernements, intervenir directement ou indirectement dans le champ politique, se lier à des mouvements sociaux et citoyens capables d’intervenir par leurs mobilisations.

Le recours à l’opinion pose la question de l’existence d’une opinion publique mondiale. La question de l’opinion publique mondiale ne recouvre que très partiellement celle d’une communauté mondiale. De ce point de vue, les débats sont ouverts. Comment combiner l’unité et la diversité des situations et définir une responsabilité commune diversifiée ? Peut-on construire des perspectives et un imaginaire nouveau, en partant de ce qu’il faut faire et non pas de ce que les élites sont prêtes à faire ? Peut-on parler de bien commun universel tant que n’existe pas une communauté politique ; les deux doivent-ils être construits en même temps ? Comment définir l’intérêt public mondial, l’intérêt général mondial ; peut-on mettre le principe en œuvre et le préciser par des normes communes, la notion de patrimoine commun de l’humanité (convention sur le droit de la mer), de la communauté des humains y compris les générations futures (paradigme écologiste) ? Quels sont les instruments juridiques qui correspondent à l’universel ? La société internationale fonctionne au contrat qui reproduit le rapport de forces ; le contrat est un outil de gestion pas de justice, il n’engage que les parties au contrat. Par rapport aux échanges mondialisés et à un cadre interétatique, quels sens peuvent avoir les propositions de société civile mondiale, de conscience universelle, de citoyenneté mondiale. Pour reprendre une question essentielle posée par Kant, l’Humanité peut-elle être le sujet de sa propre Histoire ?

Peut-on s’appuyer sur une opinion publique mondiale convaincue de la nécessité d’une gouvernance mondiale légitime, démocratique et efficace, malgré l’indifférence de l’opinion publique instituée, notamment des médias ? La construction d’une opinion publique mondiale relève encore des hypothèses. Dans les faits, les opinions publiques fonctionnent surtout au niveau national. Mais il y a des facteurs nouveaux. Il y a une prise de conscience dans chaque opinion publique nationale de l’importance de la mondialisation, de ses effets et de l’émergence du courant altermondialiste. Il faut aussi souligner une certaine convergence entre les opinions publiques nationales du fait des supports mondialisés (télévisions, internet, etc.) et des ponts formés par les migrations, les diasporas, les réseaux transnationaux, etc. Il faut surtout souligner la montée en puissance des opinions publiques des pays du Sud, en partie liée aux succès du mouvement altermondialiste. Ainsi, la décision des Etats d’Afrique du Sud, du Brésil et d’Inde de résister à l’OMC en faisant passer le droit à la santé avant le droit des affaires marque un saut qualitatif considérable. La mobilisation des opinions publiques s’appuie sur le débat et l’engagement citoyen ; les associations, formes organisées des sociétés civiles, et les médias y jouent un rôle particulier. Elle implique une attention particulière sur les différentes formes d’intervention des mouvements associatifs dans le système mondial et sur la manière dont les médias internationaux se saisissent de la question des droits de l’Homme.

L’évolution du rapport de forces géopolitiques entre les coalitions d’Etat est un passage obligé. Le système international étant essentiellement défini comme un cadre interétatique, quelles ont les possibilités d’évolution des rapports interétatiques ? Les contradictions géopolitiques sont de ce point de vue considérables.

Les Etats-Unis sont sur une position hégémoniste et unilatéraliste ; un changement de majorité modifierait les modalités mais pas fondamentalement cette orientation. Même si elle s’accompagnait de quelques professions de foi multilatéraliste, il s’agirait très probablement d’un multilatéralisme impérial sous contrôle des Etats-Unis. L’Union Européenne pourrait jouer un rôle autonome. Sa contribution à la coopération au développement est de loin supérieure à toutes les autres ; elle dispose de deux fois plus d’actions que les Etats Unis à la Banque mondiale et au FMI. Mais, l’Europe est inscrite dans la mondialisation néolibérale, elle en est un des supports, un des vecteurs. L’Union Européenne est le principal " supporter " de l’OMC ; elle en partage la philosophie et y trouve l’espace pour régler ses différents avec les Etats-Unis et définir un consensus sur la gestion de l’économie mondiale. Il n’y a pas d’unité européenne sur ces questions, pas de projet européen d’une coopération européenne autonome fondée sur le respect des droits humains et un plus juste équilibre entre le Nord et le Sud. La Russie et le Japon sont trop empêtrés dans leurs problèmes internes pour jouer un rôle autre que d’appui en fonction des situations. Le G8 reste l’espace de règlement des contradictions internes aux puissances dominantes, le recours aux Nations Unies étant subordonné à leurs débats internes.

Les pays du Sud dans leur ensemble sont très attachés au système des Nations Unies et sont bien plus à l’aise à la CNUCED qu’à l’OMC. Les pays du Sud, et particulièrement ceux qui ont un poids géopolitique déterminant, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud et la Chine ont affirmé leur volonté de peser sur le réaménagement de la scène mondiale. L’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud ont esquissé un G3 avec plusieurs accords entre le Mercosur et l’Afrique du Sud en 1998, l’Inde et le Mercosur en 2003. Des accords sont recherchés avec la Chine et la Russie. La Chine est devenue le deuxième importateur du Brésil, avec une croissance des importations de 365 % en trois ans.

Le secrétariat du G20 , créé après la réunion ministérielle de préparation de Cancun, comprend l’Argentine, le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud. Les 19 pays qui composent aujourd’hui le G20 se concentrent sur les négociations agricoles ; ils représentent 60% de la population mondiale, 70% des agriculteurs et 25% du commerce mondial agricole. Ils travaillent en commun sur les trois piliers des négociations (réduction substantielle des subventions intérieures, amélioration de l’accès aux marchés, élimination des subventions à l’exportation) en mettant en avant les Accords de Doha : réformer l’agriculture afin de soumettre le commerce agricole aux règles du système commercial multilatéral et de promouvoir le développement social et économique par l’entremise du commerce. Le centre de gravité du G20 n’est pas en rupture avec le libre échange, mais il est sur une position clairement multilatéraliste et anti-hégémonique. De ce fait, il retrouve certaines des positions définies à Bandoeng en 1955 et à la Conférence de Belgrade du mouvement des non-alignés en 1962. Il ne faut pas pour autant croire en un consensus des pays du Sud. Dans le G20, il y a une différence entre les positions offensives du secrétariat et les positions défensives d’autres pays. De même, les autres pays du Sud, souvent plus démunis, ont formé le G90 qui hésite sur les positions à prendre ; d’autant que les Etats-Unis et l’Union Européenne jouent la division du Sud. Il ne faut pas oublier que la crise de la décolonisation a été accentuée par la rupture de l’unité du front des pays du Sud, attisée par l’OPEP qui avait préférée négocier de son côté.

Le mouvement altermondialiste occupe dans cette mobilisation une place stratégique. Cette stratégie est aujourd’hui portée par le mouvement citoyen mondial qui a progressé de Seattle à Porto Alegre. Seattle a été marqué par la convergence des mouvements de résistance à un monde insupportable ; les syndicats de travailleurs et les mouvements paysans, les consommateurs et les écologistes, les mouvements de chômeurs, de mal logés et de sans-droits, les mouvements de femmes et de jeunes, les mouvements de solidarité internationale et de défense des droits et des libertés. Porto Alegre a lancé une phase d’élaboration publique et de propositions, liée à ces mouvements, marquée par le refus des doctrines dogmatiques et par un immense espoir de libération et d’émancipation. C’est une minorité active qui s’affirme mais qui refuse de se considérer comme un avant-garde. C’est une nouvelle culture qui émerge. Le projet est celui d’une démocratie mondiale qui ferait son chemin à travers les associations citoyennes et les mouvements sociaux et citoyens qui construisent une société civile mondiale ; à travers la formation d’une opinion publique mondiale et d’une conscience universelle. Plusieurs des propositions portées par le mouvement citoyen mondial répondent à cette double nécessité : lutter contre les inégalités sociales et géopolitiques, construire les fondements d’un nouveau système international à partir des avancées du droit international.

Les revendications portées par le mouvement citoyen mondial sont fondées sur la solidarité internationale entre les peuples, qui se construit à travers les mouvements sociaux et les mouvements d’émancipation dans les différents pays. On peut estimer que le mouvement citoyen mondial a remporté un premier succès. Dans le système international, il y a les institutions financières internationales et les forces dominantes, mais il y a aussi le mouvement citoyen et ses réactions qui modifient le système. Ce mouvement citoyen fonctionne déjà comme analyseur, il permet de comprendre la nature des institutions et du système international et d’en explorer les coins aveugles, ceux qui concernent les exclus et les parias du système. Il est aussi porteur de propositions, de nouvelles conceptions. Les mobilisations des dernières années ont permis une prise de conscience de la réalité du monde et ont mis en évidence les inégalités et les injustices. Elles ont contribué à ouvrir des perspectives et des espoirs. Aux yeux des peuples et de l’opinion mondiale d’autres solutions sont possibles et la méfiance par rapport aux sollicitations désespérées est plus grande. Ces mobilisations ont aussi affaibli la légitimité des dirigeants du monde et les ont contraints, pour l’instant, à prendre en compte leurs limites et à ne pas adopter les solutions extrêmes. La référence au droit dans le règlement des conflits se réfère à la justice par rapport à la vengeance et à la punition collective. Cette référence au droit s’impose dans la situation et permet de préparer l’avenir.

Le mouvement altermondialiste se pose aussi la question des alliances. Les bases sociales des alliances ne se définissent pas par leurs contours ; elles se définissent par rapport au projet autour duquel se construit l’alliance. Ces alliances regroupent des forces sociales et politiques de nature différente, des mouvements sociaux et citoyens, des partis politiques, des Etats et aussi d’autres acteurs. Le mouvement altermondialiste construit progressivement son cadre d’intervention et ses représentations. La représentation qui met face à face les Etats et les entreprises comme les seuls acteurs de la transformation n’est plus suffisante. De nouveaux acteurs interviennent et émergent sur la scène internationale, particulièrement, les collectivités locales et les associations. Elles portent une nouvelle approche de la transformation sociale. La société civile, terme discutable mais commode, propose de ne pas restreindre le pouvoir civique au rapport entre pouvoir économique et pouvoir administratif. Elle propose de rendre plus effective dans la démocratie représentative la mobilisation et l’engagement des citoyens, d’articuler la délégation et la participation. Les propositions du mouvement altermondialiste ne sont pas réservées aux pouvoirs et aux gouvernements, mais elles ne les négligent pas ; elles sont conscientes de l’importance de toutes les formes du politique.

Du point de vue des alliances, le mouvement altermondialiste est confronté à cinq alliances possibles, alliances qu’il lui faut articuler en fonction des situations. Les alliances les plus larges sont l’alliance anti-hégémonique contre la guerre et l’alliance antifasciste contre les intégristes de tout poil. Les alliances les plus radicales sont l’alliance anticapitaliste et l’alliance antiproductiviste qui s’opposent sur la signification du paradigme écologiste. L’alliance la plus discutée est l’alliance contre le néolibéralisme qui permettrait de casser l’alliance entre néolibéraux et sociolibéraux, sans courir le risque, déjà expérimenté, d’un retournement des sociolibéraux dès leur arrivée au pouvoir. Les crises financières et les résistances des mouvements sociaux ont conduit à une crise majeure de la pensée libérale. Le débat sur les politiques ouvert à la Banque mondiale entre les ultra-libéraux et les néo-keynésiens en témoigne. L’affrontement a commencé avec l’analyse des crises financières et la contestation du rôle des institutionsfinancières internationales. Le débat se focalise sur le rôle de l’Etat et les politiques sociales.

Le mouvementaltermondialistepeut se saisir de la question de la réforme du système internationale et de la réforme de l’ONU ; il peut contribuer à créer un mouvement pour la réforme radicale des Nations Unies. Les mouvements sociaux dans chacun des pays du Sud et du Nord peuvent faire entendre leur voix pour la justice et pour la paix, pour imposer la lutte contre les inégalités comme une priorité. Ils peuvent amener plusieurs Etats et notamment l’Union Européenne à saisir cette occasion pour affirmer leur indépendance et inscrire leur projet dans un monde multipolaire plus équilibré. Il revient au mouvement citoyen mondial de donner un sens à l’engagement des citoyens. La solidarité internationale entre les peuples est une réponse à l’idée absurde, et mortelle, de la guerre des civilisations. Un progrès peut naître dans la capacité de surmonter une épreuve. Pour faire avancer la civilisation, il faut s’attaquer d’abord à la barbarie que constitue l’ordre injuste du monde .

Le mouvement altermondialiste peut se saisir de la question de la réforme du système internationale et de la réforme de l’ONU ; il peut contribuer à créer un mouvement pour la réforme radicale des Nations Unies. Les mouvements sociaux dans chacun des pays du Sud et du Nord peuvent faire entendre leur voix pour la justice et pour la paix, pour imposer la lutte contre les inégalités comme une priorité. Ils peuvent amener plusieurs Etats et notamment l’Union Européenne à saisir cette occasion pour affirmer leur indépendance et inscrire leur projet dans un monde multipolaire plus équilibré. Il revient au mouvement citoyen mondial de donner un sens à l’engagement des citoyens. La solidarité internationale entre les peuples est une réponse à l’idée absurde, et mortelle, de la guerre des civilisations. Un progrès peut naître dans la capacité de surmonter une épreuve. Pour faire avancer la civilisation, il faut s’attaquer d’abord à la barbarie que constitue l’ordre injuste du monde.

L’auteur est président du CRID, Vice-Président d’ATTAC-France.

(tiré du site du CADTM)