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Besancenot à Cuba

mercredi 14 mai 2008

Le porte-parole de la LCR, section française du même réseau que G.S, Olivier Besancenot, s’est rendu à Cuba. Il nous fait part de ses rencontres.

CUBA : Rouge n° 2250, 01/05/2008

• Tu t’es rendu à Cuba, voyage officiel ou vacances ?

Olivier Besancenot – Ni l’un ni l’autre, je suis allé voir des amis. J’ai profité de l’occasion pour faire de nombreuses rencontres militantes. Ce fut l’occasion de connaître quelques-uns des nombreux centres culturels qui, au-delà de leurs activités propres, réfléchissent et débattent beaucoup sur le passé et l’avenir de Cuba. Ils sont autant de lieux vivants qui cristallisent les préoccupations de la société cubaine. Cuba tourne progressivement la page de la « période spéciale », mise en place après la chute du Bloc de l’Est. Après quinze ans de privations et de difficultés économiques, la situation économique et sociale s’améliore. Malgré le blocus économique permanent, imposé par les États-Unis depuis 1962, qui cherche à asphyxier la révolution, la société cubaine a traversé courageusement cette période, en demeurant attachée à ses acquis et en résistant aux assauts répétés de l’économie de marché véhiculée par la mondialisation capitaliste. Et, contrairement aux prédictions de ses ennemis, Cuba ne s’est effondrée ni après la chute de l’URSS, ni après l’annonce du retrait de la présidence de Fidel Castro. Preuve que le peuple cubain continue d’entretenir des rapports étroits avec sa révolution. De ce séjour, je constate que les préjugés sont tenaces dans les sociétés européennes, y compris dans les milieux de gauche : la société cubaine n’est pas un glacis, elle est en perpétuel questionnement sur son avenir et elle cherche les voies d’un perfectionnement de son modèle social et économique. Contrairement aux idées reçues, tant les autorités cubaines que les anonymes que j’ai rencontrés sont en quête de confrontation politique avec les différents courants progressistes, au-delà de leur histoire. Pour peu que ces derniers n’évoquent pas Cuba que lorsqu’il s’agit de la discréditer.

• Qu’est-ce qui t’a le plus marqué de toutes ces rencontres ?

O. Besancenot – Le peuple cubain, d’abord et avant tout. Il est ouvert, fraternel, cultivé et très politisé. L’internationalisme a marqué l’histoire de cette révolution. Même pendant les pires difficultés, Cuba a continué de prendre en charge la formation de milliers de médecins du tiers monde, ainsi que de nombreux instructeurs qui combattent l’analphabétisme aux quatre coins de la planète. Cet internationalisme est consubstantiel à la révolution cubaine : du combat du Che en Bolivie jusqu’aux milliers de soldats partis combattre en Angola pour résister aux assauts de l’apartheid, sans oublier les milliers d’enfants de Tchernobyl, accueillis et soignés au centre médical de Tarara sans discontinuité depuis 1986.

• Olivier Besancenot reçu par le Parti communiste cubain (PCC), c’est un peu Tintin au Pays des soviets ?

O. Besancenot – Non, le climat y est plus tropical. Blague à part, notre courant international a toujours entretenu des relations avec la Révolution cubaine : lors des débats publics sur la planification socialiste à Cuba initiée par le Che, Ernest Mandel avait apporté une contribution importante. À partir de 1968 et l’amorce de la « soviétisation » et la bureaucratisation de la Révolution cubaine, les relations se sont distendues. Notamment à propos du Printemps de Prague, de l’invasion de l’URSS en Afghanistan, ou encore de la condamnation à mort du général Ochoa. Mais, aujourd’hui comme hier, un débat doit avoir lieu. C’est dans cet esprit que j’ai échangé avec le PCC autour de questions stratégiques posées par le mouvement altermondialiste : sujets économiques, appropriation sociale, environnement, la question du pouvoir, la démocratie socialiste, incluant le multipartisme et la liberté de la presse. Dans le monde post-Guerre froide, toutes les divergences n’ont pas disparu. Mais une nouvelle page s’ouvre pour celles et ceux qui veulent réfléchir ensemble à la refondation d’un socialisme pour le XXIe siècle. Il n’existe pas de modèle, ni à Cuba ni ailleurs. Chaque pays a son histoire, ses traditions et son parcours. Il est intéressant, avec un esprit critique, de rencontrer des interlocuteurs partout dans le monde pour échanger dans cette perspective, sur la base de discussions et de confrontations pratiques, à partir des mobilisations sociales. À ce titre, qui pourrait ignorer Cuba et, plus largement, tout ce qui se trame dans l’espace caraïbe et latino-américain : Venezuela, Équateur, Chiapas…

• Quels enseignements centraux tires-tu de ce séjour ?

O. Besancenot – En premier lieu, il nous appartient de faire connaître les réalisations de la Révolution cubaine, qui démontrent que, même avec peu de moyens, on peut commencer à changer le monde, si tant est qu’on le veuille. Dans cet esprit, en regardant notre indépendance, nous avons un devoir de solidarité avec Cuba : contre l’embargo économique, pour la libération des cinq Cubains emprisonnés aux États-Unis1. Ensuite, nous devons expliquer, à Cuba, en France, et dans le reste du monde, que la révolution a besoin, pour exister, d’un mouvement international et internationaliste. Aucun pays ne pourra construire un socialisme démocratique au XXIe siècle en omettant cette grande leçon de l’histoire : le socialisme dans un seul pays est impossible. Enfin, avec les Cubains comme avec le reste des peuples de la planète, il nous appartient de maintenir grandes ouvertes les portes du dialogue qui nous permettra, chacun avec nos réalités propres, de construire le grand mouvement émancipateur que l’humanité réclame.

Propos recueillis par Édouard Diago

Notes

1. Accusés d’espionnage contre les États-Unis, ils ont, en fait, infiltré, à Miami, les organisations d’extrême droite cubaine, qui organisent depuis des décennies des attentats contre la population civile cubaine.