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Prostitution mondialisée et libéralisme, femmes et fillettes marchandises sexuelles

vendredi 26 septembre 2008, par Richard Poulin

À l’échelle de la planète, des centaines de milliers, voire des millions de femmes et de fillettes sont, chaque année, recrutées, achetées, vendues et louées par des réseaux de prostitution. Cette industrie profite autant d’une culture hypersexualisée que de la monétarisation des rapports sociaux typiques du capitalisme néolibéral mondialisé.

Tous les observateurs s’accordent sur le fait que la traite à des fins de prostitution est l’activité du crime organisé qui connaît actuellement la plus grande expansion parce qu’elle est la plus profitable. Elle concerne 90-92 % des cas, étant de loin plus importante que la traite à des fins de travail forcé (aides domestiques, travailleurs agricoles, etc.)[1]. Selon le Bureau international du travail, les femmes et les fillettes constituent, en 2005, 98 % des personnes victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle. L’Office des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime estime, en 2006, que pratiquement aucun pays du monde n’est épargné de la traite des êtres humains : il recense 127 États comme pays d’origine et 137 comme pays de destination. Les Pays-Bas apparaissent comme l’une des dix plaques tournante de la traite internationale à des fins de prostitution.

Les avatars de la légalisation de l’exploitation sexuelle des femmes
Aux Pays-Bas, 80 % des personnes prostituées sont d’origine étrangère dont 70 % sans papiers. Le secteur illégal y est plus important que le secteur légal. Selon toute vraisemblance, elles sont victimes de la traite des êtres humains à des fins de prostitution, laquelle est sous l’emprise du crime organisé. Ce pays, qui a légalisé en 2000 le proxénétisme et réglementé la prostitution en bordels et en zones de tolérance, récolte un milliard d’euros d’impôt par année en provenance du seul secteur légal de la prostitution. Les bordels sont désormais licenciés et les tenanciers proxénètes opèrent en toute légalité.

La légalisation de la prostitution en bordels et en zones de tolérance devait mettre fin à la prostitution des mineurs, or l’Organisation pour les Droits de l’enfant, dont le siège est à Amsterdam, estime que le nombre de mineurs qui sont prostitués est passé de 4 000 en 1996 à 15 000 en 2001. Et la traite des mineurs non accompagnés y est en plein essor comme dans les autres pays européens qui ont réglementé la prostitution et légalisé le proxénétisme (Allemagne, Grèce, Suisse, etc.). Les réfugiées d’âge mineur qui demandent l’asile dès leur arrivée à l’aéroport d’Amsterdam sont conduites dans des foyers spécialisés d’où elles disparaissent[2]. Le rythme rapide de ces disparitions a mis la puce à l’oreille des forces de l’ordre qui ont démantelé en octobre 2007 un important réseau de traite des mineures à des fins de prostitution en provenance du Nigeria et qui se sont retrouvées, pour une partie d’entre elles, dans des bordels du pays ainsi que d’autres pays.

La légalisation de la prostitution devait également mettre fin au contrôle du crime organisé sur l’industrie. Mais celui-ci, au contraire, a étendu son emprise et y prospère comme jamais. La mairie d’Amsterdam a fermé le tiers des bordels de son red light district en rachetant les édifices, au coût de 15 millions d’euros, afin de changer leur vocation. « Au lieu d’assainir la filière, la politique de licences accordées depuis octobre 2000 aux maisons closes a abouti à une situation incontrôlable », affirme Karina Schaapman, ex-prostituée et conseillère municipale. Pour le maire de la ville, le « quartier rouge » est un « refuge pour les trafiquants [d’êtres humains] et les dealers et la réglementation n’a pas atteint son but : briser ses liens avec le crime organisé ». Un conseiller municipal du Parti du travail explique : « Auparavant, on voyait la légalisation de la prostitution comme une question de libération des femmes ; aujourd’hui on la voit comme une question d’exploitation des femmes et ça doit cesser. »

Le constat d’échec du réglementarisme néerlandais est patent. Un bilan similaire vient d’être tiré en ce qui concerne la prostitution réglementée au Nevada (États-Unis) et en Australie[3].

Une industrie mondiale

Des centaines de milliers voir des millions de femmes et de fillettes sont recrutées, achetées, vendues et revendues, chaque année, par des réseaux organisés sur les marchés locaux, nationaux et internationaux et, à chaque étape ou presque de leur transport, louées aux clients prostitueurs. Elles sont transportées clandestinement ou, selon les circonstances, légalement - les visas d’« artiste » pour les danseuses de cabaret sont émis par de nombreux États[4] et dénoncés par différentes organisations internationales et européennes comme moyen utilisé par les trafiquants pour prostituer les femmes - au-delà des frontières nationales sur le marché du sexe du monde entier, des pays les plus pauvres aux pays moins pauvres jusqu’aux pays riches. Ainsi, par exemple, on estime que depuis dix ans, 200 000 jeunes femmes et fillettes du Bangladesh ont été victimes de la traite à des fins de prostitution vers le Pakistan et 150 000 jeunes femmes en provenance des Philippines, de Taiwan, de Thaïlande et de Russie sont prostituées au Japon. Les trafiquants pratiquement inconnus à Londres, au Royaume-Uni, vers le milieu des années 1990, contrôlent désormais 80 % des jeunes femmes prostituées sur le trottoir. Interpol estime qu’ils sont en mesure de fournir au « marché », dans les 48 heures, des jeunes femmes des Balkans.

À l’échelle planétaire, la traite des femmes et des enfants ne saurait être spontanée. Des mouvements de population qui concernent des millions de personnes chaque année supposent des organisations bien structurées, aux ramifications internationales, aux complicités innombrables, aux moyens financiers énormes, avec ses lots de recruteurs, de rabatteurs, de convoyeurs, de gardes-chiourme, de « dresseurs », de tauliers et de tueurs.
La traite à des fins de prostitution est une véritable industrie où font fortune les vendeurs et les revendeurs, qui sont acheteurs à tour de rôle. Comme pour n’importe quelle industrie, une multitude de personnes profitent des « flux de marchandises » : du « souteneur » en passant par l’intermédiaire, du recruteur au propriétaire du bordel, du douanier corrompu au policier, du trafiquant à l’État qui engrange taxes et impôts.

Un système bien rodé

Un tel trafic à l’échelle mondiale ne se fait pas au petit bonheur la chance. Il exige pots-de-vin et corruption du plus bas au plus haut niveau de la société. Il exige également des moyens qui vont de l’achat d’enfants sous de fausses représentations à l’enlèvement, de la tromperie aux faux papiers. Les organisations criminelles peuvent tout gérer, du recrutement, au transport et à la mise en marché des personnes prostituées. Elles peuvent fonctionner par sous-traitance ou contrôler directement l’ensemble des opérations. Elles peuvent également prospérer au moyen de collaborations étroites avec d’autres groupes criminels, dans le cadre d’une division internationale ou régionale du travail. Elles embauchent des spécialistes : financiers chargés du blanchiment des revenus, faussaires, avocats, professionnels du lobby. Elles peuvent opérer de façon intégrée verticalement, du recruteur au gérant des établissements de prostitution, en passant par les transporteurs aux personnes chargées du recouvrement des dettes des victimes, des corrupteurs qui sont chargés de distribuer les pots-de-vin aux opérateurs des bureaux de placement et aux escorteurs des victimes de la traite.

Des filières recrutent les femmes et les enfants sur place, fournissent les visas et les faux papiers et organisent leur transport. Les méthodes de recrutement varient. La méthode la plus répandue consiste à faire paraître des petites annonces proposant un emploi dans un autre pays comme coiffeuse, baby-sitter, domestique, serveuse, jeune fille au pair, mannequin ou danseuse. Une autre méthode consiste à recruter au moyen de bureaux de placement, d’agences de voyages ou de mariage et de rencontres, qui sont de simples paravents pour les rabatteurs. Des victimes de la traite ont été également vendues par leur famille, leur petit ami ou par des institutions comme des orphelinats. Une fois recrutée, la personne est placée dans une situation de dépendance tout au long de sa traite. La victime passe alors de main en main jusqu’à son arrivée dans le pays de destination. Une jeune fille de 14 ans, rapatriée de la Bosnie-Herzégovine par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), a été vendue 22 fois à différents réseaux proxénètes et propriétaires de bordels ! À chaque fois, elle a eu à subir viols et autres agressions.

Les trafiquants se succèdent lors du déplacement des victimes de la traite, mais le sort des filles ne varie pas : les viols et les autres formes d’assujettissement sont fréquemment employés même pour la minorité qui connaît le but de sa traite : sa prostitution. Sitôt arrivées dans le pays de destination, les personnes voient leurs papiers confisqués et sont immédiatement prostituées. Les récalcitrantes passent par un camp de « dressage », où elles sont brisées psychologiquement.

Dans le pays de destination, la victime de la traite, qu’elle soit une personne déjà prostituée dans son pays ou non, verra son passeport et ses autres papiers confisqués par ceux qui organisent sa prostitution. Elle devra rembourser la « dette » du voyage. À cela s’ajoutent les frais de logement, de nourriture, d’habillement, de maquillage, de préservatifs, lesquels sont déduits de ses « revenus ». Une fois tous les « frais » payés, il ne lui reste pratiquement rien, même souvent sa dette augmente. Elle sera surveillée, c’est-à-dire « protégée » selon le point de vue des membres du réseau qui exploitent sa prostitution. Elle sera menacée de vente à un autre réseau, où elle devra à nouveau rembourser une « dette ». Si elle réussit à échapper aux proxénètes, elle risque l’expulsion en tant qu’immigrante clandestine, ce qui, selon l’OIM, ne fait que nourrir les réseaux de traite opérant dans les pays d’origine.

Libéralisme triomphant

Le désir pour soi et ses enfants d’une vie meilleure pousse les gens à émigrer ou à faire émigrer leurs enfants. C’est ce qui explique, par exemple, qu’une famille albanaise accepte de vendre son bébé à des trafiquants qui l’emmèneront en Italie ou qu’une famille thaïe du nord du pays fête la naissance d’une fille, car promesse de revenus par sa prostitution future dans le sud du pays. Vu sous cet angle, mettre fin à la traite des êtres humains exige plus que des lois sévères et des mesures de protection des victimes. On doit s’attaquer au socle sur lequel repose 90-92 % de la traite : l’industrie de la prostitution. Mais la victoire du néolibéralisme dans les années 1980 a permis une accélération de la monétarisation des rapports sociaux qui s’est traduite par un essor considérable des industries du sexe et par leur légitimité accrue. Le sexe tarifé a connu, dans les dernières décennies, une expansion considérable ; la soumission aux règles du marché et aux lois libérales contractuelles d’échange entraîne une acceptation de plus en plus étendue de l’acte marchand, qui donne accès, contre une somme variable d’argent, au sexe des femmes et des fillettes. La prostitution étant même désormais, pour un nombre important d’États d’Europe de l’Ouest et du Pacifique Sud, un « travail » légitime et, pour certains, un « droit » et une « liberté ». Dans des États du Sud, la prostitution est considérée comme l’un des moyens de « développement » économique du pays. La prostitution fait même partie de la stratégie de développement. En outre, sous l’obligation de remboursement de la dette, de nombreux États d’Asie, et plus récemment d’Afrique, ont été encouragés par les organisations internationales comme le Fonds monétaire internationale et la Banque mondiale - qui ont offert des prêts importants - à développer leurs industries du tourisme et de « divertissement ». Dans chacun des cas, l’essor de ces secteurs a permis l’envolée de l’industrie du commerce sexuel.

Depuis les deux dernières décennies, la prostitution comme la pornographie sont devenues des industries légitimes et triviales : elles sont rebaptisées « travail du sexe » ou « vente de services sexuels », « sexualité récréative » (pour qui ?) ; les proxénètes sont des « managers », des « entrepreneurs érotiques » ; les recruteurs des « chasseurs de tête » ; les bars de danse nue ou les maisons closes sont des « lieux de divertissement » et des « établissements érotiques » (pour qui ?). Les danseuses nues sont « érotiques » ou « exotiques » et obtiennent de nombreux gouvernements des « visas d’artiste ». Au nom de l’« autonomie » des personnes et du droit de « contrôler son propre corps[5] » (au profit au plaisir masculin) est défendu le « droit » à la prostitution et à la traite des femmes aux fins de prostitution (considérée comme une migration des « travailleuses du sexe »). Cette idéologie libérale s’est imposée peu à peu. Pendant longtemps, elle n’a pas semblé normale, « morale » ou « naturelle ». Il a fallu des changements profonds et un ensemble de conditions propices à sa formulation en tant que « liberté ».

La mondialisation néo-libérale est le facteur dominant aujourd’hui dans l’essor de la prostitution et de la traite des femmes et des enfants aux fins de prostitution. Elle accroît les inégalités sociales et exploite les déséquilibres entre les hommes et les femmes qu’elle renforce singulièrement. Elle s’incarne dans une marchandisation des êtres humains et dans le triomphe de la vénalité sexuelle. Cette industrie est à la confluence des relations marchandes capitalistes et de l’oppression des femmes, deux phénomènes étroitement entremêlés. Malgré cela, la très grande majorité des analyses de la mondialisation capitaliste contemporaine ne prend pas en considération l’impact sur les sociétés et sur les rapports sociaux de sexe de l’industrie du commerce sexuel. Dans la très importante littérature produite sur le sujet, bien des aspects ont été examinés - privatisation, financiarisation, ajustement structurel, déréglementation, enrichissement et appauvrissement, croissance des inégalités, néo-libéralisme, réduction des budgets sociaux, programmes d’austérité, paradis fiscaux, etc. - mais rares sont les études intégrant dans la dynamique de la mondialisation l’essor des industries du sexe. Pourtant, le processus de marchandisation des biens et des services, et plus particulièrement la commercialisation du vivant, y compris des corps et des sexes, ainsi que la monétarisation des relations sociales sont au cœur de l’actuelle accumulation capitaliste. Nombre d’opposants à la mondialisation néo-libérale et à l’extension du règne de la marchandise dans l’éducation et la santé n’en défendent pas moins la légalisation de la prostitution et du proxénétisme, au nom des droits des « travailleuses du sexe » (jamais au non du « droit » des clients prostitueurs), c’est-à-dire la légalisation de l’exploitation sexuelle des femmes et des filles.

Se conjugue à cela la culture qui est de plus en plus hypersexualisée (au profit du « divertissement » masculin), alors une « carrière » dans la prostitution et la pornographie apparaît même comme étant glamour. Le recrutement pour ces industries s’en trouve facilité. C’est l’un des effets notables, mais souvent passés sous silence, de la banalisation des industries du sexe à l’échelle mondiale. Par exemple, dans les pays de l’Est, où la prostitution, la pornographie et la traite à des fins d’exploitation sexuelle ont connu une explosion aux cours des années 1990, des sondages ont révélé que près d’un sixième des élèves ukrainiennes percevait la prostitution de façon positive, croyant que celle-ci n’était que luxe et plaisir à l’Ouest, et que le quart des filles de Moscou, élèves au secondaire, envisageait de se prostituer. Lorsque la prostitution et la pornographie apparaissent comme un métier comme un autre, elles deviennent des voies d’« avenir »… pour les filles.

La prostitution n’est plus considérée par beaucoup, notamment à gauche et chez les féministes libérales, comme une forme d’assujettissement du sexe féminin aux hommes, au système patriarcal, elle est désormais un « droit ». Les années 1990 ont été caractérisées par la légitimation de la marchandisation sexuelle des femmes et des enfants au profit du système prostitutionnel, au nom de la mise en œuvre de certaines modalités de sa régulation (réglementarisme).

La prostitution, qu’elle soit légale ou illégale, comme les autres industries du sexe, n’est pas organisée pour les personnes prostituées, elle les marchandise et les monnaye. Elle est organisée par un système proxénète en faveur des clients prostitueurs. Où sont donc les proxénètes et les clients dans les propos des souteneurs de la prostitution d’autrui ? Au mieux, les clients prostitueurs n’apparaissent que comme parties contractantes de l’échange, que comme consommateurs. Ils ont le « droit » de consommer les personnes prostituées, puisque cela relève du droit contractuel bourgeois : c’est une entente conclue entre deux personnes consentantes (comme si la tierce personne, le proxénète, n’était jamais impliquée). Pourquoi ne pas défendre un autre droit du consommateur, celui de voir renouveler la marchandise périodiquement - la traite aux fins de prostitution ne sert-elle pas précisément à cela ? En effet, cette traite ne leur pose pas problème, puisqu’elle est considérée, elle aussi, comme « volontaire » et est assimilée à une migration de « travailleuses du sexe ».

En même temps, les États qui ont légalisé cette exploitation sexuelle et qui considèrent une bonne partie de la traite à des fins de prostitution comme une migration de « travailleuses du sexe » opèrent une distinction entre « prostitution forcée » et travail « illicite ». Alors, une victime de la traite considérée comme « consentante » à sa prostitution n’aura droit à aucune protection particulière et, souvent, sera cataloguée immigrante illégale. Elle est dès lors une menace à « l’intégrité territoriale » de l’État. Elle n’est donc pas une victime, mais une criminelle - son entrée dans le pays ayant été illégale - dont le « travail », c’est-à-dire sa prostitution, est « illicite[6] ».

Définir la prostitution ou la traite aux fins de prostitution par la contrainte ou l’absence de contrainte implique qu’il n’est plus nécessaire d’analyser la prostitution en tant que telle : son sens, ses mécanismes, ses liens avec le crime organisé, son inscription dans les relations marchandes et patriarcales, son rôle dans l’oppression des femmes, etc. La légitimation de la prostitution passe par cette opération de réduction libérale.

Le capitalisme néo-libéral trouve son expression achevée dans le domaine des industries du sexe. Ce régime d’accumulation étroitement lié aux dérégulations de la mondialisation renforce d’une façon considérable le système d’oppression des femmes et leur asservissement au plaisir d’autrui, au plaisir masculin. En réduisant les femmes à une marchandise susceptible d’être achetée, vendue, louée, appropriée, échangée ou acquise, la prostitution affecte les femmes en tant que groupe. Elle renforce l’équation archaïque entre femme et sexe, réduisant les femmes à une humanité moindre et contribuant à les maintenir dans un statut inférieur partout dans le monde.

Les femmes et les fillettes en paient un lourd tribut.


NOTES
L’Organisation internationale du travail (OIT) évalue que 2,45 millions de personnes sont victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle chaque année. Mais ce chiffre découle d’une étude sur la traite à des fins de prostitution « forcée », assimilée au « travail forcé », c’est-à-dire ne prend pas en compte l’ensemble de la traite à des fins de prostitution.
Aux Pays-Bas, la majorité des mineurs non accompagnés proviennent de la Chine, de la Somalie, de la Sierra Leone et, plus récemment, de l’Angola et du Nigeria.
Melissa Farley, Prostitution and Trafficking in Nevada. Making the Connections, San Francisco, PRE, 2007 ; Mary L. Sullivan, Making Sex Work : A Failed Experiment with Legalized Prostitution, North Melbourne, Spinifex, 2007.
En 2004, les ambassades suisses ont délivré 5 953 visas destinés aux danseuses de cabaret, moyen privilégié des trafiquants proxénètes pour prostituer les femmes. La même année, la Slovénie a délivré 650 visas, dont une grande majorité à des Ukrainiennes, le Luxembourg environ 350, Chypre 1 200 visas et le Canada 500 visas à des Roumaines (et sans doute plus si on tient compte des autres nationalités). En 2004, le gouvernement japonais a délivré 71 084 visas à des femmes en provenance des Philippines. Plusieurs pays des Caraïbes, dont Sainte-Lucie, les Bahamas, la Jamaïque, le Surinam, délivrent des visas à des « danseuses » pour qu’elles puissent œuvrer dans l’industrie du divertissement pour hommes. C’est également le cas des Antilles néerlandaises où la prostitution est réglementée, notamment St. Marteen, Curaçao et Bonaire. Le Canada et le Luxembourg ont mis fin à leurs programmes de visas d’artiste à la fin de 2004.
Pour Élisabeth Badinter, par exemple, la prostitution s’intègre dans un « droit chèrement acquis depuis à peine trente ans [qui] appelle le respect de tous : la libre disposition de son corps ». La distinction entre prostitution « libre » et « forcée » lui permet de dénoncer le discours qui prétend que les personnes prostituées sont « les victimes de la logique économique libérale et de la domination masculine propre au patriarcat ». Les qualifier de « victimes » serait admettre l’existence d’une oppression sociale structurelle, ce qui n’est plus le cas : « Le patriarcat [est] agonisant dans nos sociétés. »
Mme Zwerver, Pays-Bas, SOC, Migrations liées à la traite des femmes et à la prostitution, Rapport Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, Assemblée parlementaire, Conseil de l’Europe, doc. 9795, 23 avril 2003.