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Le nouveau visage de la politique US

jeudi 27 novembre 2008, par SUSTAR Lee

L’élection de Barack Obama à la présidence des États-Unis, mardi 4 novembre, traduit une profonde volonté de changement. Mais, si rien ne l’y pousse, Obama fera, sur le fond, la même politique que ses prédécesseurs.

La victoire sans appel de Barack Obama à l’élection présidentielle, plaçant un Afro-Américain à la plus haute fonction d’un État construit autour de l’esclavage, est un événement marquant de la vie politique des États-Unis. Elle ne trouve pas seulement son origine dans le fait que les classes populaires rejettent George W. Bush ; elle traduit également la volonté, au sein de la base démocrate, d’en finir avec la politique telle qu’elle a été conduite jusqu’à présent. Lors de la campagne des primaires au sein du Parti démocrate, Obama a enthousiasmé les jeunes militants en se référant aux mouvements sociaux historiques – des grèves spontanées des années 1930 au mouvement pour les droits civiques des années 1960 – et en affirmant que sa campagne s’inscrivait dans leur prolongement.

Une fois Obama investi de la candidature démocrate, les médias traditionnels ont répandu l’idée que les travailleurs blancs étaient trop racistes pour soutenir un Afro-Américain. Puis, son adversaire républicain, John McCain, a attisé les peurs, en parlant des prétendues origines musulmanes d’Obama, de son « élitisme » et de ses liens supposés avec d’anciens militants radicaux. Les républicains ont reproduit la tactique qu’ils ont utilisée pour la première fois en 1968 – encourager une vague réactionnaire blanche – afin de garder la main sur la Maison Blanche (comme ce fut le cas majoritairement ces quarante dernières années). Mais les résultats de l’élection du 4 novembre ont montré qu’une majorité d’électeurs – aussi bien des Noirs que des Blancs – a sanctionné la campagne nauséabonde de McCain.

Maintenant, la question est de savoir comment Obama et les démocrates vont utiliser leur pouvoir à Washington, particulièrement en ce qui concerne les sujets les plus importants aux yeux des électeurs américains : l’économie et les occupations américaines de l’Irak et de l’Afghanistan. Car, après tout, Obama est un homme politique traditionnel. Malgré sa capacité à galvaniser les travailleurs et les jeunes afin qu’ils votent pour lui, Obama a financé sa campagne grâce aux dons colossaux des entreprises, ce qui lui a permis de dépenser près de 650 millions de dollars – un record historique. Pour lever ces fonds, Obama, l’ancien activiste, a renoncé au système de financement public établi pour contrebalancer l’influence des détenteurs du capital en politique. Il est loin d’être le « socialiste » décrié par les conseillers de McCain.

Obama va-t-il en finir avec le plan gouvernemental de 700 milliards de dollars de renflouage des banques et mettre sur pied un programme économique donnant la priorité aux intérêts de la classe laborieuse ? Les conseillers économiques d’Obama n’y sont absolument pas favorables. Le même « réalisme » guide l’équipe d’Obama s’occupant de politique étrangère. Attaqué par McCain pour son inexpérience en la matière, Obama s’est entouré d’anciens secrétaires d’État, d’ex-fonctionnaires de la CIA, de généraux et d’académiciens impliqués dans l’impérialisme US. Le style va changer – recherche d’alliés et d’accords internationaux –, mais pas le fond. Obama prévoit de laisser des dizaines de milliers de GI en Irak, afin d’assurer la survie d’un gouvernement pro-américain. Et, comme il l’a souligné à plusieurs reprises au cours de sa campagne, il veut intensifier la sauvagerie guerrière en Afghanistan.

Rien de tout cela ne veut dire que le changement est impossible. Des dizaines de millions de personnes veulent une autre perspective. La question est de savoir si elles peuvent s’organiser afin de se battre pour cela. Étant donné les crises multiples qui secouent les États-Unis, le changement arrive. Mais de quel type et dans quel intérêt ? Tout dépendra du niveau d’organisation des travailleurs.

SUSTAR Lee de Chicago
* Paru dans Rouge n° 2274, 13/11/2008. Traduit par Thomas Mitch.