Accueil > Société > L’Occident et l’islamisme

L’Occident et l’islamisme

samedi 7 février 2009, par Sébastien Bouchard


Tiré de PTAG
mardi 3 février 2009, par Sébastien Bouchard


Le discours médiatique dominant, inspiré des positions du gouvernement étasunien, suggère que les puissances occidentales luttent présentement contre l’islamisme et pour la démocratie. L’épreuve des faits démontre pourtant que les politiques impérialistes actuelles du Canada et de ses alliés vont dans le sens d’un soutien aux dictatures des pays musulmans, elles nuisent à la construction de la démocratie et elles alimentent le fondamentalisme islamique [1].

Le soutien de l’occident aux islamistes

Il est fascinant de constater le silence au sujet du soutien de l’Occident aux dictatures islamistes depuis 50 ans. On parle ici de monarchies pétrolières tels l’Arabie Saoudite, le Koweït, le Bahreïn, le Qatar et les Émirats Arabes Unis. Ces alliés de l’Occident sont les principaux financeurs des organisations islamistes partout dans le monde musulman. Leur impact est particulièrement puissant lorsqu’on sait que les Plans d’Ajustement Structurel du Fonds Monétaire International FMI (contrôlé par Washington) ont détruit les services publics des pays pauvres (au profit des banques du Nord). La santé, l’éducation et l’aide aux pauvres est donc reprise par les organisations islamistes qui sont financées par les alliés de l’Occident.

Il est aussi intéressant de se rappeler que les terroristes du 11 septembre provenaient de l’Arabie Saoudite, le plus ancien allié des États-Unis dans la région. Ce sympathique pays propose à ses habitants de battre les femmes qui ne sont pas voilées ou qui osent sortir de la maison sans être accompagnées par un homme de leur famille.

Ajoutons aussi que l’invasion de l’Irak par les États-Unis a décapité une dictature laïque pour le remplacer par une majorité d’élus intégristes chiites. En Afghanistan, l’invasion occidentale a bien repoussé le gouvernement des Talibans sans détruire ce mouvement qui se construit, entre autres, en ralliant les opposants à l’occupation. Il faut surtout noter que l’armée canadienne protège des seigneurs de la guerre qui sont aussi des religieux conservateurs qui rejettent la majeure partie des droits des femmes tout en se finançant par le trafic d’opium (héroïne).

Et le régime soudanais, qui massacre présentement les populations du Darfour, a été soutenu par la multinationale pétrolière de l’Alberta Talisman qui y avait des investissements dans le pays.

Il ne faut pas oublié non plus que les États-Unis ont directement financé et armé des groupes islamistes contre l’ennemi principal qu’était l’URSS et qu’est aujourd’hui la Russie et la Chine. Notons le soutien de la CIA aux moudjahidines afghans durant les années 1980, dont certains sont les ancêtres des Talibans, le soutien à l’UCK du Kossovo durant les années 1990 et le soutien aux groupes Tchétchènes islamistes actuellement. Ce que les médias semblent avoir oublié, c’est aussi que l’Iran islamiste a été armé par les États-Unis durant les années 1980, ce qui fut dévoilé dans le cadre du célèbre Irangate. En effet, des membres de l’administration Reagan ont vendu des armes à l’Iran de l’ayatollah Khomeiny afin de financer les Contras, un mouvement terroriste de lutte contre le gouvernement de gauche sandiniste du Nicaragua.

Le soutien de l’occident aux dictatures arabes

On maintient aussi le silence sur l’appui de l’Occident aux dictatures de pays tels le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Égypte, la Jordanie et le Pakistan de Muscharaf. Pourtant, la répression de ces régimes autoritaires et corrompus et leur collaboration avec les États-Unis et Israël nourrissent la montée de l’islamisme. La participation actuelle de la dictature égyptienne au blocus contre Gaza, qui menace la vie de 1,5 millions de Palestiniens et Palestiniennes, ne peut que provoquer une montée de l’islamisme dans ce pays de 75 millions d’habitants.

Que dire de l’Occident qui veut imposer la démocratie partout, mais qui ne reconnait pas les résultats lorsque les élus sont critiques de l’Occident. Ainsi, plusieurs pays arabes ont élus une majorité ou une forte minorité islamistes (Palestine, Liban, Irak) et ont aussitôt été dénoncés par les puissances occidentales comme terroristes, sinon réprimés par les dictatures (Algérie, Égypte). En fait, la position occidentale est claire, nous voulons que vous soyez démocratiques mais nous ne vous laisserons pas élire le gouvernement que vous souhaitez, mais celui que nous souhaitons.

Le désintéressement de l’Occident face au mouvement démocratique

Les médias ne s’intéressent pas non plus aux partis politiques démocratiques nationalistes et socialistes du monde arabe qui ont été détruits par la complicité de l’Occident. Encore aujourd’hui, les mouvements sociaux progressistes et laïcs des pays du Maghreb et du Grand Moyen-Orient (groupes populaires, groupes de femmes, groupes pour les droits humains, etc.), sont réprimés par les dictatures (islamistes ou non) alliées de l’Occident. Le problème avec ces groupes, c’est que leur combat pour la justice les amène à dénoncer des régimes pro-occidental et à rejeter les politiques impérialistes des pays du Nord.

Le soutien à l’armée qui terrorise la région

Le conflit entre Israël et les Palestiniens est présenté comme la guerre d’un pays démocratique contre la dictature islamiste du Hamas. Il s’agit pourtant d’une des armée les plus puissante de la planète qui occupe militairement un pays sans armée, qui affame sa population, qui les emmures littéralement, qui vole leurs terres par l’établissement de colonies et ne leur permet aucun avenir, et ce, depuis trois générations. L’agression de l’armée israélienne dans toute la région ne fait pas que des victimes chez les populations civiles arabes, mais aussi chez les civils israéliens qui se retrouvent menacés par la résistance de leurs voisins.

La résistance légitime palestinienne contre la « puissance occupante », comme l’ONU qualifie Israël, était laïque pendant 40 ans sous Yasser Arafat. L’armée israélienne, appuyée par l’Occident, a attaqué ce mouvement laïc et soutenu le Hamas, né en 1987, pour diviser la résistance palestinienne et faire dérailler les négociation de pays [2]. Quinze ans plus tard, le Hamas, groupe islamiste, a été élu démocratiquement. Tous les gouvernements Occidentaux, qui réclamaient des élections libres, ont bloqué l’aide qui permettait aux palestiniens de survivre parce qu’ils n’avaient pas voté pour le bon parti. Cette attitude et le carnage actuel contre Gaza ne font que renforcer le pouvoir du Hamas.

Rappelons aussi le cas du Liban. Les massacres de l’armée israélienne et de ses alliés au sud du Liban au début des années 1980 ont provoqué la naissance du Hezbollah. L’invasion israélienne de 2005, qui était supposée détruire le Hezbollah, a consolidé ce parti islamiste (démocratiquement élu) qui est même supporté aujourd’hui par une partie importante des chrétiens du Liban.

Ne pas cacher la vérité et oser la justice et la paix

Voici les principales vérités que les gouvernements occidentaux et les commentateurs « neutres et objectifs » des médias « oublient » continuellement. Il est beaucoup plus facile de reprendre le discours du Pentagone sur le terroriste islamique qui menace la démocratie occidentale et qui « nous force » à envahir ces pays ou supporter ceux qui le font à notre place. Les morts civils faits là-bas ne seront jamais que des dommages collatéraux ou mieux, des boucliers humains que l’on était obligé d’assassiner pour atteindre les terroristes. Et surtout, il ne faut pas rappeler que plus de 80% des réserves de pétrole de la planète sont dans des pays musulmans alors que selon de Global fortune 500 de Forbes de 2007, 5 des 10 entreprises les plus puissante du monde sont des pétrolières occidentales (ExxonMobil, Royal Dutch Shell, BP, Chevron et Total). La haine de l’islam entretenue par les médias n’a d’équivalent que la volonté de ceux qui dominent la planète de garder le contrôle sur l’or noir.

Une position de gauche cohérente doit à la fois dénoncer les régimes iraniens et les Talibans, tous comme les intégristes évangélistes à Washington, les colons intégristes juifs en Cisjordanie et les intégristes catholiques au Vatican. Le seul moyen de combattre l’intégrisme islamique au grand Moyen-Orient et au Maghreb est d’assurer la justice dans cette région. Tout d’abord, il faut que le Canada et l’Occident cessent de soutenir les dictatures arabes et les régimes islamistes. Il faut aussi soutenir les initiatives de solidarité internationale qui visent à aider les mouvements sociaux démocratiques dans ces pays.

Rappelons que, dans un grand nombre de pays comme au Brésil, au Chili et en Serbie, ce ne sont pas des invasions militaires mais bien des mobilisations populaires qui ont renversé des dictatures. Enfin, il faut forcer le gouvernement Israélien à respecter les résolutions de l’ONU qui la concerne (arrêt de l’occupation, respect des frontières de 1967, Jérusalem comme capitale Palestinienne, destruction du mur israélien en Palestine, droit de retour ou compensation des réfugier palestiniens, etc.).

La justice, c’est la seule façon de vaincre le terrorisme, de protéger la population israélienne et respecter nos soldats envoyés dans des guerres qui ne font que construire ceux que l’on veut combattre.


Sébastien Bouchard, militant altermondialiste et anti-militariste.

Voir entre autres à ce sujet les sites : www.mondialisation.ca

Notes
[1] Le fondamentalisme islamique, islamisme ou intégrisme islamique est un courant politique réactionnaire qui vise la prise de pouvoir pour imposer la Charia, la loi islamique. Il faut ici éviter la confusion avec l’adjectif islamique, qui est un équivalent de musulman et fait donc référence à la religion pratiquée par un milliard et demi de personne, et non au courant politique islamiste.

[2] Voir à ce sujet « Hamas, le produit du Mossad », dans L’Humanité du 14 décembre 2001