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Communiqué de la FFQ

Péquistes, libéraux et adéquistes refusent d’agir pour prévenir

lundi 30 décembre 2002

Montréal, le 6 décembre 2002. - La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a choisi la journée du triste anniversaire du massacre de la Polytechnique pour clore officiellement sa campagne de vigilance " La violence faite aux femmes, ne soyons pas complices ", lancée à pareille date il y a un an. Or, malgré plus de 7 000 lettres adressées aux député-e-s de partout au Québec, aucun engagement formel n’a été pris, ni par le gouvernement, ni par ses deux partis rivaux, pour enfin consentir les ressources nécessaires à une vaste campagne de sensibilisation et d’éducation pour que cesse la banalisation de la violence envers les femmes et pour la prévenir. Un silence inadmissible quand on sait que chaque année, 112 000 Québécoises de plus de 15 ans sont agressées sexuellement, blessées, tuées (Statistique Canada).

" Les statistiques officielles sont éloquentes : aussi révoltante puisse-t-elle être, la violence envers les femmes est un phénomène courant, souvent banalisé ou ignoré au Québec comme au Canada " s’inquiète Vivian Barbot, présidente de la FFQ. Ainsi, Statistique Canada révèle que 51 % des Canadiennes sont victimes d’un geste de violence au moins une fois dans leur vie. Selon le ministère de la Sécurité publique du Québec, 300 femmes subissent des actes de violence sexuelle chaque jour, alors que, chaque année au Québec, entre 58 et 70 femmes sont victimes de meurtre ou de tentative de meurtre dans un contexte de violence conjugale : c’est plus d’une femme par semaine ! Pour sa part, le Conseil du statut de la femme du Québec rapporte que pas moins d’une femme sur huit est actuellement victime de violence conjugale ! Loin de se résorber, le phénomène semble en pleine expansion : le nombre de victimes de violence conjugale signalé au Québec a augmenté de 19 % de 1997 à 2000.

En ce 6 décembre, on se souvient des 14 femmes mortes pour avoir choisi un métier autrefois réservé aux hommes. Mais qui se souvient de toutes les femmes mortes dans le secret et la honte de leur foyer ? Qui calmera les douleurs de cette petite Mic-Mac de huit ans abusée par son oncle ? Qui ramènera chez elle cette femmes d’Europe de l’Est, enlevée dix ans plus tôt pour être vendue à des fins de trafic sexuel ? Qui consolera cette adolescente, humiliée par un garçon insistant au point de lui arracher ses vêtements ? Qui défendra cette fillette née au Canada mais vouée par tradition jugée immuable à subir l’ablation du clitoris ? Qui arrêtera la main levée sur la travailleuse du sexe, dans la pénombre d’un lieu isolé ? Qui pensera à cette femme afghane, dont la vie entière a été amputée par la guerre, la peur et les privations ? Qui empêchera cette adolescente de se suicider, continuellement harcelée parce qu’elle a osé dire à l’école qu’elle croyait être lesbienne ? Le ferez-vous ? " Le moindre geste de violence et de harcèlement doit être dénoncé. Et chacun d’entre nous doit se sentir responsable ! Pour que cesse l’escalade de la violence, il faut l’enrayer à la racine ! Et pour y arriver, il faut absolument sensibiliser la population en général, sans quoi, nous revivrons d’autres 6 décembre… " a prévenu Mme Barbot.

La campagne de vigilance " La violence faite aux femmes, ne soyons pas complices " a été amorcée le 6 décembre 2001 par le Comité d’action contre la violence envers les femmes, issu du volet québécois de la Marche mondiale des femmes de la FFQ. Il s’agissait de former un réseau d’alerte à la grandeur du Québec pour relever les situations de violence médiatisées et les interventions médiatiques banalisant une telle violence. Les participant-e-s envoyaient ensuite une lettre à leur propre député-e pour dénoncer la situation et demander son appui écrit sur une revendication cruciale du mouvement des femmes : une grande campagne d’éducation et de sensibilisation sur 10 ans, réalisée par les groupes de femmes et financée par l’État, pour éliminer la violence envers les femmes. " Nous exigeons du gouvernement du Québec qu’il investisse 25 millions de dollars dans une vaste campagne d’éducation et de sensibilisation afin que cesse définitivement la violence envers les femmes. Cette revendication, la FFQ la porte depuis la Marche mondiale des femmes en l’an 2000. Le gouvernement nous avait alors donné des signes positifs de son engagement, mais il semble qu’il ait oublié de les mettre en œuvre " soupire la présidente de la FFQ. " Nous mettons énormément d’espoir dans cette campagne visant à enrayer la banalisation de la violence sous toutes ses formes ! Pensons seulement aux changements qu’a apportée la campagne gouvernementale sur l’alcool au volant en quelques années. C’est phénoménal ! Et pourquoi pas la violence envers les femmes ? " demande Mme Barbot.

Depuis un an, la FFQ a été informée de l’envoi de quelque 7 000 lettres aux député-e-s de tout le Québec, sans compter toutes celles envoyées sans que la Fédération n’ait reçu de copie conforme ! Nos parlementaires ont ainsi été saisis de quelque 71 situations de violence rapportées dans les médias, puis ont ultimement été invités à écrire à la FFQ pour lui signifier son engagement concernant le financement d’une campagne de sensibilisation sur 10 ans. Deux semaines après la date limite fixée pour la réception des réponses, sur 125 comtés représentés à l’Assemblée nationale, seulement 43 député-e-s ont répondu à ces demandes incessantes, plusieurs reléguant cette tâche à leur représentante à la condition féminine, "comme si la violence n’était pas un enjeu de société mais plutôt un problème ciblé touchant seulement les femmes", s’indigne Vivian Barbot. Ainsi, du côté des péquistes, la FFQ a reçu 34 réponses sur 68 député-e-s sollicité-e-s, alors que chez les libéraux, 7 député-e-s sur 51 ont répondu à la missive, contre 2 sur 5 pour les adéquistes. Apprenant que la FFQ allait livrer les résultats de la campagne le 6 décembre aux médias, un quinzaine d’autres député-e-s ont envoyé une réponse in extremis, la plupart la veille ou l’avant-veille de la conférence de presse d’aujourd’hui.

Par ailleurs, la FFQ recevait, il y a quelques heures, une lettre du premier ministre, Bernard Landry, qui avait pour sa part reçu quelque 4 500 lettres des membres du réseau de la FFQ (en plus des 7 000 adressées aux autres député-e-s). Tout en reconnaissant la gravité du problème, cette lettre faisait état, comme celles que nous ont adressé les député-e-s péquistes, des efforts déployés et de l’intention du premier ministre de continuer dans ce sens, sans toutefois se prononcer sur l’objet de notre demande : l’investissement de 25 millions $ sur dix ans dans la campagne réclamée par la FFQ.

Face au faible taux de réponse et surtout au peu d’engagement des politicien-ne-s pour une action globale et concertée, la présidente de la Fédération des femmes s’impatiente : " les élus nous rabâchent toutes les actions isolées qu’ils ont accomplies en matière de violence envers les femmes, notamment des investissements dans des services d’aide aux femmes violentées - services qui demeurent essentiels compte tenu de leur absence dans le secteur public, j’en conviens - et tentent de nous endormir par des paroles creuses. Mais jamais ils ne se mouillent en adhérant à notre projet de campagne de sensibilisation, un projet qui implique une vision globale, une vision à long terme afin de cibler l’ensemble des manifestations de violence envers les femmes. La prévention demeure pourtant primordiale pour nous sortir de cette violence ! Le peu de cas qu’ils font de notre demande pour une campagne de sensibilisation véritable est tout simplement inadmissible ! "

Outre la manifestation tenue en ce 6 décembre pour dénoncer la violence faite aux femmes et qui a été le " théâtre " de témoignages poignants, la FFQ compte poursuivre ses pressions sur le gouvernement et sur les partis politiques qui amorcent leur cabale électorale. " C’est le temps des promesses, eh bien ce sont des engagements que nous réclamons ", a lancé une Vivian Barbot bien déterminée. La campagne de sensibilisation que nous réclamons, plus de 40 000 personnes l’ont appuyée lors de la Marche mondiale en l’an 2000. La FFQ, les Québécois et les Québécoises attendent toujours. " Ce silence est inacceptable ", a conclu la présidente.

Source : Julie Bégin, responsable des communications
Fédération des femmes du Québec
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