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Droits et démocratie : les députés de l’Opposition demandent la démission du président du conseil

mardi 7 septembre 2010


Tiré du site du Devoir
Alec Castonguay 17 juin 2010 15h05 Canada


Le comité permanent des Affaires étrangères de la Chambre des communes recommande de congédier le président du conseil d’administration de l’organisme Droits et Démocratie, Aurel Braun, et de modifier la composition du conseil d’administration.

Dans un rapport de 58 pages déposé ce matin, les députés du comité retracent les événements qui ont provoqué l’importante crise cet hiver au sein de l’organisme fédéral indépendant qui relève du Parlement. Les élus font 16 recommandations. Le comité a entendu des témoins pendant plusieurs semaines en mars et en avril.

Le Parti conservateur, minoritaire au comité, a exprimé sa dissidence. Les recommandations sont donc celles du Parti libéral du Canada, du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique.

Recommandations

Parmi les recommandations les plus percutantes, on note celles qui touchent le conseil d’administration et le nouveau président de l’organisme, Gérard Latulippe, un proche du gouvernement Harper :

 Que le gouvernement du Canada reconstitue le conseil d’administration, avec un nouveau président

 Que le gouvernement du Canada autorise le nouveau conseil d’administration à réexaminer la nomination de M. Latulippe.

 Que les membres du nouveau conseil d’administration soient nommés en concertation avec les partis de l’opposition, pour assurer l’indépendance et l’impartialité du conseil

Plusieurs autres recommandations concernent une meilleure reddition de compte, une plus grande transparence et la fin des contrats de plus de 10 000 $ accordés par le conseil d’administration sans appel d’offres. Ces contrats s’étaient multiplié pendant la crise.

Réactions de Cannon et Braun

Au cabinet du ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon (qui nomme les membres du C.A et le président), on rejette les principales recommandations qui touchent la composition du conseil. « Le gouvernement réitère sa confiance envers le président actuel ainsi qu’envers le conseil d’administration », a dit au Devoir Catherine Loubier, directrice des communications du ministre.

En ce qui a trait aux autres recommandations, il est trop tôt pour que le ministre se prononce. « Nous venons de recevoir le rapport et nous souhaitons en faire la lecture avant de le commenter », a-t-elle dit.

Joint par Le Devoir, le président du conseil, Aurel Braun, au centre de la controverse, n’a pas l’intention de démissionner. Il met en exergue la dissidence des conservateurs, qui félicitent le conseil d’administration pour son bon travail. Il juge le travail des autres formations politiques du comité « partisan ».

« Soyez assuré que le conseil va continuer son travail afin de promouvoir les droits humains et le développement démocratique, tout s’assurant que l’organisme est responsable, imputable et agit dans les limites de la bonne conscience que souhaitent les Canadiens », a dit Aurel Braun par courriel.

Bataille idéologique

Cette dernière phrase sur la « bonne conscience des Canadiens » n’est pas anodine, puisque l’un des déclencheurs de la crise au sein de l’organisme est le conflit au Proche-Orient et les subventions accordées par Droits et Démocratie à trois organismes que M. Braun et plusieurs membres du conseil jugeaient inappropriées en raison de leur ton critique envers Israël.

En janvier, deux membres du conseil d’administration ont démissionné pour protester contre le virage pro-Israël imposé à l’organisme par le conseil d’administration. Une position qui colle à celle du gouvernement. Depuis que Stephen Harper a pris le pouvoir en 2006, il a tranquillement changé la position historique du Canada sur le conflit au Proche-Orient.

Le gouvernement fédéral n’a pas d’autorité directe sur l’organisme Droits et Démocratie, créé par une loi du Parlement en 1988. C’est le conseil d’administration qui décide des orientations de l’organisme. Par contre, le gouvernement nomme 10 des 13 membres du CA. Tous ont été nommés par les conservateurs dans les dernières années.

C’est le décès du président de Droits et Démocratie, Rémy Beauregard, à la suite d’une réunion houleuse de conseil d’administration, qui a révélé la crise, début janvier.

À fin janvier, 46 des 47 employés de Droits et Démocratie ont demandé la démission du président du conseil d’administration, Aurel Braun, et des deux vice-présidents du conseil : Jacques Gauthier et Elliot Tepper. Les employés soutiennent qu’ils ont fait du profilage ethnique, exigeant de savoir qui était arabe et pourquoi il n’y avait pas d’employés juifs dans l’organisme.

Les tensions ont pris de l’ampleur l’automne dernier au C.A, lorsque le gouvernement a nommé deux nouveaux membres au conseil d’administration : David Matas, avocat pour l’organisme activiste juif B’nai Brith Canada, et Michael Van Pelt, président de Cardus, un think tank qui se décrit lui-même comme oeuvrant selon la tradition chrétienne sociale.

La composition du conseil d’administration a alors basculé en faveur du gouvernement Harper. Le fer de lance du gouvernement est le président du conseil d’administration, Aurel Braun, qui enseigne à l’Université de Toronto. Outre le conflit au Proche-Orient, la majorité au conseil d’administration a exigé la fermeture du bureau de Genève de l’organisme, parce qu’il oeuvrait avec le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, qui n’a pas la faveur du gouvernement Harper.

Les membres du conseil ont toujours soutenu qu’il s’agissait d’une crise fabriquée de toutes pièces par des employés de l’organisme qui refusaient de rendre des compte au C.A. sur certaines orientations et dépenses.