Accueil > Politique québécoise > Pour dépasser le morcellement des forces indépendantistes, construire un (…)

Pour dépasser le morcellement des forces indépendantistes, construire un nouveau mouvement citoyen pour un Québec indépendant

vendredi 19 août 2011, par Bernard Rioux

Le Nouveau Mouvement pour le Québec (NMQ) qui se dit voué à la réalisation de l’indépendance nationale tiendra une assemblée publique le 21 août prochain au cégep St-Laurent à Montréal. On y attend la participation des démissionnaires du PQ : Pierre Curzi, Jean-Marie Aussant et Lizette Lapointe. La tenue de cette assemblée s’inscrit en effet dans la volonté de réorganisation des indépendantistes qui ont vu dans l’adoption de la perspective de la gouvernance souverainiste au dernier congrès du PQ un renoncement à la lutte indépendantiste par le Parti Québécois. Le premier manifeste du NMQ, "Brisons l’impasse" propose une perspective essentielle. (Voir pour ce texte au bas de l’article).

La mouvance indépendantiste est traversée par de multiples débats stratégiques

La crise du PQ est-elle d’abord une crise de direction ? Est-ce que la démission de Pauline Marois fait partie de la solution ? Doit-on mener une lutte pour rénover le PQ et le replacer sur le chemin de la lutte pour la souveraineté ? Faut-il, au contraire, conclure que le PQ s’est enfermé dans une logique de la gouvernance provincialiste et qu’il est devenu un obstacle dans cette lutte et s’atteler à construire un nouveau parti indépendantiste ? Quelle stratégie d’accession à l’indépendance devrait mettre de l’avant un tel parti ? Sans rejeter nécessairement cette dernière option, doit-on privilégier dans un premier temps la mise en place d’un mouvement citoyen de lutte pour l’indépendance du Québec ? Et quels principes doit se donner un tel mouvement et quelles tâches doit-il se fixer.

C’est le Parti québécois qui a rompu avec le mouvement indépendantiste

Le Parti québécois a toujours placé un bémol à la perspective d’indépendance du Québec. Il a préféré semer la confusion en parlant de souveraineté-association, de nouvelle entente, de souveraineté partenariat ou même d’union confédérale sans parler de son soutien à l’affirmation nationale. Cela reflétait la peur des différentes directions du Parti québécois devant la nécessaire rupture avec l’État canadien. Avec la prise de distance avec le bloc social issu des classes ouvrières et populaires, qui l’avait d’abord porté au pouvoir lors de son virage vers le libre-échange et le néolibéralisme, l’aile gestionnaire du parti, la droite nationaliste et cossue, a refusé de plus en plus ouvertement d’engager le combat pour la souveraineté. Depuis le référendum de 1995, les chantres du néolibéralisme et de l’union confédérale ont voulu consacrer toutes leurs énergies à la gouvernance provinciale et ont secondarisé l’objectif de l’indépendance. Pauline Marois devait franchir le Rubicon en rejetant l’éventuelle tenue d’un référendum sur la souveraineté aux calandres grecques. Après le triste épisode du beau risque et de l’affirmation nationale, l’indépendance devenait, pour une seconde fois, une perspective lointaine et incertaine dans l’esprit de la direction de ce parti et de ses zélotes. À ce XVIe congrès national du PQ, aucun espace ne fut laissé au projet de pays comme projet social mobilisateur et la perspective d’une lutte concrète pour l’indépendance pouvant impliquer l’ensemble du peuple québécois ne recevait pas l’ombre d’une esquisse permettant d’entrevoir sa concrétisation.

La recherche d’un nouveau chef qui sauverait la mise ou la perspective de faire une nouvelle fois cohabiter autonomistes et indépendantistes dans un rapport de force plus favorable à ces derniers, faisant ainsi opérer au PQ un virage assez solide ne serait que la promesse d’une immense déperdition d’énergies qui risque de ramener sur des sentiers trop souvent empruntés qui ont mené à des déceptions à répétition.

Faut-il construire un nouveau parti indépendantiste... pour défendre quel programme et quelles stratégies d’accession à l’indépendance ?

Un tel parti défendrait quel programme et mettrait de l’avant quelles stratégies d’accession à l’indépendance ? Ici les réponses sont multiples. S’agit-il de revenir à l’origine du PQ tout en étant clairement indépendantiste... et en avançant une stratégie où l’élection d’une majorité de députés permettrait soit proclamer l’indépendance. Faudrait-il que cette majorité des députés obtienne une majorité des voies exprimées pour ce parti (ou pour d’autres partis indépendantistes ) ? Cette majorité permettrait à l’Assemblée nationale d’adopter une loi créant les institutions d’un État souverain, d’ouvrir des négociations avec Ottawa devant mener l’État fédéral à la cession de tous les pouvoirs et d’amorcer une démarche de reconnaissance du pays à l’échelle internationale. Cette stratégie a ces forces : les élections deviennent des enjeux essentiels, elles en finissent avec tout provincialisme et ouvre sur une possible alliance de partis indépendantistes.

Mais, est-il possible de poser la question de l’indépendance, sans poser la question du programme social : redistribution des richesses, égalité sociale ; programme environnemental, modèles d’intégration, nature des institutions démocratiques à construire... ? Peut-on mettre ces dimensions sociales en retrait... en croyant régler la question nationale ... indépendamment des enjeux qui mobilisent des secteurs importants de la population ?

D’autres adeptes de la création d’un nouveau parti indépendantiste pourraient souhaiter faire de la promotion de l’indépendance un axe essentiel du parti avant, pendant et après les élections... et revenir à une optique d’un référendum se faisant impérativement à l’intérieur d’un premier mandat.

Vouloir rejouer le même scénario, c’est faire l’impasse sur les conditions essentielles qui doivent être réunies pour construire une majorité indépendantiste stable dépassant la division actuelle de la société québécoise sur son avenir politique. Et ces conditions essentielles sont : la relégitimation de la politique, la remobilisation des mouvements sociaux, la définition d’un projet de pays prometteur de transformations sociales améliorant le sort du plus grand nombre, l’implication citoyenne dans cette démarche au-delà du monopole des partis politiques sur notre avenir, l’élaboration de propositions de fonctionnement des institutions politiques permettant une véritable démocratie participative... La majorité indépendantiste au Québec doit se construire par le ralliement démocratique autour d’un projet de pays où l’ensemble du peuple sera appelé à apporter sa contribution.

Il faut donc repenser la politique en cherchant à redonner au peuple l’initiative dans la lutte pour l’indépendance du Québec

Comme l’écrit le manifeste du MNQ, Brisons l’impasse : "ce qu’il faut faire réapparaître, c’est un mouvement indépendantiste en tant que mouvement social."

Les élites fédéralistes et nationalistes cherchent à s’accaparer l’ensemble des initiatives politiques. C’est pourquoi elles s’opposent à toute transformation significative de notre fonctionnement démocratique. Un exemple. Charest aime à jouer avec la date des élections. Et il le fait essentiellement pour les bienfaits de son parti. Le PLQ comme le PQ refuse de remettre en question le scrutin uninominal même s’ils savent parfaitement que dans un tel type de scrutin nombre de votes ne comptent pas pour dessiner la physionomie de l’Assemblée nationale et du gouvernement. Ces partis savent très bien qu’un tel mode de scrutin enferme l’électorat dans un bipartisme de fait et ne stimule pas l’expression démocratique des opinions politiques. Il faut changer le rapport du peuple à la politique, pour dépasser la désaffection vis-à-vis de la politique, il faut rendre la démocratie plus vivante et refuser la concentration du pouvoir dans les mains de quelques-uns.

La lutte pour l’indépendance du Québec peut-être l’occasion de changer ce rapport à la politique et à la démocratie. La perspective de l’élection d’une constituante s’appuyant sur un vaste exercice de démocratie participative sur le Québec que l’on veut sera un appel à enlever des mains de l’oligarchie régnante la définition des perspectives du peuple du Québec sur son propre avenir. C’est exactement le contraire de la stratégie de la gouvernance souverainiste qui limite l’initiative aux tenants du pouvoir gouvernemental. La perspective qu’un gouvernement indépendantiste adopte une loi initiant l’élection au suffrage universel d’une constituante durant son premier mandat permettrait au peuple de reprendre la parole sur son avenir.

La défense d’une telle perspective de démocratie radicale et des autres revendications nécessaires pour changer le fonctionnement de nos institutions politiques peut constituer le fondement d’un large mouvement citoyen et indépendantiste et un appel aux membres des différents partis de transcender leur étroitesse de vue et de jeter les bases d’une nouvelle démocratie nécessaire pour construire la détermination de fonder un nouveau pays.

Québec solidaire est un parti qui porte un tel projet...

Par son soutien au scrutin proportionnel, par sa défense de la perspective de constituante, par sa volonté de transformer les institutions politiques dans un sens de l’élargissement de la possibilité d’initiative démocratique, Québec solidaire inscrit son action dans le renouvellement tant de la politique que de la stratégie de lutte pour l’indépendance. On ne peut douter qu’il sache appuyer un mouvement indépendantiste et citoyen qui se situe sur ce même terrain que lui.

Identifier les conditions du dégagement d’une majorité indépendantiste dans la société québécoise permet de lier étroitement lutte indépendantiste, la lutte pour l’extension des droits et pratiques démocratiques et la défense des intérêts de la majorité populaire. C’est pourquoi si le ralliement à tel parti est une position conséquente pour les indépendantistes, la lutte pour un tel mouvement citoyen et indépendantiste est essentielle au dépassement du morcellement actuel du mouvement national québécois.

L’élite québécoise qui s’enferme dans la gouvernance provincialiste n’a plus le goût, ni la volonté d’aller plus loin. Elle est démobilisée et elle démobilise. Elle s’est éloignée du peuple et elle ne représente plus qu’elle-même. C’est en cherchant à redonner la parole à l’ensemble des citoyens et des citoyennes, et en leur confiant dans le cadre d’une assemblée constituante, le pouvoir de définir la société dans laquelle ils et elles veulent vivre, que nous saurons construire une volonté populaire majoritaire irrésistible pour l’indépendance du Québec.