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Voilà pourquoi nous nous opposons à la guerre contre l’Irak :

Réponse au député européen Olivier Dupuis

dimanche 23 février 2003, par Taïeb Moalla

Dans un message daté du 30 janvier 2003 et adressé par le député européen, Monsieur Olivier Dupuis, aux " ami(e)s de la Tunisie) ", le député du parti radical (www.radicalparty.org <http://www.radicalparty.org/> ) préconise " l’exil pour Saddam et la création d’une administration provisoire des Nations Unies chargée de garantir les droits fondamentaux de tous les Iraquiens et de mettre en place les institutions permettant l’avénement (sic) d’un gouvernement démocratique en Iraq. ". Suite à certaines critiques envoyées par des tunisiens, Monsieur Dupuis a détaillé, dans un autre message daté du 6 février, ses propositions et essayé de répondre aux arguments des uns et des autres. Dans cet article, nous allons essayer de répliquer aux " contre-arguments " avancés par Mr. Dupuis.

Il convient tout d’abord de souligner que rien n’obligeait le député européen à écrire aux tunisiens pour expliquer le point de vue de son Parti, sur la guerre de plus en plus probable, contre l’Irak. S’il l’a fait, c’est tout à son honneur et il convient de ce fait de l’en remercier. Mais, les remerciements s’arrêteront là puisque nous allons essayer de démontrer l’absurdité mais aussi l’illégalité et l’illégitimité du raisonnement de monsieur Dupuis.
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" L’exil pour tous les dictateurs ou l’exil pour aucun d’entre eux ! "

Pour répondre à l’argument qui préconisait " L’exil pour tous les dictateurs ou l’exil pour aucun d’entre eux ! ", M. Dupuis avance que : " cet argument fait totalement abstraction du contexte international présent. Nous sommes confrontés à une possibilité de guerre en Irak, pas dans les mers australes ".

Ce que le député oublie dans ce raisonnement, c’est de nous expliquer le contexte international qui fait que nous sommes confrontés à une possibilité de guerre contre l’Irak. Sachant que les vrais desseins de l’administration états-unienne n’ont rien à voir avec l’aspect dictatorial du pouvoir irakien, il convient de douter des raisons de la guerre. Avant d’avancer une boutade sur les " mers australes ", M. Dupuis devait tout d’abord répondre à deux questions essentielles : Pourquoi l’Irak ? Et pourquoi aujourd’hui ?

Quand nous savons que, le 15 septembre 2001, le va-t-en-guerre, Paul Wolfowitz préconisait une attaque contre l’Irak (plutôt que contre l’Afghanistan) et déclarait qu’ " il y a entre 10 et 50% de chances (admirez le choix du terme !) que Saddam soit derrière Al-Qaida ",(2) les motivation réelles de la guerre deviennent encore plus obscures et nous permettent légitimement de douter des intentions états-uniennes.

Outre le contrôle du pétrole (les liens étroits entre l’administration états-unienne et les pétrolières n’est plus à démontrer), les USA cherchent le contrôle géostratégique de la région et d’imposer un nouvel ordre favorable à son allié de toujours : Israël

Pas d’impunité pour Saddam Hussein !

A l’argument qui rejetait l’option de l’exil pour Saddam Hussein, M. Dupuis répond que : " c’est effectivement renoncer à ce qu’il soit jugé pour les crimes qu’il a commis contre son peuple, contre le
peuple kurde, contre les population chiites du sud de l’Irak, contre le peuple iranien et contre le peuple kowétien
(sic) notamment. Mais l’exil c’est une condamnation ".

Encore une fois, ceci est totalement absurde :

Il faut rappeler, et vous le savez très bien qu’au moment du massacre d’Halabja en 1988, les alliés occidentaux (notamment les USA et’la France) de l’Irak n’ont pipé mot. A l’époque, seule une poignée d’irréductibles démocrates s’était élevée pour dénoncer ces atrocités. De ce fait, " le monde civilisé " est également responsable de ces atrocités. Les USA, responsables à travers leur histoire de dizaines de coups d’Etat, de meurtres et d’attentats contre la Démocratie et la volonté populaire (le dernier exemple étant le soutien aux putschistes au Venezuela en 2002) sont probablement les derniers à pouvoir donner des leçons de morale aux régimes dictatoriaux. Dans la plupart des pays arabes, nous nous battons au jour le jour contre des dictatures. Mais, nous disons clairement que nous ne voulons pas d’une démocratie imposée par des " chars américains ".

2- Comme nous convenons tous que Saddam est un dictateur sanguinaire, comment pouvons-nous accepter, moralement, son impunité ? Comment se résigner à ce qu’un être aussi détestable jouisse d’un exil doré ? Est-ce réellement la " moins pire " façon de rendre justice aux victimes irakiennes ? Permettez-moi d’en douter.

3- Quel est l’argument juridique qui permet aux USA de décider d’exiler Saddam ’ Dans toutes les opinions que nous avançons, (a fortiori si vous êtes député européen !), la notion de Droit devrait être systématiquement présente. Or, force est de constater qu’il n’y a aucune base légale à ce que vous proposez. Et si vous êtes tentés de répondre que notre réaction répondrait à un " devoir d’assistance à peuple en danger ", je me permettrai de vous rappeler deux choses : - Les USA sont mal placés pour appliquer ce principe (voir plus haut l’explication), - Je pourrais par ailleurs vous nommer une dizaine de pays où " la venue au secours du peuple " est aussi urgente sinon plus qu’en Irak.

Sachez M. le député que nous ne voulons pas d’une démocratie que les puissances occidentales nous offriraient. Nous sommes jaloux de notre indépendance. Nos dictatures qui vivent en dehors du temps et de l’espace finiront par chuter. C’est le sens inéluctable de l’Histoire. Mais, leur chute interviendra suite à des luttes sociales au quotidien, avec le soutien de nos amis de la société civile internationale. Elle sera malvenue si elle devait être le fruit de W. Bush ou de tout autre dirigeant, aussi militairement puissant soit-il.

Garantir la sécurité et la stabilité pour la région

Contrairement au début des années 1990, l’Irak ne menace personne et n’a pas de visées territoriales sur les pays qui l’entourent. Aujourd’hui, tout indique que l’Irak ne présente aucun danger pour ses voisins. Contrairement aux allégations américano-britanniques, les inspecteurs Onusiens chargés de désarmer l’Irak, n’ont pas trouvé, jusqu’à preuve du contraire, d’armes de destruction massive. Les " preuves " Britanniques, plagiées sur une thèse de doctorat, ne devraient pas les aider à en trouver !

Aujourd’hui, la stabilité de la région est fortement compromise, non pas à cause de l’Irak mais bien à cause de l’occupation israélienne de la Palestine. J’y reviendrai plus tard quand il s’agira de commenter les positions désastreuses de votre parti concernant la question palestinienne.

Les Nations Unies ne peuvent se substituer à un peuple dans la quête de ses droits !

Oui, les Nations Unies, quand elles jouent leur rôle (ce qui n’est pas toujours vrai) peuvent accompagner un peuple et le soutenir dans des phases transitoires. Mais, elles n’ont pas à se substituer à lui. Il n’est pas dans le mandat de l’ONU de faire la révolution à la place des peuples opprimés ! C’est une responsabilité qui incombe avant tout aux citoyens de ces pays.

L’argument du pétrole !

Vous nous expliquez qu’il est normal que tous les États défendent leurs intérêts pétroliers et que " L’accès au pétrole et aux matières premières tout comme d’ailleurs l’"accès" aux touristes pour les pays dont l’économie est fondée sur ce secteur, l’accès aux voies de communications, ..., constituent autant d’intérêts parfaitement légitimes qui doivent trouver un point d’équilibre avec les intérêts tout aussi légitimes des pays producteurs ".

Tordu ! Est-ce à dire qu’au nom de leurs intérêts, les Etats ont le droit de s’approprier le pétrole que la nature ne leur a pas offert ’ Qu’ils peuvent mener des guerres au nom de " leurs intérêts parfaitement légitimes " chaque fois qu’il leur semble que le " point d’équilibre " leur est moins favorable ? J’espère de tout coeur avoir mal interprété vos propos.

Un régime qui a servi pendant de longues années les USA

Je pense avoir répondu à cet argument plus haut en précisant que les démocrates n’ont pas à épargner l’Europe (et notamment la France) pour son long soutien à "Notre allié Saddam ". (Titre d’un livre, édité à Paris en 1992 à Paris : O. Orban. Auteurs : Claude Angeli et Stéphanie Mesnier).
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Le monstre américain !

Sans le dire explicitement, vous laissez entendre que les manifestations pacifistes de ces derniers mois étaient animées par un " anti-américanisme " primaire. Il est facile de démontrer le contraire :

1- Nombreuses manifestations ont eu lieu aux USA où le mouvement anti-guerre prend de plus en plus d’ampleur. Les manifestants états-uniens ne cessaient de répéter qu’ils étaient animés d’un sentiment " patriotique " et qu’ils se mobilisaient pour que leur pays ne perde pas son âme.

2- Concernant les USA et l’Irak, les manifestants du monde entier ont clairement fait la distinction entre le pouvoir et le peuple. S’ils critiquent les pouvoirs des deux pays (certes pour des raisons différentes), ils ont su détecter chez les peuples un désir de paix partagé au delà des clivages politiques et culturels.

3- Le Brésil et le Chili, pour ne nommer que ces deux pays, sont sortis du joug de la dictature grâce à leurs forts mouvements sociaux et non suite à une quelconque aide américaine . Bien au contraire ! (rappelez-vous Allende et le 11 septembre ?1973).

Message aux démocrates

J’ai trouvé la quasi - absence de réaction aux propos de M. Dupuis bien décevante. Que M. Dupuis soit un allié aux démocrates arabes de façon générale et aux tunisiens particulièrement, soit ! Mais, la solidarité internationale pour l’établissement de la Démocratie et des droits de l’Homme ne devrait pas nous rendre muets.

Par souci de crédibilité, nous devons nous démarquer de nos partenaires (internationaux) chaque fois que nos positions de principe divergent. Quand le Parti Radical propose l’intégration d’Israël à l’Unions Européenne, comme solution au conflit, du Proche-Orient, il est de notre devoir de dénoncer ce soutien, de fait, à l’occupation armée. Quand Reporters Sans Frontières (RSF) laisse planer des soupçons sur sa position quant au " boycott du tourisme tunisien ", il nous faut rapidement nous démarquer de cette " idée " catastrophique dont les classes populaires seraient la première victime. Quand Amnistie Internationale et Human Rights Watch critiquent les attaques contre les civils israéliens (critiques tout à fait justifiées par ailleurs) en " oubliant " d’évoquer la situation d’occupation militaire, nous, démocrates, devons dissiper les doutes et nous désolidariser des positions de nos " amis ".

Taïeb Moalla

1) Cette Coalition, créée en mars 2002, comprend une trentaine d’associations canadiennes et québécoises. Elle est à l’origine d’une importante mobilisation "pour une paix juste et pour l’arrêt des massacres en Palestine", dans la ville de Québec. Son site Internet est le suivant : www.quebecpalestine.org <http://www.quebecpalestine.org/>

2) Cité dans le dernier livre de Bob Woodward " Bush en guerre " et repris par Le Canard enchaîné (29 janvier 2003)

22-02-2003
L’auteur est journaliste (ex. correspondant en Tunisie du journal Le Soir belge), étudiant en maîtrise en Communication Publique à l’Université Laval, membre de l’Association pour les Droits de la Personne au Maghreb (ADPM) et responsable des relations avec les médias au sein de la Coalition Québec/Palestine. (1)