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À propos des élections québécoises

Entrevue avec Molly Alexander, porte-parole de l’Union des forces progressistes

dimanche 9 mars 2003

David Mendel pour le Forum intersyndical  : Pourquoi considérez-vous que le temps soit venu pour que la gauche sociale se dote de son propre parti politique ?

Molly Il est évident qu’il ne reste pas grand-chose des idéaux sociaux-démocrates qui ont animé le PQ au départ. L’UFP est composée de tendances de gauches différentes, mais son but général est de modifier le rapport de force au Québec en faveur des intérêts populaires. Il faut que la gauche sociale fasse sobrement le bilan de ses mobilisations des dernières années, tel que : la Marche mondiale des femmes, Québec 2001 et le mouvement pour la réforme des normes de travail. Peut-on vraiment trouver satisfaisant le bilan de ces efforts populaires ? Allons-nous arriver à la conclusion, que dans les faits, les gens au pouvoir se moquent de la gauche sociale ?

Le lobbying, les pétitions, les mobilisations de rue ont leur place, mais la gauche sociale ne peut plus se passer d’une participation dans l’arène politique sous forme d’un parti. Ce constat explique le succès de la formation de l’UFP. La gauche politique et une partie de la gauche sociale ne veulent plus êtres marginalisés, ils veulent pouvoir résister à l’offensive anti-populaire soutenue par les trois grands partis incluant le PQ, qui, malgré son récent virage électoral à gauche, restera inféodé aux intérêts du patronat. L’UFP est le seul parti à offrir un projet de société différent, populaire et démocratique.

D.M. Mais face à la montée de l’ADQ, les candidats et les candidates de l’UFP pourraient enlever des votes au PQ. Son néo-libéralisme est quand même moins féroce.

M.A. Pour contrer la droite, il faut qu’il existe une option de gauche. Beaucoup de monde serait déçu de ne pas pouvoir voter pour une telle option. En plus, une partie des gens qui soutiennent à l’ADQ n’appartient pas aux « classes moyennes » qui trouvent leur compte dans son programme. Ce sont des éléments populaires frustrés par le PQ et par le PLQ qui ne voient pas d’autre « alternative » que l’ADQ. On veut leur offrir une vraie alternative.

Il faut que le PQ assume sa responsabilité dans la montée de l’ADQ sans rejeter la faute sur la gauche. Et n’oubliez pas qu’il y a 40 ans, on disait la même chose du PQ, qu’il « enlevait des votes » aux libéraux pour faire passer l’Union nationale de Johnson père.

Oui, il y a un risque. Mais il y aurait une façon simple pour y parer : instaurer le vote proportionnel promis par le PQ depuis des décennies. Il faut avancer, donner de l’espoir au peuple. Ce serait encore plus dangereux de ne pas le faire, car c’est le désespoir qui pousse certaines couches populaires vers l’ADQ.

D.M. Quelle est votre attitude envers la démarche du collectif «  D’abord solidaire  » ?

M.A. C’est vrai qu’au Québec il y a un grand manque de débat politique. De ce point de vue, je comprends leur démarche. Ceci dit, je ne peux pas cacher ma déception à l’effet qu’une partie significative de la gauche sociale n’est pas prête à appuyer l’UFP par peur de nuire au PQ. Cette partie de la gauche dit qu’elle attend le scrutin proportionnel qu’aucun parti de la droite ne semble prêt à introduire.

On nous dit aussi que l’UFP n’est pas crédible. Mais pourquoi alors ne pas contribuer à ce qu’elle le devienne ? Des gens « ordinaires », qui seraient peut-être tentés de voter UFP, vont se poser la question à savoir pourquoi des personnalités connues de la gauche sociale ne sont pas prêtes à appuyer l’UFP, et cela les fera hésiter. C’est dommage parce que je suis convaincue que l’analyse des plates-formes électorales que fera « D’abord solidaires » l’amènera à la conclusion que l’UFP répond le mieux aux attentes et aux intérêts populaires.

Ceci dit, je respecte le choix du collectif. Il ne me reste qu’à souhaiter que leur travail d’analyse et de formation les amène un jour à s’investir dans la construction d’une véritable alternative politique et populaire, comme l’est l’UFP.

D.M. Quand même, que répondez-vous à l’argument que l’UFP n’est pas à ce moment une alternative crédible ?

M.A. Moi je pense que l’UFP est déjà crédible. Nous dépassons mille membres, et ce sont des gens profondément engagés, bien ancrés dans leurs mouvements sociaux respectifs. C’est vrai qu’on n’a pas l’appui public de plusieurs personnages visibles de la gauche sociale ni de leurs organisations. Mais que répondre quand on nous explique que les mouvements sociaux n’ont pas le droit de faire la politique partisane ? J’invite la gauche sociale de faire le bilan de ses efforts des derniers 15 ans sans avoir son propre parti pour l’épauler et relayer ses revendications directement sur la scène politique.

Le reproche d’un manque de crédibilité est parfois lié aux tristes souvenirs du passé, des rapports entre une certaine gauche politique et la gauche sociale. De mon expérience, ces craintes sont le plus souvent exprimées par des gens qui ne sont jamais venus dans l’UFP pour voir comment elle fonctionne. Je les invite à venir dans un congrès ou dans toute autre instance de l’UFP, à regarder la composition des assemblés, constater combien il y a de jeunes, de gens qui n’ont jamais milité dans un parti. Quant aux membres qui ont des années d’expérience, ils ont depuis longtemps compris la nécessité de changer.

On n’a qu’à regarder nos statuts, et notamment le droit à des tendances organisées ce qui favorise la discussion démocratique et les droits des minorités. Beaucoup plus qu’un parti électoral, l’UFP se veut un mouvement politique large, un vrai lieu de débat. Nos statuts invitent la participation des groupes sociaux en tant que groupes affinitaires, c’est-à-dire : ayant des affinités avec l’UFP. Bref, on cherche vraiment à faire de la politique autrement. Il y a une ouverture d’esprit et un fonctionnement profondément démocratique, dont on est particulièrement fier.

(tiré du Bulletin du Forum Intersyndical, vol 2 no. , printemps 2003)