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Italie

Grève contre guerre

vendredi 21 mars 2003

Le 15 mars, des centaines de milliers d’Italiens manifestaient à nouveau pour dire non à la guerre. Flavia d’Angeli, membre de la direction du Parti de la refondation communiste et de son courant Bandiera rossa - au sein duquel militent nos camarades de la IVe Internationale - répond ici à nos questions sur le mouvement antiguerre en Italie.

Quelle est la position de Berlusconi par rapport à la guerre contre l’Irak ?

Flavia d’Angeli - Berlusconi et le gouvernement italien sont pour la guerre, mais il leur est difficile de défendre cette position face à un mouvement social antiguerre très fort qui représente la grande majorité de l’opinion publique italienne.

Aujourd’hui, l’attitude du gouvernement semble contradictoire. Il continue à déclarer que la guerre est la solution inévitable pour détruire la dictature de Saddam Hussein, mais qu’il faut la faire avec l’ONU. Il tient cet équilibre parce que l’Italie n’est pas au Conseil de sécurité de l’ONU. Mais, s’il affirme qu’il faut encore rechercher la paix, le gouvernement italien a déjà mis à la disposition de l’armée des Etats-Unis toutes les structures qu’elle demandait. Il a permis l’utilisation des bases de l’Otan installées sur le territoire italien et a accordé une aide pour le transport des armes et du matériel vers le Golfe. Des soldats italiens ont même été envoyés en Afghanistan pour relever les troupes américaines qui partent en Irak.

- Comment se construit le mouvement antiguerre ?

F. d’Angeli - Le mouvement antiguerre est énorme. Il est animé par le comité Arrêter la guerre (Fermiamo la guerra), qui est issu du Forum social européen. Il est beaucoup plus large politiquement et socialement que le mouvement altermondialiste. Le comité comprend la confédération syndicale CGIL, la CISL (le syndicat d’origine catholique), un archipel très large d’organisations non gouvernementales et d’organisations catholiques, ainsi que tous les secteurs radicaux du mouvement altermondialiste : les centres sociaux, Refondation communiste, les jeunes, tous les syndicats alternatifs.

Le mouvement a démontré sa force lors de la manifestation du 15 février, qui a rassemblé deux ou trois millions de personnes. C’était la plus grande manifestation depuis des dizaines d’années. Puis l’opposition à la guerre s’est traduite par des actions plus radicales, comme le blocage des trains des convois militaires, des ports d’où les Américains voulaient embarquer les armes. Ces actions ont reçu un large soutien.

On a aussi assisté à une autre forme de mobilisation de la part des familles, des villages, des écoles : l’exposition des drapeaux de la paix. On en compte plus de deux millions aux fenêtres des maisons. Les gamins les amènent à l’école. Il y a toute une dynamique un peu spontanée de manifestation individuelle de sa propre opposition à la guerre. Ça donne une idée de la diffusion de l’opposition à la guerre.

Cela pose vraiment de gros problèmes politiques au gouvernement et ça a contraint l’ensemble des forces de l’opposition de l’ancienne coalition de centre gauche, qui avait appuyé et administré les guerres précédentes, à se positionner de façon claire contre celle-là.

- Le mouvement ouvrier semble très investi...

F. d’Angeli - On peut espérer, selon les déclarations de la CGIL, que celle-ci, avec les syndicats alternatifs, déclarera la grève générale dès le début de la guerre. Déjà, les syndicats italiens participent activement à la mobilisation. D’ailleurs, on a su qu’il y avait des trains qui partaient avec du matériel militaire américain grâce à eux. Les cheminots n’ont pas pu s’exposer, ils devaient conduire les trains, alors ils nous ont appelés pour que l’on organise leur blocage.

Dans les ports, les travailleurs ont le droit de se mettre en grève sans préavis. Ils ont donc fait grève quand les Américains voulaient qu’ils chargent le matériel sur les navires, notamment dans le port de Livourne. Il y a donc un engagement des secteurs radicalisés. On espère élargir la mobilisation du monde du travail avec la grève, qui est le seul vrai outil d’expression des travailleurs.

 A part la grève générale, quelles sont les échéances prévues ?

F. d’Angeli
- Il y a eu la manifestation du 15 mars, organisée par la CGIL. Elle avait été prévue contre la politique sociale du gouvernement, mais la plate-forme a été revue en intégrant comme premier point l’opposition à la guerre. La manifestation a ainsi été considérée par tout le monde comme une manifestation de la CGIL contre la guerre. On s’est aussi donné rendez-vous, comme partout en Europe, sur les principales places des grandes villes à la tombée de la première bombe et le samedi qui suivra pour une manifestation nationale.

En même temps, on continue de mettre la pression sur le Parlement. Le comité Arrêtez la guerre a demandé à rencontrer tous les groupes parlementaires, puisque le Parlement italien n’a pas encore voté sur la participation italienne à la guerre ou sur la concession d’une partie de l’espace aérien à l’armée des États-Unis. Berlusconi ne veut d’ailleurs pas passer par le Parlement. Voilà les échéances principales, mais il y a aussi un tourbillon d’actions dans toutes les villes, les écoles, les lycées.

Mais, si la mobilisation est forte, il y a un peu un sentiment d’inéluctabilité de la guerre. On a réuni trois millions de personnes, on a la majorité du pays, on a multiplié les actions, mais la guerre va avoir lieu. Il faut donner une perspective à la mobilisation.

Propos recueillis par Anthony Bégrand.

Rouge 2009 20/03/2003