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Après l’assassinat de Romulo Kintanar

En solidarité avec la gauche philippine

jeudi 1er mai 2003, par Pierre Rousset

La situation aux Philippines est aujourd’hui dominée par la question de la guerre. Que ce soit sur l’Afghanistan, « l’antiterrorisme » ou l’Irak, la présidence philippine s’est alignée sur le bellicisme de Washington. Elle a aussi autorisé l’intervention directe des forces US dans le pays, au risque d’aggraver considérablement les tensions dans le sud de l’archipel, là où résident les communautés musulmanes. Dans ce contexte, le pouvoir de l’armée ne cesse de se renforcer et les droits constitutionnels sont menacés. Il est très important que le mouvement antiguerre international intègre à ses objectifs le retrait des forces US des Philippines et affirme sa solidarité avec les mouvements qui luttent pour la paix à Mindanao, dans le sud de l’archipel.

Malheureusement, l’existence d’une gauche pluraliste et vivace aux Philippines n’est pas seulement menacée par les mesures répressives du régime ou la remilitarisation du pays. Le Parti communiste des Philippines et la Nouvelle Armée du peuple ont en effet assassiné, le 23 janvier 2003, Romulo "Rolly" Kintanar, un ancien dirigeant du parti. Cet assassinat a été officiellement revendiqué par le PCP dans des termes qui ne laissent aucun doute sur la gravité de l’événement.

Après avoir été l’un des dirigeants politico-militaires les plus connus du PCP et de la guérilla, Romulo Kintanar a rompu avec ce parti maoïste au début des années 1990. Son évolution politique ultérieure est l’objet de controverses au sein de la gauche philippine. Il a en effet travaillé comme consultant en matière de sécurité pour la compagnie nationale d’électricité et pour les services de l’Immigration. Il a aussi collaboré avec des personnalités politiques de partis bourgeois. Il n’en a pas moins continué à aider, et ce jusqu’à son assassinat, des militants et des organisations révolutionnaires. Il gardait peut-être encore de l’influence au sein même de la guérilla du PCP, dont il avait formé bien des cadres.

Mais l’évolution politique de Rolly Kintanar n’est pas le problème. Dans ses communiqués officiels, la direction du PCP a elle-même précisé qu’il avait été condamné à mort une première fois en 1993, c’est-à-dire au lendemain de la crise qui a secoué ce parti en 1991-1992 (et qui s’est soldée par des expulsions-scissions), donc bien avant qu’il ne travaille dans l’administration. Ce que nous savions déjà a été clairement confirmé dans les communiqués du PCP qui ont suivi le meurtre du 23 janvier. D’autres anciens dirigeants du parti ont bien été condamnés à mort en 1993. Dans ses récentes déclarations, la direction du parti menace de poursuivre les assassinats ; elle s’en prend nominalement à des militants aujourd’hui membres de diverses organisations politiques de gauche et promet que tous les « traîtres » paieront un jour.

Depuis la crise de 1991-1993, la direction du PCP a fait assassiner de nombreux cadres d’organisations révolutionnaires "dissidentes". Mais c’est la première fois depuis 1993 qu’elle tue une personnalité nationalement connue, légale et non clandestine, en revendiquant spectaculairement l’exécution de façon à occuper la "une" des journaux. Dix ans après les scissions de 1992, loin d’être abandonnée, la politique d’assassinats du PCP s’aggrave brutalement. Des cadres d’organisations politiques de la gauche légale sont ouvertement et nommément menacés. Le PCP n’accepte pas d’avoir perdu le monopole de la représentation populaire aux Philippines. Il vise à oblitérer le développement d’une gauche progressiste et révolutionnaire pluraliste.

La situation est très grave. Avec d’autres forces politiques, nous avons soutenu le PCP et son président, Jose Maria Sison, face à Washington et nous nous sommes mobilisés pour qu’ils ne soient pas inscrits par l’Union européenne sur la liste « terroriste ». Nous refusons toujours le droit à la CIA et à ces gouvernements de constituer une telle liste. Mais précisément parce que nous avons défendu à ces occasions le PCP et Jose Maria Sison, nous devons réaffirmer avec d’autant plus de force, aujourd’hui, que les assassinats perpétrés aux Philippines ne sont en rien tolérables. Le PCP doit changer de politique, il en va de l’avenir de la gauche philippine tout entière.

Pierre Rousset