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Hugo Blanco au XVe Congrès mondial

jeudi 1er mai 2003

Dirigeant du soulèvement paysan de la région de Cuzco, au Pérou, au début des années 1960, symbole de l’unité et du renouveau de la gauche révolutionnaire péruvienne en 1978-1980, emprisonné, menacé de mort, exilé et libéré grâce à la solidarité internationale, Hugo Blanco avait affronté l’an dernier un ennemi nouveau pour lui, la maladie, que sa situation de paysan péruvien ne lui permettait pas de combattre. Une campagne de solidarité lui a permis d’être soigné et d’échapper une fois de plus à la mort. Il a profité d’un voyage auprès de ses enfants européens pour se rendre au congrès de la IVe Internationale. Nous reproduisons ci-dessous son intervention.

Camarades

Je commencerai par une autocritique.

A différents moments, lorsque ma vie était menacée par la répression, j’avais confiance car je pouvais compter sur l’appui de la solidarité nationale et internationale. Cette confiance a été justifiée - à plusieurs occasions cette solidarité m’a sauvé la vie.

Finalement, lorsque ce ne fut nullement l’action directe de la répression qui menaçait ma vie, mais une maladie, je me suis senti désemparé et il ne m’est pas venu à l’idée d’espérer une quelconque solidarité. Et pourtant elle m’est venue en aide, à commencer par mes proches, par les amis géographiquement les moins éloignés, elle s’est étendue dans mon pays et à l’étranger. Elle a atteint un niveau et une efficacité que je n’aurais jamais imaginés.

Mon autocritique se réfère à cela : si je n’ai pas espéré la solidarité, c’est que je ne concevais pas la solidarité comme devant se manifester lorsque ce n’est pas de répression qu’il s’agit. Et c’est sans doute une des leçons de vie les plus importantes que la vieillesse m’a infligée.

La solidarité a surgi et s’est développée dans tous ses aspects, à commencer par l’aspect économique, de manière à ce que je ne sois pas obligé de compter ni pour aller à la capitale de mon pays, ni pour payer les médicaments, les examens, les chirurgiens dont j’avais besoin. Les influences de divers camarades ont fait que j’ai pu être opéré au Mexique et que, profitant de la solidarité cubaine, on m’a soumis à des examens exhaustifs dans ce pays. Et la force morale que m’a donné la manifestation de sympathie des camarades de différents pays ne fut pas la moindre chose.

Grâce à cette solidarité, j’ai vaincu la maladie et je suis en bonne santé. Naturellement, comme me le rappellent les camarades, je n’ai plus 20 ans mais près de 70 et je ne peux compter sur mon corps comme je le faisais. Je ne pourrais plus parcourir à pied les Andes selon mes habitudes.

En cette occasion, comme d’autres fois lorsque la solidarité m’a sauvé la vie, la IVe Internationale a jouée un rôle central.

Et c’est d’autant plus important pour moi de pouvoir venir saluer ce congrès, réalisé dans de nouvelles conditions internationales de résistance à l’attaque des multinationales contre tous les secteurs de l’humanité opprimée.

Je veux parler d’un de ces secteurs, celui dont je suis issu et au sein duquel je continue à travailler : le mouvement indigène des Amériques. Il a ébranlé diverses parties du continent : le Chiapas, l’Équateur, la Bolivie avec une grande force ; mais il est également significatif au Pérou, au Guatemala, au Chili, aux États-Unis, au Canada et dans presque tous les pays du continent. Face à l’individualisme néolibéral il s’insurge en arborant son collectivisme millénaire. Face au racisme, dont il est victime, il ne répond pas par un racisme inversé, mais par sa volonté d’intégration ; les indigènes équatoriens ont dirigé le renversement de deux gouvernements en appelant tout le peuple à rejoindre la lutte ; c’est aussi ce qu’ont fait les cocaleros boliviens comme les peuples du Chiapas avec leur cri « Plus jamais un Mexique sans nous ! »

Pour terminer je voudrais souligner que ma génération et les générations précédentes, nous avions lutté pour un monde d’égalité. Vous, ceux des nouvelles générations, vous ne luttez pas seulement pour cela, mais pour la survie de l’espèce humaine, car les grandes multinationales ont provoqué un désastre écologique qui met en danger, entre autres, notre espèce. La destruction de la nature dans le monde dirigé par elles est si rapide que je ne crois pas que, si elle reste soumise à ce système, l’humanité pourra encore survivre cent ans.

Votre lutte est donc, fondamentalement, une lutte pour que l’humanité poursuive son existence.