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L’attaque contre les Nations Unies souligne l’échec des autorités américaines et démontre qu’elles ne peuvent garantir la sécurité de personne

Robert Fisk

lundi 25 août 2003

Quel membre des Nations Unies serait maintenant prêt à envoyer des troupes de maintien de la paix en Irak ? Les hommes qui attaquent l’armée d’occupation américaine sont impitoyables mais ils ne sont pas stupides. Ils savent que le président George Bush commence à être désespéré et qu’il ferait n’importe quoi — y compris demander de l’aide au Conseil de sécurité — pour réduire les pertes militaires américaines en Irak. Mais l’attaque d’hier contre le quartier général de l’ONU à Bagdad a fermé la porte à cette échappatoire.

À quelques heures de l’explosion, on s’est dit qu’il s’agissait d’une attaque contre objectif facile, un coup contre l’ONU elle-même. Certes c’était un « objectif facile » quoique les mitrailleuses se retrouvant sur le toit de l’édifice de l’ONU pourraient suggérer que l’organisation internationale s’est militarisée. Certes, aussi, c’était un assaut incroyable contre l’institution onusienne. Mais, en fait, l’attaque d’hier était une attaque contre les États-Unis.

Parce qu’elle démontre qu’aucune organisation étrangère, aucune ONG, aucune organisation humanitaire, aucun investisseur, aucune entreprise — ne peut espérer être en sécurité sous un gouvernement d’occupation des États-Unis. Paul Bremer, le proconsul des États-Unis, est considéré comme un expert de « l’anti-terrorisme ». Mais, depuis qu’il est arrivé en Irak, on a vu plus de « terrorisme » qu’il peut en avoir imaginé dans ses pires cauchemars — et il n’a pas été capable de faire quelque chose à ce propos. Sabotages d’oléoducs, sabotages de lignes électriques, sabotages contre des aqueducs, attaques contre les troupes américaines et britanniques et contre des policiers irakiens et maintenant bombardements contre l’ONU. Qu’est-ce qui suivra ? Les Américains peuvent reconstruire les visages mortuaires des deux fils de Saddam mais ils ne peuvent pas reconstruire Irak.

On peut supposer, que ce n’est pas le premier signe montrant que les « internationaux » sont dans la ligne de mire du mouvement de résistance irakien en croissance rapide. Le mois passé, un employé de l’ONU a été tué par des tirs à Bagdad. Deux travailleurs de la Croix-Rouge internationale ont été assassinés, le deuxième, un employé, du Sri Lanka, a été tué dans sa voiture, qui était clairement identifiée avec le signe de la Croix-Rouge sur l’autoroute 8 au nord de Hilla. Quand il a été trouvé, son sang coulait encore sur la porte de son véhicule. Le chef de la délégation de la Croix-Rouge qui avait ordonné la mission à ce pauvre homme a maintenant quitté l’Irak. Maintenant, la Croix-Rouge est confinée dans ses bureaux régionaux et ne peut voyager sur les rues de l’Irak.

Ils ont tué un entrepreneur américain à Tikrit, il y a une semaine. Un journaliste anglais a été assassiné à Bagdad le mois passé. Qui est en sécurité maintenant ? Qui se sentira en sécurité maintenant dans un hôtel de Bagdad alors qu’un des plus fameux d’entre eux -l’ancien Canal Hôtel- qui accueillait les inspecteurs en désarmement de l’ONU avant l’invasion- a été détruit ? Le prochain spectacle se fera-t-il contre les troupes d’occupation ? Contre les autorités d’occupation ? Contre le dit Conseil intérimaire Irakien ? Contre des journalistes ?

La réaction à la tragédie d’hier aurait pu être écrite d’avance ? Les Américains nous diront que cela démontre à quel point les « partisans » de Saddam sont désespérés -comme s’il était probable que les attaquants sont plus démontés à mesure qu’ils connaissent plus de succès dans la destruction des autorités américaines en Irak.

La vérité — peu importe le nombre de fidèles de Saddam impliqués - c’est que maintenant l’organisation de la résistance irakienne intègre des centaines, sinon des milliers des musulmans sunnites, beaucoup d’entre eux n’ayant aucune loyauté à l’ancien régime. De plus en plus de Chiites sont impliqués dans les actions anti-américaines.

La réaction à venir est également prévisible. Incapable de rejeter leurs difficultés quotidiennes sur les partisans de Saddam, les Américains vont évoquer l’intervention étrangère. « Terroristes » saoudiens, « terroristes » d’ Al Qaida, « terroristes » syriens, « terroristes » pro-iraniens - tous ses mystérieux terroristes ne devront leur existence qu’à servir de couverture à la douloureuse réalité : que notre occupation a généré une authentique armée de guérilla irakienne capable d’humilier la plus grande puissance de la Terre.

Les Américains tentent toujours d’attirer d’autres nations alliées dans l’aventure irakienne — y compris les Indiens qui ont eu le bon sens de décliner l’invitation. Le bombardement d’hier était destiné, à bloquer une quelconque mission de maintien de la paix. Le drapeau onusien était supposé garantir la sécurité. Mais, dans le passé, la présence onusienne se faisait toujours avec l’assentiment d’un pouvoir souverain. Avec l’absence de pouvoir souverain en Irak, la légitimité de l’ONU est étroitement liée aux autorités d’occupation. Elle pourrait être considéré par les détracteurs des États-Unis - comme rien d’autre qu’une extension du pouvoir des États-Unis. Le président Bush était heureux de montrer son mépris de l’ONU quand ses inspecteurs ne pouvaient trouver aucune arme de destruction massive ou quand le Conseil de sécurité n’était pas d’accord avec l’invasion anglo-américaine. Maintenant il n’est même pas capable de protéger la vie des membres de l’ONU en Irak. Qui voudra investir en Irak maintenant ? Qui veut choisir d’investir son argent sur l’avenir de la démocratie irakienne ?

(tiré du site Rebelion)
The Independent
Traduction La Gauche