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Le Chili poignardé par le faucon US de l’ITT

Ann-Eve FILLENBAUM

dimanche 14 septembre 2003

Comme pour bien d’autres pays du globe, le Chili se situe dans la zone d’influence nord-américaine. Pour ses intérêts économiques, à l’instar d’autres exemples, ladite plus grande démocratie du monde à initié, organisé et financé des opérations de déstabilisation du système démocratique chilien. Ainsi, elle a préparé le terrain à l’instauration d’un régime fascisant à Santiago du Chili le 11 septembre 1973. Rappel historique.

Le coup d’état chilien du 11 septembre 1973, ce laboratoire du mal, véritable éprouvette destinée à l’apaisement des névroses anti-communistes du « monde libre », n’a pu voir le jour que grâce au concours de puissances étrangères, les Etats-Unis en tête. Déjà en 1963, pressentant une possible victoire de Salvador Allende, le candidat des socialistes aux élections présidentielles, le président John Fitzgerald Kennedy (du parti démocrate !) encouragea des multinationales implantées dans le pays à soutenir son favoris chilien, le chrétien-démocrate Edouardo Frei. Les modalités furent placées entre les mains de Robert Kennedy (le frère du président), alors ministre de la justice. Bien que ce dernier allait se démarquer par son combat pour les droits civiques des Noirs américains, il n’hésita pas à hypothéquer l’avenir de milliers de simples citoyens chiliens.

A coup de millions de dollars Frei, par le biais de ces multinationales nord-américaines, reçut plusieurs millions de dollars, qui équivaudra à environ la moitié des frais de sa campagne électorale, campagne qu’il remporta sans mal. En échange, les Etats-Unis allait contrôler plus de quatre-vingt pour cents des grosses industries chiliennes.

Parce que les intérêts américains demeurant toujours au premier plan ; l’histoire se répète. En 1970, à nouveau effrayé par une possible victoire aux élections présidentielles de Salvador Allende, le général manager de Pepsi, Donald Kendall, fomente une rencontre entre le responsable de l’embouteillage de la boisson au Chili avec un des conseillers en matière de sécurité du président Nixon (du parti républicain). Cette fois-ci, au cours de ce nouveau rendez-vous électoral, Allende remporte les élections. Nixon convoque le chef de la CIA (les services secrets extérieurs des Etats-Unis) dans son bureau et ordonne que l’inauguration du président Allende soit empêchée.

Edward Korry, l’ambassadeur des USA au Chili sous les administrations Kennedy, Johnson et Nixon, fait savoir à Washington qu’il est en faveur d’un « coup de pouce » appuyé à Edouardo Frei, mais qu’il s’oppose fermement à une intervention militaire dans la veine du fiasco cubain de la Baie des cochons (1). Mais la machine de guerre est déjà en marche. Nixon est en effet soumit à des pressions de plus en plus intenses de la part de ses mécènes politiques qui paniquent au vu du projet de nationalisation de leur acquis au Chili.

Une des plus puissantes d’entre elles, l’ITT Corporation (International Telephone and Telegraph) possède en 1970, 70% de la Chitelco, la compagnie de téléphone chilienne, qui se traduit par la récolte de 153 millions de dollars à l’époque. L’ITT déverse des fonds dans les caisses noires du parti républicain ; impossible pour Nixon de les ignorer. Un membre du conseil d’administration de l’ITT et ex-directeur de la CIA, promet un million de dollars supplémentaire à Nixon en échange d’une « mise hors d’état de nuire » du nouveau président socialiste. D’autres multinationales, tel que Anaconda Copper (cuivre) en firent de même.

Le pouvoir politique (et économique) des Etats-Unis a grandement participé à la préparation du terrain pour la venue du dictateur Pinochet et l’instauration de son régime militaire sanguinaire. D’autres exemples de collaboration étrangère avec la junte fasciste sont repris dans notre dossier consacré au trentième anniversaire de l’assassinat de la démocratie chilienne notamment le soutien financier qu’apporta - à la demande de la CIA - le roi belge Baudouin au chrétien-démocrate Frei et l’élaboration de l’opération Condor.

Ann-Eve FILLENBAUM
© asbl RésistanceS - Bruxelles - septembre 2003

(1) Après la victoire, fin 1958, de la guérilla révolutionnaire à Cuba menée notamment par Fidel Castro et Che Guevara et l’installation d’un régime défavorable à la main mise américaine sur les Etats de la région, les Etats-Unis vont initiés des opérations de déstabilisation sur l’île de Cuba dans le but d’y déloger (sans succès) le régime révolutionnaire. Ces opérations étaient alors conduites par des partisans de l’ancien pouvoir dictatorial, des mercenaires et autres barbouzes à la solde des intérêts politico-économiques américains. Une de ces opérations fera grand écho : l’opération de la Baie des cochons. Située au sud de l’île de Cuba, des "contre-révolutionnaires" y débarquèrent le 17 avril 1961 afin de renverser le jeune régime castriste. La Baie des cochons se solda par un échec militaire et médiatique complet.

(Tiré de Risbal)
Voir le site (www.resistances.be)