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Premier mai

Le peuple de gauche du Québec est descendu dans les rues de Montréal

mardi 4 mai 2004, par Bernard Rioux

Plus de 100 000 travailleurs et travailleuses sont descendus dans les rues le Premier mai dernier pour dire un non retentissant aux politiques néolibérales du gouvernement Charest. Ils et elles provenaient de toutes les centrales syndicales et syndicats indépendants, des groupes populaires et autres groupes sociaux. Toutes les régions du Québec étaient représentées. Au Québec, il y a un peuple de gauche, il était dans la rue.

Il a dit non à l’offensive capitaliste visant la privatisation des services publics et la détérioration des conditions de travail et de vie de la majorité de la population.

Les lois adoptées l’automne dernier cherchent à affaiblir le mouvement syndical en s’attaquant au droit à la syndicalisation, en favorisant la sous-traitance, en réorganisant d’autorité l’organisation syndicale dans le secteur de la santé. Ces lois cherchent à créer les conditions visant à faciliter l’imposition des contre-réformes du gouvernement libéral.

La ministre Jérôme-Forget nous annoncera dans les prochains jours les détails de sa réingénérie de l’État. La résistance sera au rendez-vous. Déjà, nombre de syndicats ont obtenu un mandat de grève de 24 heures. Mais, on peut estimer, que si cette grève de 24 heures sera un moment dans le renforcement de la résistance au gouvernement Charest et aux politiques néolibérales, la perspective d’une grève générale reconductible sera nécessaire pour casser la détermination de ce gouvernement à modifier radicalement les rapports de force entre classes en faveur des patrons du Québec.

Le gouvernement Charest a ses objectifs et ses moyens. Mais ce dernier n’est pas sorti d’une pochette surprise. Sa détermination ne peut s’expliquer par un entêtement personnel. Il reflète la détermination du patronat d’affaiblir le mouvement syndical, de diminuer son poids social, de le tirer vers le bas.

Dans ce cadre, la perspective de renouer le dialogue social mis de l’avant par Henri Massé de la FTQ après bien d’autres ne peut que semer la désorientation. Ainsi, dans Le Devoir du premier mai, il dit : "Il me semble que ce gouvernement-là, qui en est à sa première année de mandat, va finir par comprendre les sondages dans l’opinion publique. Le gros bon sens populaire, c’est beaucoup plus profond qu’on pense. Ça ne veut pas dire que toutes les politiques qu’il veut mettre de l’avant sont mauvaises ; il y en a certainement qui sont mieux que d’autres, mais il devrait écouter la population et renouer avec le dialogue social."

Il est moins temps que jamais de baisser la garde. Pour le gouvernement libéral, les élections sont encore loin. Et il est pressé par les associations patronales de livrer la marchandise. Le recul des droits syndicaux est déjà une réalité. La privatisation des services publics va découler des fameux partenariats privé-public qui seront mis en place dans les mois qui viennent. Les attaques contre l’accessibilité à l’éducation sont déjà annoncées...

Une stratégie qui se contenterait d’utiliser les mobilisations pour maintenir le mécontentement social et reculerait devant la nécessité d’en découdre avec le gouvernement Charest en espérant que les prochaines élections provinciales dans quatre ans permettront de se débarrasser de ce gouvernement conduira à des résultats désastreux. Cette stratégie laisserait se détériorer le rapport de force concret entre classes et permettrait à la bourgeoisie de marquer une série de points aux dépends des classes ouvrière et populaires. Deuxièmement, une telle stratégie est entièrement tournée vers le passé, mais en fait, démontre un manque de mémoire total sur ce qu’ont été les politiques concrètes du gouvernement péquiste, qui a su pratiquer un néolibéralisme à la sauce québécoise. Croire qu’un éventuel gouvernement péquiste pourrait être le garant de la défense des intérêts des travailleuses et des travailleurs, c’est oublier le déficit zéro, les lois de retour au travail, le refus de la réforme du code du travail dans un sens progressiste, le mépris affiché face aux revendications des femmes, le renforcement de la pauvreté des couches populaires, la détérioration de l’environnement... Le discours "progressiste" du PQ ne dépassera pas le temps nécessaire à ses manœuvres de récupération et de la campagne électorale. Au pouvoir, il renforcera de nouveau ses liens avec le patronat, son discours se modifiera et il cédera aux pressions d’un patronat de plus en plus vindicatif qui tolérera difficilement que les conditions favorisant l’augmentation de ses profits soient remis en question. On peut compter sur un gouvernement péquiste dirigé par Landry ou un-e autre pour céder rapidement cette rationalité économique capitaliste.

Une mobilisation à la hauteur de l’attaque que nous subissons et la construction d’un parti politique des travailleuses, des travailleurs, des femmes, des jeunes et des couches populaires sont deux tâches essentielles, qu’il ne faut pas remettre à demain.

Face aux forums régionaux et national du gouvernement libéral, la dénonciation et le boycott sont nécessaires, mais insuffisants. La tenue d’États-généraux du mouvement syndical et des mouvements sociaux pour définir nos revendications, nos formes d’action et un projet de société alternatif s’avérerait important pour faire face à la gravité de la situation, parvenir au niveau d’unité et d’initiative capable d’en finir avec l’offensive dirigée contre la majorité de la population du Québec.

Bernard Rioux