Accueil > Nos dossiers > Forum social mondial > Fort en perspectives

Fort en perspectives

par François Sabado

dimanche 6 février 2005

Le Forum social mondial de Porto Alegre a débuté le 26 janvier. Un premier bilan...

Près de 150 000 personnes ont participé au cinquième Forum social mondial (FSM) de Porto Alegre. Dans un contexte où les offensives contre les conquêtes sociales sont toujours plus nombreuses, où Bus est de nouveau président, où la guerre d’Irak continue, le mouvement alterglobaliste est un facteur majeur de la résistance au néolibéralisme. Mais ce nouvel élan du FSM - à très forte participation brésilienne et latino-américaine - ne peut se comprendre sans intégrer la situation socio-politique latino-américaine. Brutalisée par le néolibéralisme, cette région est secouée par des crises et des explosions sociales et politiques. Des insurrections boliviennes au mouvement des sans-terre brésiliens, des mouvements des piqueteros argentins et des luttes indigènes au processus révolutionnaire bolivarien du Venezuela, le continent vit une profonde instabilité politique. Celle-ci s’est aussi traduite par les victoires électorales de Lula au Brésil, du Frente amplio en Uruguay, de Kirshner en Argentine ou par le succès du " non " au départ du président Chávez au référendum vénézuélien. Cette nouvelle période, combinant mobisation électorale et arrivée des gouvernements de gauche, a provoqué des centaines de débats au FSM. Cela traduit une nouvelle phase de radicalisation et de repolitisation de secteurs des mouvements sociaux et politiques d’Amérique latine. Le rassemblement de Porto Alegre est le cadre d’une polarisation entre Lula et Chávez. Au-delà de la diplomatie et des intérêts d’État, les deux présidents représentent bien deux politiques. Lula a décidé de se mouler dans le cadre neoliberal, respectant les critères des marchés financiers et des institutions internationales. La " parole " de Chávez, comme l’a joliment dit un militant vénézuélien, a " libéré " l’énergie du peuple du Venezuela. La confrontation entre Chávez et l’impérialisme, ses mesures sociales, son appui à la mobilisation et à l’auto-organisation des masses constituent aujoud’hui une référence et un point d’appui pour la gauche radicale. L’accueil enthousiaste de Chávez et la foule de critiques contre Lula dans ce forum auront été un des faits marquants. Cette dynamique de la situation au Venezuela a d’ailleurs largement contribué à limiter ou à repousser les tentatives d’une série de forces, comme certains gouvernements sociaux-libéraux latinos, les forces de la social-démocratie européenne, ou certaines qui cherchent toujours à cantonner les forums dans un cadre institutionnel... C’est dans ce contexte " chaud " qu’a été, une nouvelle fois, avancée l’idée d’opposer le consensus de Porto Alegre au consensus de Washington - formule pour caractériser l’offensive néolibérale. Au-delà d’un appel de responsables d’Attac et du Monde diplomatique qui conclue sur " l’impossible réforme des institutions internationales ", ce qui est une pomme de discorde dans les rangs de l’altermondialisme, la discussion autour d’un plan d’urgence mondial qui vise à obtenir des victoires partielles et à enclencher une nouvelle dynamique contre l’ordre néolibéral, est décisive. Ce " plan d’urgence mondial " lie des objectifs sociaux - droit à l’emploi, à la sécurité sociale, interdiction des licenciements -, des revendications globales pour financer ces objectifs sociaux - taxes du capital, annulation de la dette -, des enjeux comme la maîtrise et le contrôle populaire de l’eau et des ressources naturelles, des propositions pour rejeter le saccage de l’environnement et exiger la souveraineté alimentaire, des appels à la lutte pour les droits démocratiques - contre toutes les discriminations. Cette discussion programmatique s’est doublée d un débat sur l’organisation des forums où s’est manifestée la volonté pour les mouvements sociaux de maîtriser leurs initiatives et leurs coordinations... Cette discussion doit se poursuivre. Enfin, le Forum a décidé de ses prochaines initiatives en les " continentalisant " : à Caracas (Venezuela) pour le Forum Amérique latine, au Maroc pour l’Afrique et l’Europe, et dans une ville non encore définie pour l’Asie... Et 2007 devrait avoir un nouveau Forum social mondial en Afrique du Sud.

François Sabado

(tiré de Rouge)