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Election présidentielle au Brésil

Alliance contre-nature

dimanche 18 août 2002

L’élection présidentielle de novembre 2002 au Brésil va constituer un tournant dans la vie politique du pays et, au-delà, du continent latino-américain.

Après la crise argentine, l’hypothèse d’une victoire du candidat du Parti des travailleurs (PT), Ignacio Lula, à l’élection présidentielle brésilienne ouvrirait une période d’instabilité politique et sociale dans toute la région. Surtout, dans un contexte économique où les risques de contagion de la crise socio-économique argentine au Brésil et en Uruguay représentent une des évolutions possibles de la situation.

Car ce changement politique de la situation brésilienne n’était pas prévu dans l’agenda de l’offensive économique, politique et militaire de l’impérialisme étatsunien. Les plans de la zone de libre échange des Amériques (Zléa ou Alca en espagnol), les dicktats du FMI, les préparatifs de guerre contre la Colombie seraient contrariés par cette victoire du Parti des travailleurs du Brésil.

C’est donc une énorme pression qui s’exerce sur le Brésil et sur le Parti des travailleurs. Pression qui explique aussi l’évolution de la direction de ce parti. En effet, la direction du PT et Ignacio Lula viennent de s’engager dans une alliance avec un secteur de la droite brésilienne - le Parti du mouvement démocratique du Brésil (PMDB) et le Parti libéral - pour la prochaine élection. José Alencar, à la tête du Parti libéral et grand entrepreneur de l’industrie textile brésilienne, sera donc le candidat à la vice-présidence, Lula étant le candidat à la présidence.

Lula justifie ce choix en indiquant que "l’alliance avec le Parti libéral vise, dans le cadre de la crise économique, à rassurer les marchés financiers, les investisseurs étrangers, les organismes de crédit internationaux et le gouvernement des Etats-Unis". Argument classique qui ne calmera pas les classes dominantes mais désarmera les classes populaires face aux attaques du patronat et des propriétaires fonciers. Car une telle alliance a un prix social et politique fort. Cela conduit la direction du Parti des travailleurs à abandonner le programme de rupture antilibérale et anti-impérialiste qu’elle avait défendu jusqu’alors.

Le Parti libéral soutien l’Alca, s’oppose à une réforme agraire radicale - José Alencar condamne toutes les occupations de terre du Mouvement des sans-terre (MST) - et refuse le non-paiement de la dette extérieure.

Une telle orientation rencontre, d’ailleurs, une forte résistance au sein même du Parti des travailleurs. La fédération de l’Etat du Rio Grande del Sur, animée par la gauche du PT, et en particulier nos camarades de la tendance Démocratie socialiste, a vivement rejeté cette nouvelle politique d’alliance.

C’est ce qu’expliquent les militants du Parti des travailleurs du Rio Grande del Sur dans leur déclaration : "La conjoncture nationale, caractérisée par la crise économique, par l’aggravation de la situation sociale et la division du camp conservateur permet au PT de diriger un large mouvement de masse qui le porte au gouvernement central et à la tête d’une série de gouvernements régionaux. Mais cette possibilité exige que l’enjeu électoral soit articulé à un projet antagonique à celui du camp conservateur par la mobilisation de millions de travailleurs, jeunes, chômeurs, animateurs des mouvements sociaux. Nos alliances électorales et notre tactique doivent coïncider avec cette mobilisation sociale."

Rupture plutôt qu’alternance

Les enquêtes d’opinion donnent, aujourd’hui, un avantage au candidat du PT. La situation peut encore évoluer, mais cette hypothèse doit être sérieusement envisagée. Dans les conditions actuelles, une victoire du PT accroîtra sans doute les tensions du pays. Etant donnée la brutalité des rapports sociaux et politiques en vigueur au Brésil, un gouvernement du PT ne s’inscrira pas dans une alternance à l’européenne, entre conservateurs et sociaux-démocrates. Ce sera un gouvernement de crise. Mais si le peuple brésilien porte le PT au pouvoir, ce n’est pas pour mener une politique de conciliation avec les classes dominantes, c’est pour engager une politique en rupture avec le néolibéralisme et l’impérialisme.

C’est cette politique, abandonnée par Lula et par la direction du parti, que des dizaines de milliers de militants du Parti des travailleurs défendront pour résoudre les questions clés auxquelles est confronté le pays.

François Ollivier

(tiré de Rouge, hebdomadaire de la LCR, section française de la Quatrième Internationale)