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Adieu Howard Zinn

vendredi 5 février 2010


Tiré du site ’’ Le grand soir’’
30 janvier 2010


par André BOUNY

Il répondait toujours à la même heure… mes deux derniers mails restent sans réponse.

Howard (membre du CIS) rayonnait. Il avait grandit dans les taudis de Brooklyn. Puis, par engagement contre le fascisme, avait pris place dans les cockpits de bombardiers américains au-dessus de l’Europe durant la Deuxième Guerre mondiale. Là se forgea son âme de pacifiste. L’ancien bombardier obtint un Doctorat de Philosophie et d’Histoire à l’université Columbia. Puis il enseigna à celle de Spelman (d’où il fut renvoyé), de Boston, de Paris et de Bologne.

Il fut de tous les combats, celui des droits civiques, contre la ségrégation raciale et la peine de mort, contre la guerre du Viêt Nam où il se rendit en 1968 pendant la Bataille du Têt, contre celles d’Irak et d’Afghanistan, et plus généralement contre la ruse et la bêtise politique… Lorsque Daniel Ellsberg sortit les Papiers du Pentagone, c’est à Howard et Roslyn Zinn qu’il les remit.

Avec Noam Chomsky (membre du CIS), Zinn éditera cet énorme rapport commandité par McNamara sous le nom de « Pentagone Papers, du sénateur Mike Gravel ». Pendant plusieurs heures, Zinn ira à la barre pour défendre Ellsberg lors du procès instigué par Nixon, l’accusant de conspiration et d’espionnage. Avec Une Histoire populaire des États-Unis, pavé que la critique s’accorda à considérer comme le livre manquant à l’Amérique, Zinn devint ce légendaire historien américain parcourant de conférence en conférence son vaste pays. Il affichait un véritable bonheur à s’adresser aux jeunes et à leur expliquer l’Histoire.

En 2009, revenant de Grèce où était jouée sa pièce de théâtre Marx à Soho, nous nous étions rencontrés. Il avait cette élégance rare des hommes de grande taille dans sa chemise ample et déboutonnée, des grands yeux marron en amande remontant sur les côtés comme ceux d’un tigre rieur. Un rire communicatif qui appuyait sa vitesse d’esprit.

Je le remerciais chaleureusement de la préface qu’il venait d’écrire pour mon livre sur l’Agent Orange à paraître sous peu aux éditions Demi-Lune.

Howard dégageait de la joie, sa présence enthousiaste faisait oublier la légende vivante qu’il était, et sa main allait vers son inlassable sourire, profitant du voyage pour repousser en arrière la mèche blanche tombant sur ses yeux… adieu Howard Zinn.

André Bouny
père adoptif d’enfants vietnamiens, président du Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l’Agent Orange (CIS).


EN COMPLEMENT

Une histoire populaire des Etats Unis de Howard Zinn en Bande dessinée http://nanterre.over-blog.com/article-une-histoire-populaire-des-etats-unis-de-howard-zinn-en-bande-dessinee-41387795.html (avec vidéo)

Howard Zinn, qui a enseigné l’histoire et les sciences politiques à la Boston University, où il est aujourd’hui professeur émérite a essentiellement consacré son oeuvre l’étude des mouvements populaires dans la société américaine.Son livre le plus connu Une histoire populaire des États-Unis. De 1492 à nos jours a été publié il y a 7 ans, dans sa traduction française, aux éditions Agone. En tant qu’intellectuel, Howard Zinn part de ce postulat : le point de vue traditionnellement adopté par les ouvrages d’histoire est assez limité, il réfute "l’histoire événement", "l’histoire écrite par les vainqueurs". Ainsi, il décide de rédiger un ouvrage sur l’Histoire des Etats-Unis afin d’en offrir une perspective différente : c’est la naissance d’une histoire populaire des Etats-Unis. Ce livre dépeint les luttes qui opposèrent les Indiens d’Amérique aux Européens, l’expansion des Etats-Unis, les révoltes des esclaves contre le système qui les oppressait, les oppositions entre syndicalistes - ou simples travailleurs - et capitalistes, les combats des femmes contre le patriarcat, le mouvement mené par les Noirs contre le racisme et pour les droits civiques, et d’autres parties de l’Histoire américaine qui n’apparaissent pas dans les livres.

Cette histoire des États-Unis présente le point de vue de ceux dont les manuels d’histoire parlent habituellement peu. L’auteur confronte avec minutie la version officielle et héroïque (de Christophe Colomb à George Walker Bush) aux témoignages des acteurs les plus modestes. Les Indiens, les esclaves en fuite, les soldats déserteurs, les jeunes ouvrières du textile, les syndicalistes, les GI du Vietnam, les activistes des années 1980-1990, tous, jusqu’aux victimes contemporaines de la politique intérieure et étrangère américaine, viennent ainsi battre en brèche la conception unanimiste de l’histoire officielle.

Dès sa parution aux Etats-Unis, en 1980, l’Histoire populaire des Etats-Unis fut considérée comme un bréviaire par ceux qui refusaient d’adhérer aux accents héroïques du grand “roman national” des administrations Reagan à Bush. Le livre devint un best-seller. Il fut réédité six fois, traduit dans plusieurs pays , et, enfin, adapté en bande dessinée. La version Française vient d’être publiée.

Remarquablement scénarisé – une conférence d’Howard Zinn sert de fil conducteur à un judicieux montage de dessins, de photos et de coupures de presse -, l’album n’est pas un récit linéaire mais une succession d’arrêts sur image. Du massacre de Wounded Knee, qui coûta la vie à 200 Indiens dans le Dakota du Sud, en 1890, à la “guerre contre le terrorisme” lancée par George W. Bush après le 11 septembre 2001, ce sont ainsi quelques-unes des pages les plus douloureuses de l’histoire américaine contemporaine qui sont disséquées. Le réquisitoire est sans appel. Mais les combats d’Eugene V. Debs, de Martin Luther King et de tous ceux qui ont lutté pour la paix, le progrès social et les droits civiques rappellent que l’“espoir est possible”.

Howard Zinn, Mike Konopacki, Paul Buhle, Une histoire populaire de l’empire américain, Vertige Graphic, 22€

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