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Crise humanitaire et politique au Sri Lanka

mercredi 29 avril 2009, par Danielle Sabai

Depuis la mi janvier le gouvernement du premier ministre Sri Lankais, Mahinda Rajapaksa a lancé une offensive militaire sans précédent dans le nord de l’île entraînant une tragédie humanitaire.


Tiré du site Europe Solidaire Sans Frontières
26 avril 2009


D’après les différents rapports disponibles près de 6500 personnes seraient mortes et plus de 12000 blessées depuis le début de l’année, pour la plupart des civils innocents. Peut-être 100 000 civils tamouls sont piégés entre l’armée Sri Lankaise et les « forces de libération de l’Eelam Tamoul » (LTTE), les Tigres tamouls, sur une bande de terre réduite à une dizaine de kilomètres carrées dans le district de Mullaittivu. Bien que les Tigres soient acculés et en passe d’être complètement défaits, le premier ministre refuse tout cessez le feu. Élu sur des bases guerrières et influencé par les courants cingalais de la droite nationaliste chauvine et de l’extrême droite bouddhiste, il a décidé une guerre totale, déterminé à en finir militairement avec l’insurrection armée conduite par les LTTE depuis 1983.

Sur le théâtre de la guerre, l’armée à l’offensive fait peut de cas de la sécurité des civils. Les continuels bombardements de l’armée Sri Lankaise tuent indistinctement civils et militants des LTTE. Les pilonnages s’effectuent y compris dans la zone de refuge qui a été établie et sur des bâtiments tels que les hôpitaux et les écoles. Toutes les ONG internationales et les journalistes ont été priés de plier bagages pour ne laisser aucun témoin des crimes de guerre dont le gouvernement se rend responsable. De nombreux témoignages de civils échappés de la zone d’affrontement laissent penser que les Tigres Tamouls ont, de leur côté, empêché les civils de fuir les zones de combats, pour leur servir de boucliers humains, et faire pression sur le gouvernement pour obtenir un cessez le feu.

L’issue du conflit ne fait aucun doute. Le gouvernement va sans doute remporter une victoire militaire dans un bain de sang et en finir avec l’insurrection des Tigres. Mais la fin du conflit militaire qui dure depuis 25 ans ne permettra pas de résoudre un conflit politique vieux de plusieurs décennies. Depuis 1948, date de l’indépendance, les minorités du Sri Lanka ont été systématiquement discriminées linguistiquement, culturellement et économiquement. Des décennies de luttes pacifiques et parlementaires des tamouls pour l’autonomie des régions du nord et de l’est n’ont eu d’autres réponses que la répression policière et des violences organisées contre leur communauté. En réaction, cela a conduit à une radicalisation et à l’apparition d’un mouvement séparatiste dans les années 70. Principale force séparatiste, les LTTE ont jusqu’à aujourd’hui eu une confiance aveugle en leur capacité à vaincre militairement l’État Sri Lankais. Leur stratégie basée sur la terreur, les attentats suicides, les assassinats politiques a conduit à l’impasse d’aujourd’hui.

N’accordant aucune place aux revendications tamoules, le gouvernement de Rajapaksa réduit la guerre à une lutte contre le terrorisme aidé en cela par les pays occidentaux qui ont inscrit les LTTE sur la liste des organisations terroristes, alors même que les Tigres ne représentent pas une menace à l’étranger. Cette décision risque bien de renforcer le ressentiment du peuple tamoul et sa méfiance à l’égard du gouvernement central cingalais. Aucune paix durable ne sera possible sans l’ouverture de négociations politiques et en particulier la reconnaissance du droit à l’autodétermination du peuple tamoul. L’autonomie doit être accordée aux régions à majorité non cingalaise, seule garantie de paix et de démocratie dans un état multiracial et multi-culturel. L’égalité entre les citoyens doit être garantie.

Dans l’immédiat, tout doit être fait pour obliger le gouvernement Sri Lankais à accepter un cessez le feu immédiat et permettre la présence des organisations internationales pour organiser la protection, l’évacuation et l’aide aux civils piégés dans la zone de combat. L’ONU et l’ensemble de la communauté internationale, en particulier l’UE, doivent clairement faire savoir au gouvernement Sri Lankais qu’il sera tenu responsable des crimes contre l’humanité qu’il perpètre contre la population civile tamoule.

SABAI Danielle