Quelque chose d’historique est en train de se produire avec les élections : la probable élection d’une femme à la présidence ou celle d’un afro-américain. Cela sera un changement, d’autant plus si Barack Obama est élu. Quelqu’un du parti démocrate va vraisemblablement devenir président. En soi, il s’agit d’un changement car c’est un rejet des années "Bush".
Obama reflète le désir de changement, mais n’est pas un candidat "anti système"
Il y a une année de cela, tout le monde pronostiquait que Hillary Clinton serait probablement la candidate démocrate. Elle a été frappée sur sa gauche, su sa droite et en plein face par le phénomène d’Obama. La dernière publicité en sa faveur est un enfant endormi, au milieu de la nuit. Le téléphone sonne à trois heures du matin et la publicité demande : "Qui va répondre au téléphone ? Peut-on leur faire confiance ?" Ce qui signifie qu’elle est plus capable pour diriger le pays. Obama a répondu le même jour avec une publicité avec le même enfant, la même fin et qui dit : "Est-ce que vous feriez confiance à quelqu’un qui a voté pour la guerre ou pour quelqu’un qui a voté contre ?" Pan sur le nez tout de suite. Et il continue ainsi : "Dites-moi si je me trompe, mais autant que je sache, Mme Clinton n’a pas d’expérience en politique internationale. Oh, si quand même ! Elle a voté pour la guerre ! Quelle est son autre spécialité ?" La campagne s’échauffe de cette manière. Au delà des petites phrases, la réalité est que des dizaines de milliers de jeunes se sont engagés dans la campagne, se sont portés volontaires en faveur de Obama. Obama parle de changement. C’est une expression très vague, mais il reflète le désir de changement. Obama, lui-même, n’est pas aussi de gauche qu’il n’apparaît. Il était un permanent syndical dans ses jeunes années, il a travaillé pour des gens pauvres dans des projets d’éducation et cependant il est le candidat de l’aile gauche comme de l’aile droite du parti démocrate. Il serait faux de voir Obama comme un candidat "anti système". C’est plutôt la reconnaissance par le "système" que les années Bush sont un désastre et des gens comme Warren Buffet, qui est le patron de Walmart, comme la famille Kennedy, et comme beaucoup d’institutionnels se sont rangés derrière Obama.
Forte mobilisation contre les années Bush
Je pense que le changement qui se produit, qui commence à se produire dans l’électorat américain est le bienvenu. D’une situation où les américains ne votent pas, nous avons enregistré un important renversement dans toutes les primaires, ce qui est phénoménal. Normalement, l’aile droite est assurée de la victoire car ils mobilisent leurs troupes et qu’une grande partie des gens gagnant moins que 50.000 $ par an ne vote pas. Cette fois c’est complètement différent. Les gens participent aux primaires et y portent de l’intérêt. Je pense qu’ils sont mobilisés par la colère et la désillusion par rapport à ce qui s’est passé pendant les années « Bush ».
Le niveau de vie aux USA a baissé sans interruption depuis 30 ans avec une baisse annuelle de 1% du niveau de vie. C’est quelque chose de difficile à imaginer. C’était la force de travail la mieux payée du monde. Maintenant c’est une des plus mal payées de tous les pays industrialisés. Il s’agit d’un changement considérable.
Soutien douteux pour Obama contre la machine "Clinton"
Il y a déjà eu des candidats afro-américains dans le passé, Jesse Jackson, qui est parvenu à recueillir des soutiens, non seulement des afro-américains mais aussi de blancs, cependant personne n’a rassemblé un soutien significatif avec une chance de victoire tel que Barack Obama n’est parvenu à le faire. Comme la campagne est en cours, pour les gens qui ne connaissent pas Barack Obama, rappelons qu’il était sénateur de l’Illinois. Il était plutôt progressiste. Il était considéré par le parti démocrate comme étant le futur du parti et devint l’orateur principal de John Kerry. Mais pour comprendre Obama, vous devez savoir ceci : John Kerry, le pro guerre John Kerry, est derrière Barack Obama, le pro guerre Ted Kennedy est derrière Barack Obama. Donc oublions un instant l’image électorale, il s’agit juste d’une tentative pour stabiliser le système politique et économique américain et c’est aussi, je le pense fermement, un coup contre la machine "Clinton". Le parti démocrate a été dirigé par la machine Clinton pendant des années et il s’agit d’un coup contre cette machine. Autrement, il n’y a aucun argument pour expliquer non seulement pourquoi les afro-américains sont pour Obama, ou les blancs du Sud sont pour Obama, mais aussi pourquoi Obama a reçu plus d’argent de plus d’entreprises que Hillary Clinton. Dès le début des élections, il l’a surclassée en dollars reçus et c’est important à comprendre. Obama peut se créer lui-même un problème, c’est qu’il a soulevé des aspirations chez les gens, mais il n’est pas évident de savoir comment il va satisfaire ces aspirations.
Les démocrates sont la meilleure sécurité pour le système aux USA
Ma position pour l’instant, celle qui a toujours été la mienne depuis que je me suis installé aux USA en 1976, est que quiconque qui est engagé dans un système de justice – je suis socialiste, un système de changement – ne peut voter pour le parti démocrate, qui est un parti ouvertement capitaliste, raciste et pro guerre. Il ne s’agit donc pas d’une question de candidat, cela renforce simplement l’institution. Toutefois, je crois qu’on ne peut pas réduire les gens qui votent pour Obama à des gens qui sont pour le capitalisme. Les gens soutiennent Obama malgré ce que le parti représente. Il le voit comme un espoir pour le futur. Je crains que le Parti Démocrate, comme certains l’ont déjà dit, est la meilleure chose pour le business américain : Ils ont deux ailes, un parti. Quand on est déçu par les républicains, on va vers les démocrates. Un homme dénommé Kevin Philips, qui fut conseillé de Nixon et qui a depuis écrit de brillants livres, dit : "Ne vous trompez jamais sur les démocrates. J’ai travaillé pour les républicains, mais les démocrates sont la meilleure sécurité pour le système".
"Quand la mer se retire, on s’aperçoit de la folie des banques"
Quand je disais précédemment que les USA connaissent changements politique, économique et sociaux les plus significatifs, je voudrai le résumer de la façon suivante : Il a 25 à 30 ans, politiquement, tout le pays s’est détourné du progressisme des années soixante et soixante-dix, tout d’abord sous Jimmy Carter puis avec Ronald Reagan en favorisant la dérégulation économique et les lois du marché. Ce genre de politique. Des politiques qui venaient de la droite. Je crois que le pendule est en train de se balancer de la droite vers l’autre côté, pas seulement politiquement mais économiquement. Ces politiques, comme le montre la crise des subprimes, comme le montre la crise bancaire, la dérégulation du capitalisme ont permis quelque chose qui est allé beaucoup trop loin. Hier, Warren Buffett, le patron de Walmart, l’homme le plus riche du monde a dit : "Quand la mer se retire, on s’aperçoit de la folie que les banques ont produites pendant la période de boom". Il y a une inquiétude importante au sujet des structures financières et la majorité à Wall Street estime que les USA sont déjà entrés en récession. Pour calculer la récession, il faut avoir deux trimestres de baisse de la production, deux trimestres successifs. Nous ne connaîtrons pas officiellement cela pour l’année prochaine, une année et demie ou deux années, mais tous les indicateurs montrent que les USA sont entrés ou sont en cours d’entrer en récession. Ca risque d’être la plus importante récession économique depuis de nombreuses années. Nous venons d’une période de boom économique, un boom qui fut inégal, les travailleurs et les pauvres n’en profitèrent pas, mais la situation économique change.
Il y a deux ans, nous avons eu d’énormes manifestations pour les droits des immigrés, les gens doivent s’en souvenir. Les américains semblent calmes, endormis, donnent l’impression que rien ne change et tout d’un coup, issus de nulle part, des manifestations de millions de personnes demandent des droits nouveaux. Ces problèmes n’ont pas disparu. Le peuple n’a pas disparu. Les problèmes ont été postposés et je pense personnellement que les prochaines années seront les plus intéressantes et les plus fructueuses que nous ayons connues depuis longtemps.