Rouge n° 2280, 25/12/2008
Des milliers de suppressions d’emplois touchent le secteur automobile. Sarkozy et le patronat entendent faire payer la crise aux salariés, en durcissant encore la compétitivité.
Le 15 décembre, Nicolas Sarkozy a reçu les constructeurs automobiles français (Renault et PSA), ainsi que des représentants de Michelin, de Valeo et du Comité de liaison des industries fournisseurs de l’automobile (Clifa). Il s’est dit favorable à « de nouvelles formes d’aides, notamment sous forme de prêts ou de garanties […] en coordination avec nos partenaires européens et avec la Commission européenne », en échange « d’un engagement fort des constructeurs pour la pérennité et le développement de leur activité sur le territoire français ».
Une façon de préparer une réponse favorable à la demande de 40 milliards d’euros d’aide formulée par le patron de Renault, Carlos Ghosn, au nom des constructeurs européens, afin d’« apporter des liquidités » et de « favoriser la reprise du crédit ». Cette aide viendrait s’ajouter aux mesures du « plan de relance » rendu public à Douai, le 4 décembre. Le chef de l’État avait alors annoncé 1 milliard d’euros pour faciliter le crédit des acheteurs de voitures, 300 millions d’euros pour « un fonds de restructuration » des sous-traitants de l’automobile, et le versement d’une « prime à la casse » de 1 000 euros.
Alors que le PDG de Renault affirmait que, « si l’État nous aide, il est normal de s’engager à ne pas fermer d’usines », le président de PSA, Christian Streiff, s’abstenait de tout engagement. Les prochains mois nous diront ce que valent les engagements du « cost killer » de Renault, alors que seulement 54 % de ses capacités de production ont été utilisées au premier semestre 2008.
Le cadre fixé pour les prochaines années – tant en France que dans le reste de l’Europe – reste bien celui d’une restructuration brutale du secteur automobile, avec ses charrettes de licenciements, comme l’attestent les annonces de suppressions d’emplois au lendemain de l’annonce du « plan de soutien à l’automobile ». Le 13 décembre, Faurecia (premier équipementier automobile) annonçait 1215 suppressions d’emplois en France. Neuf sites seront touchés. Dès l’année prochaine, 700 postes seraient liquidés et les autres devraient suivre d’ici 2011. Quatre jours plus tard, c’était au tour de Valeo (deuxième équipementier automobile français) d’annoncer 5 000 suppressions d’emplois dans le monde, « dont environ 1 600 en France et 1 800 dans les autres pays d’Europe ».
Et ce n’est pas la mission confiée par Sarkozy à son secrétaire d’État à l’Industrie qui va freiner cette avalanche de suppressions d’emplois. Luc Chatel a instauré un comité stratégique pour l’avenir automobile, qui réunira « constructeurs, équipementiers, sous-traitants et activités avales, élus, organisations syndicales et établissements et pôles de recherche », afin de « réfléchir sur le fond à l’organisation de la filière automobile en France ». Il devra rendre des conclusions « à la fin du mois de janvier ». Une méthode bien rodée, dont l’objectif est de parvenir à un « diagnostic partagé », de la droite à la gauche social-libérale, afin de porter de nouveaux coups au monde du travail. L’intitulé de cette « mission sur les problèmes de compétitivité de l’industrie automobile française » ne laisse aucun doute sur sa finalité.
Plus que jamais, l’urgence reste à l’organisation d’une riposte pour imposer, dans toute la branche automobile, le paiement à 100 % du chômage partiel, l’arrêt des suppressions d’emplois et l’interdiction des licenciements. ■
Renaud Lenormand
Les Fords élargissent la lutte
Contrairement aux engagements de la direction, il n’y a plus de nouvelles du repreneur éventuel du site de Ford-Blanquefort (Gironde). Elle se contente de répéter que « les négociations sont en bonne voie ». La reprise du travail, le 5 janvier, après dix semaines de fermeture, s’annonce compliquée. Ford a prévu de se désengager le 31 mars au plus tard. La direction use de l’urgence pour imposer des « négociations » rapides sur les conditions de reprise, de manière à faire passer son projet sans qu’il soit possible de se défendre.
Pour éviter de se retrouver dans une situation trop difficile, la CGT-Ford s’est posé le problème d’élargir la lutte. Les menaces pesant sur les emplois de tous, dans le privé comme dans le public, rendaient nécessaire une riposte unitaire avant la fin de l’année. Un appel à la « mobilisation générale pour la défense des emplois dans la région » avait été lancé, le 18 novembre. Il s’adressait à l’ensemble des syndicats, des associations et des partis politiques de gauche. Le 20 décembre, une manifestation a réuni près de 1 000 personnes, ce qui est un succès.
L’ensemble des partis de gauche, avec plusieurs syndicats d’entreprises, a appelé à cette manifestation. À noter que les unions départementales (UD), à part Solidaires et la FSU, n’ont pas soutenu la démarche (notamment l’UD de la CGT). Le problème se pose de construire un mouvement du « tous ensemble » pour la défense de tous les emplois. ■
Philippe Rouffigne