Une nouvelle génération se révolte et prend d’assaut l’avant scène historique, avec comme carte de visite sa colère envers le système et sa désobéissance envers le pouvoir.
Tout a commencé à l’improviste –mais depuis quand les événements importants se sont-ils produits programmés d’avance ? Et tout le monde les a accueilli, de bonne ou de mauvaise gré, tels qu’ils sont : comme l’introduction violente à une période qui nous réserve des dures expériences et des affrontements, des révoltes désespérées et des comportements de masse transgressives, mais en même temps l’espoir d’une sortie collective et révolutionnaire de la camisole capitaliste ! Ceux et celles qui ne veulent pas travestir la réalité, doivent tourner leur regard non pas vers le « casseurs » professionnels mais vers les lycéens. Le lundi 8 décembre leur a appartenu, et ce qu’ils ont « dit » en paroles et en actes fut terriblement révélateur.
C’est un de leur qui a été assassiné. Et alors, ils ont envahis tel un fleuve déchainé les rues et les places de toute la Grèce et ils ont imposé leur propre présence. Ils ont attaqué les symboles de l’appareil répressif de l’Etat, ici les commissariats de police, ailleurs les préfectures aussi. Ils ont fait preuve, sans prétention et sans direction dans la grande majorité des cas, d’ « insolence » et d’« attitude transgressive ». Très souvent et ayant leur sacs scolaires au dos, ils ont jeté des pierres, certains plus « expérimentés » des molotov aussi, ils ont joué à cache-cache avec la police, ils ont bloqué des rues et des axes routiers.
A ceux qui ne veulent ni comprendre ni s’évader du problème avec les imbécilités paternalistes bien connues, ils ont « dit » une seule chose : Vous volez notre présent et notre avenir, vous bâtissez une société qui n’a plus de place pour nous, vous nous entassez dans les « maisons de correction » éducatives afin de « corriger » notre éducation, vous nous volez notre enfance et notre adolescence pour qu’on a plus d’avenir, sans compter le chômage, la précarité, les doctorants aux deux diplômes a 700 euros. Et à la fin, un de nôtres est assassiné...
Ça suffit, vous et votre pouvoir de merde et vos partis de merde qui le gèrent –toujours contre nous. Il y a deux ans, c’étaient les étudiants, avec l’appui de la société, en lutte contre l’article 16. Et ils avaient encore trouvé devant eux les prétoriens du pouvoir : MAT (les CRS grecs), les substances chimiques, les « jardinières » [1], les barbouzes, les « néonazis en uniformes ». Et maintenant quoi ?...
Lycéens et parents
Les caractéristiques qualitatives de cette révolte de la jeunesse –et non seulement- constituent un tournant historique pour la période qui a suivi l’insurrection de l’Ecole Polytechnique en 1973. Et on doit faire attention aux suivants :
C’est peut être la première fois dans l’histoire grecque, qu’il y a eu des manifestations dans de centaines de villes grandes, moyennes et petites du pays. Des consulats grecs ont été occupés en Europe, l’ambassade grecque a été attaquée à Chypre et 300 lycéens ont manifesté à la ville de Paphos ! L’ampleur des réactions est telle qu’il est légitime de parler d’événement majeur !
Partout, la jeunesse insurgée voulait démolir les commissariats de police. Et partout, son écrasante majorité était constituée des lycéens.
La participation de la province était extraordinaire. Cette « autre Grèce », la Grèce oubliée et déshéritée par l’entretien allocatif de sa misère demande maintenant la parole. Et qui parle à son nom ? La jeunesse, et même la jeunesse lycéenne.
Pour la première fois dans l’histoire de l’après guerre, des événements tels que la destruction en masse des banques et des négoces n’ont pas provoqué l’isolement de la jeunesse insurgée. La société a regardé avec sympathie, compréhension, tolérance et pleine de questions ses enfants. Le pourquoi devrait nous faire réfléchir…
Une nouvelle génération à l’avant scène
Au delà de sa propre vie et son propre avenir, inexistant, cette génération sait très bien que la vie de ses parents est aussi hypothéquée. Elle connait ce qu’est emprunter pour pouvoir consommer, ce qu’est l’angoisse quotidienne devant le remboursement des mensualités, le chômage qui frappe a la porte d’une grande partie des familles, le père qui est chômeur de long terme, les parents qui disparaissent de la maison parce qu’ils ont deux ou trois boulots tandis que d’autres n’ont même pas un. Et maintenant elle entend, elle sent, elle vit dans sa peau la crise qui tend à détruire même ces équilibres de la terreur d’une vie misérable. Est-ce que ca va s’empirer ? Et comment sera-t-elle une vie encore plus misérable ?
Et tandis que ce lendemain s’approche, le ministre de l’économie Alogoskoufis distribue 28 milliards aux banques, les patrons nous font chanter en nous demandant de travailler par rotation quatre jours par semaine, et une ordure fasciste fait des exercices de tir sur un gosse.
Voici donc les raisons de la révolte. Voici les fondements de la colère. Cette jeunesse est l’« insolente » avant-garde du nouveau prolétariat de masse, qui est en train de gonfler ses rangs durant les deux dernières décennies.
La Gauche, mais quelle Gauche ?
Qui va parler au cœur de cette jeunesse ? Qui parlera et qui sera entendu par ce prolétariat de masse des temps nouveaux ? Quelle force politique va parler leur langue ? La réponse est en principe simple : celui qui va vraiment s’intéresser à eux, celui qui va se pencher sincèrement sur leurs besoins et leurs colères, celui qui ne va pas essayer de les « corriger », mais se mettra à leur côtés en se dépensant totalement et sans avoir peur de perdre les voix des « bons pères de famille ». Celui qui sera capable d’organiser leur colère, de leur donner la parole, d’être leur « caisse de résonance ».
Personne ne peut faire tout ça s’il ne leur ressemble pas un peu. La Gauche qui se mettra comme objectif d’exprimer politiquement ces forces doit être mouvementiste, pourvue des reflexes anti-régime et des sensibilités plébéiennes. La Gauche « caviar » des couches moyennes éduquées et des intellectuels « comme il faut » n’a aucun avenir. C’est exactement le grand purgatoire de la crise capitaliste qui va la marginaliser.
La Gauche n’aura également aucun avenir si elle tente de « vendre de la théorie » et de la « bienséance politique » à la jeunesse. Cette jeunesse arrive à l’avant scène par l’unique chemin laissé ouvert à elle par la désidéologisation et la marginalisation sociale systématique : le chemin de l’insubordination envers le pouvoir. Pour qu’elle se politise en masse et s’ « idéologise », il faut qu’elle acquiert des expériences politique de masse avec la Gauche a ses cotés, il faut qu’on lui propose des idées fraiches et radicales ainsi que des perspectives d’émancipation.
Nous avons donc besoin d’une grande Gauche anticapitaliste, unitaire et combattive, a idées et visionnaire, mais aussi « de la rue ».
Durant ces trois jours critiques de mobilisations et d’affrontements, SYRIZA a gagné une bataille très décisive pour son propre avenir : elle a été la Gauche « de la rue », elle a été avec « ceux d’en bas » et non avec les copains du régime. Elle fut le tronc de deux manifestations de masse en deux jours, dans une ambiance de guerre, « en larmes et lacrymos ».
Le gouvernement Caramanlis vacille et cherchera surement le salut dans les habituelles ruses institutionnelles, essayant de créer un climat « consensuel pour le rétablissement de l’ordre » et appelant la gauche à montrer de la « responsabilité ». Le PASOK et la bureaucratie syndicale de la CGTG et de l’ADEDY [2] ont fait leurs choix : ils ont annulé la manifestation le jour de la grève générale et se sont cachés. A l’opposé d’eux, la Gauche doit rester hors du consensus institutionnel et doit essayer de lancer de ponts entre la colère des jeunes et la colère des travailleurs.
A bas le gouvernement des assassins !
Lycéens-travailleurs, une voix et un poing !
Kokkino
Notes
[1] Il y a deux ans, un groupe des flics -dont des gradés- ont mis à tabac longuement en plein centre de Thessalonique un jeune étudiant qui a été hospitalisé pendant des mois sans jamais se rétablir totalement. L’affaire a fait scandale car la scène du passage à tabac avait été filmée par un passant. Les flics et leurs avocats ont toujours niée les faits arguant que le jeune étudiant s’est blessé de lui même en tombant sur une… « jardinière ».
[2] CGTG est la Confédération générale des Travailleurs grecs (secteur privé). ADEDY est son équivalent pour le secteur public.