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L’oligarchie avait vendu le Honduras depuis longtemps

vendredi 9 octobre 2009


Tiré d’ Inprecor N° 553-554,
2009-09-10


Depuis plus de 20 ans, l’oligarchie hondurienne et son État offrent au capital étranger des zones franches (« maquillas » en espagnol), véritables paradis des patrons et enfer des travailleurs. Cette oligarchie possède et gère ces grands parcs industriels que sont les zones franches. Elle offre surtout, à travers l’appareil de répression de l’État, une main-d’œuvre travaillant dans des conditions de semi-esclavagisme. Les salaires y sont extrêmement bas, les syndicats interdits, le harcèlement sexuel impuni et la répression permanente. Les importations sont exonérées de tout droit de douane, et les profits de tout impôt. Les entreprises des zones franches sont en plus exonérées de l’application du salaire minimum, fixé à environ 200 euros par mois, et du paiement des charges sociales…

A la fin 2008, environ 350 entreprises profitent de ce paradis des affaires, la majorité concentrée dans plus de 20 parcs industriels, surtout autour de San Pedro Sula, près du Porto Cortes, le grand port en eau profonde sur l’Atlantique. Elles employaient à la fin 2007 environ 135 000 ouvriers, dont plus de 60 % d’ouvrières. Ces entreprises sont contrôlées par le capital d’origine étrangère, essentiellement états-unien, mais de plus en plus associé à l’oligarchie locale.

Elles produisent en grande majorité des vêtements, mais aussi du câblage électrique pour l’industrie automobile, exportés vers les maisons mères ou les donneurs d’ordre aux États-Unis. De grandes multinationales telles Hanes ou Fruit of the Loom y exploitent chacune plus de 10 000 travailleurs. Les exportations ont atteint près de 3,5 milliards de dollars en 2008. Ces ateliers de la misère contribuent pour plus de 40 % à la production industrielle, et près de 8 % au PIB du Honduras

Le Honduras, alors qu’il s’agit d’une des plus petites économies du nouveau monde, est un des cinq premiers fournisseurs des États-Unis en vêtements et un de ses tout-premiers en câblage électrique ! Le bénéfice est double pour les États-Unis : exploiter sans merci la main-d’œuvre des zones franches, mais aussi leur vendre des matières premières et produits intermédiaires, comme par exemple le textile. Le Honduras est ainsi devenu le premier importateur de fil états-unien.

On mesure à ces quelques chiffres le double jeu de Washington. Si le Pentagone n’avait pas appuyé le coup d’État, il aurait été très facile de lui faire échec. La menace de rupture des relations commerciales aurait suffi. Mais Washington réserve cela à Cuba, pas aux gorilles.

Toutefois, la crise économique a fait diminuer l’activité depuis un an, faisant chuter l’emploi de près d’un tiers, en le ramenant à environ 100 000, soit le niveau d’il y a une dizaine d’années. C’est dans ce contexte de crise que le patronat, dominé par le secteur financier et des zones franches, a considéré que la démocratie menaçait désormais les profits.

Les associations patronales, à commencer par celles du secteur zone franche, ont bien entendu orchestré et même soutenu officiellement le coup d’État. Dès le 11 Juillet, elles appelaient Obama à reconnaitre le gouvernement de facto. Preuve toutefois que les menaces de boycott peuvent être utiles, les marques les plus en vue, comme Nike, Gap ou Adidas ont senti le besoin d’appeler à la « restauration de la démocratie ».

Face à l’effondrement du principal secteur industriel, et à une concurrence accrue menaçant ses profits, l’oligarchie avait besoin d’un régime militaire et encore plus répressif. Le coup au Honduras est aussi la conséquence politique de la crise économique.

Finalement, le coup d’État, en s’attaquant aux organisations ouvrières et démocratiques, ne fait que tenter d’étendre à tout le pays le régime de surexploitation et de répression des zones franches qui a tant profité à une oligarchie intégrée au capital transnational. ■