Paru en Suisse dans l’Anticapitaliste n° 20 du 4 mars 2010.
Elu grâce à la fraude électorale face à son rival Lopez Abrador, Felipe Calderon, président du Mexique depuis 2008 n’arrive décidément pas à convaincre la population sans recourir à la force.
Sa politique de privatisations massives est systématiquement accompagnée de mesures de répression et d’atteintes aux droits humains. Pour se garantir la docilité des forces armées, il a augmenté de 40% la solde des militaires tandis que les salaires moyens peinent à atteindre les 3% d’augmentation en deux ans. Et il procède au licenciement de 44’000 électriciens pour faciliter la privatisation de la compagnie publique de l’électricité avec la complicité des deux plus importantes centrales syndicales qui n’ont rien fait pour organiser la mobilisation. Mais ils ne se laissent pas faire
C’est une politique qui suscite systématiquement des formes de résistance qui confinent à l’insurrection comme celle des travailleurs des mines de Cananea, dans le Yucatan, protagonistes d’une grève qui dure depuis le mois de juin… 2008. En lutte après la mort au fond du puits de sept des leurs suite à une défaillance technique qui aurait facilement pu être évitée, les mineurs se sont trouvés face à l’encerclement militaire de la mine par la police fédérale, le plus militarisé des corps de police du pays. C’est avec des frondes qu’ils ont repoussé les forces répressives.
N’ayant pas réussi à imposer leurs exigences en matière de sécurité dans la mine, ils continuent la grève avec le soutien total de la population et de leur syndicat. Ils menacent de faire exploser la mine en cas de tentative de nouvelle attaque de la police fédérale et pour cela ils ont mis en place un dispositif explosif tout autour des puits.
Un autre exemple de résistance, plus connu, celui-là, a été celui de la ville d’Oaxaca durant quelques mois dès le mois de juillet 2008. Là-bas, les paysans, les enseignants, les femmes indigènes en particulier ont pris le contrôle de la ville durant deux semaines pour faire face autant aux attitudes despotiques du gouverneur de la ville, Ulyses, qu’aux tentatives de privatisation de l’eau.
La Commune d’Oaxaca
Après avoir mis en déroute Ulyses, forcé de fuir dans une autre ville, les étudiants ont occupé l’université tandis que les femmes indigènes ont pris le contrôle des radios et de la télévision locales. A partir de ces moyens de communication de masse elles ont organisé l’insurrection et en particulier de la mise en place des barricades.
C’est par la violence, notamment par le recours à de méthodes de contreguérilla qu’a été réprimée cette expérience communarde qui s’est soldé par de nombreuses arrestations et par la tentative de criminalisation des mouvements sociaux.
Cela n’empêche pourtant pas le maintien de l’activité de l’assemblée permanente du peuple de Oaxaca (APPO) qui essaie aujourd’hui d’accéder à une dimension nationale dans le but d’organiser une résistance concertée des différents foyers de résistance à la violence de l’Etat et aux privatisations.
Pour faire face à ce climat presque insurrectionnel, Calderon a établi un accord avec les Etats Unis, le Plan Merida, du nom de la ville où il a été signé. Celui-ci prévoit qu’en cas d’incapacité du gouvernement de faire face à un soulèvement populaire, les GI’s puissent franchir la frontière pour mater les mouvements insurrectionnels.
De plus, l’accord comprend une aide de 504 millions de dollars destinés à la formation de l’armée mexicaine qui pourrait être appelée à participer à des opérations conjointes avec celle des Etats-Unis, ailleurs sur le continent américain.
Ainsi, 100 ans après la révolution de Zapata et Pancho Villa, les USA disposent du moyen d’empêcher le Mexique, premier pays de ce qu’ils considèrent depuis toujours comme leur arrière cour de choisir une voie autonome par rapport à l’impérialisme.
Pedro Fereira Bento
BENTO Pedro Fereira
* Paru en Suisse dans l’Anticapitaliste n° 20 du 4 mars 2010.