Tiré du site du NPA
Avec 80000 chômeurs en plus au mois de février, la crise économique se transforme en crise sociale à une vitesse inégalée. Une mesure d’urgence s’impose : l’interdiction totale des licenciements.
Depuis septembre 2008, la liste s’allonge : plans de licenciements, fermetures d’entreprise (Sony, Caterpillar, Amora…). Les 1200 salariés de Continental à Clairoix (Oise), jetés à la rue un an après avoir accepté de revenir aux 40 heures par semaine, sont le symbole de la violence avec laquelle le patronat applique la loi du profit : pas assez rentable ! De grands groupes industriels, comme PSA, Renault, Arcelor, Sanofi, ou bancaires, comme la Caisse d’épargne, surfent sur la crise en supprimant des emplois tout en maintenant de juteux profits. Mais la poussée des licenciements peut aussi être plus silencieuse, comme en témoignent les chiffres : 80000 nouveaux inscrits à l’ANPE en février, après 90000 en janvier. Les fins de CDD, de contrats en intérims en fournissent une bonne part. Des centaines de milliers de famille se retrouvent dans une précarité extrême.
Les licenciements sont des choix conscients du patronat, qui considère les salariés comme une variable d’ajustement pour maintenir ses profits. Il est temps de remettre les choses à l’endroit et d’imposer le droit à un emploi stable comme un droit social fondamental, au même titre que celui à la santé, au logement, à l’éducation. Il est temps, comme ce fut le cas en 2001 autour des Lu-Danone, d’arriver à coordonner les réactions aux licenciements, afin de reprendre l’offensive, d’exiger l’interdiction des licenciements, d’enlever ce droit exorbitant au patronat et de garantir une vie décente à toutes et à tous.
1. Les licenciements servent à maintenir les profits
Avant la crise de ces derniers mois, le patronat multipliait déjà les plans de licenciements pour accroître ses marges. Un investissement industriel devait rapporter plus que la spéculation boursière pour satisfaire les actionnaires - soit un retour sur investissement supérieur à 10%. Ces dernières années, cette course effrénée au profit a amené à utiliser les gains de productivité, non pas pour soulager les salariés et diminuer leur temps de travail, mais pour rémunérer les actionnaires. Les milliers de milliards qui circulent chaque jour viennent de cette richesse confisquée à ceux et celles qui la produisent. La crise de ces derniers mois trouve sa racine dans ce système, où un conseil d’administration préfère placer les bénéfices dans des coups de Bourse hasardeux plutôt que de s’en servir pour développer l’investissement et l’emploi et, bien sûr, rémunérer correctement les salariés.
Dans ce système, il est « normal » que PSA et Renault suppriment chacun des milliers d’emplois en France, pour rémunérer grassement leurs actionnaires et leurs dirigeants. Si Arcelor supprime 7% de ses effectifs en 2009, le groupe distribue 1,5 milliard d’euros à ses actionnaires… Les licenciements, le chômage massif sont bien le pendant d’une répartition des richesses faite dans le seul intérêt des capitalistes.
2- Faire respecter le droit à l’emploi
A une échelle globale, les licenciements et les suppressions d’emplois sont bien dus à des choix de rentabilisation, les actionnaires se dirigeant sans cesse vers le secteur le plus profitable, indépendamment - évidemment - des besoins de la population. En généralisant le système boursier, le capitalisme a rendu précaire toute production, toute entreprise, faisant dépendre leurs existences de leurs taux de rentabilité financière et de leurs cours en Bourse. C’est à cette logique qu’il faut mettre un terme, en imposant d’abord le droit de tout un chacun d’avoir un emploi stable et bien rémunéré, en enlevant au patronat son pouvoir exorbitant. Les employeurs ne doivent pas avoir le droit de décider de nos vies, de notre avenir.
La Constitution réaffirme son soutien à un principe énoncé dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit à obtenir un emploi. » Ce droit reste lettre morte, car il passe après « la liberté d’entreprendre ». Le Medef et sa présidente, Laurence Parisot, s’insurgent dès que l’on parle de remettre en cause le pouvoir absolu des patrons dans l’entreprise. Mais il n’est pas acceptable que la vie des salariés dépende du cours des actions et du bon vouloir d’une poignée de gros actionnaires et de patrons, de choix économiques dont ils ne sont pas responsables. Le droit à l’emploi doit devenir une réalité. Puisque ce sont les capitalistes qui monopolisent la possession des entreprises et des richesses produites, obligeant les travailleurs à louer leur force de travail, ces mêmes patrons doivent supporter la conséquence de cette situation et garantir les contrats de travail.
3- Responsabiliser le patronat
Les emplois doivent cesser d’être une variable d’ajustement pour le maintien des profits financiers. Le statut des salariés des entreprises privées doit être totalement refondé. Le droit de licenciement doit être supprimé. En cas de diminution de la production, le temps de travail doit être réduit sans perte de salaire ; en cas de modification de la production, l’entreprise, le groupe, la branche doivent être responsables de la continuation d’emploi du salarié, en assurant son salaire, la poursuite de sa carrière et de sa formation. Ces droits existent en partie pour les salariés du secteur public. Ils doivent être étendus au privé.
Il faut reporter la responsabilité totale d’une suppression de poste du salarié, aujourd’hui coupable de perdre son emploi, sur le patronat, qui se décharge de ses responsabilités. Un fonds de financement mutualisé, financé par le patronat, doit, dans tous les cas, permettre le maintien des salaires par-delà les aléas de telle ou telle entreprise. Les droits actuels des comités d’entreprise, les divers recours, les plans de sauvegarde de l’emploi ne sont que des remèdes qui n’attaquent pas le droit des patrons. De même, quand un emploi est supprimé dans une maison mère de l’automobile ou de l’aéronautique, par exemple, de nombreux autres sont supprimés silencieusement dans les filiales et la sous-traitance. Il faut instaurer une responsabilité pleine et entière des emplois du secteur par les donneurs d’ordre, par l’entité patronale collective.
4- Garantir le contrat de travail
De même, le droit à l’emploi exige évidemment que soit mis fin aux contrats précaires (CDD et intérim), qui ne servent qu’à ajuster au plus près les effectifs, à la semaine, voire au jour, afin de garantir le maximum de profits. Les « réformes » toujours tentées contre le contrat de travail visent à précariser tous les contrats. C’est en sens inverse qu’il faut aller, en imposant un seul contrat, le CDI, assorti dans chaque branche des meilleurs accords collectifs d’entreprise étendus à toute la branche.
De même, le patronat a usé et abusé, ces dernières années, des licenciements individuels pour contourner les obligations liées aux licenciements économiques, mais aussi pour maintenir un pouvoir hiérarchique et disciplinaire d’un autre temps. Les licenciements individuels sont deux fois et demi plus nombreux que les licenciements économiques. Ils sont aussi un mode de régulation patronal des emplois. Il est inacceptable qu’un salarié soit licencié pour insuffisance professionnelle ou parce qu’il est usé par des dizaines d’années de travail. Il est également inacceptable que les patrons se fassent eux-mêmes justice en gardant le droit du licenciement pour faute, en accusant, instruisant, sanctionnant et exécutant eux-mêmes la faute. Il est de même inacceptable qu’un salarié sanctionné par la justice subisse d’une double peine en perdant son emploi.
5- Redéfinir les productions sans léser les salariés
Exiger le droit à l’emploi, l’interdiction des licenciements, ne veut pas dire défendre toutes les productions ou bloquer les évolutions technologiques. Il existe des productions nuisibles, qui ne correspondent à aucun besoin social (l’armement, par exemple), ainsi que des productions dangereuses créant des risques industriels. Mais ni les salariés, ni les collectivités de travail ne doivent faire les frais de ces changements. Interdire les licenciements, garantir le maintien des emplois financés par le patronat, peut au contraire permettre d’envisager sereinement des modifications de production correspondant aux intérêts des salariés, à leur santé et à celle des riverains. Pour cela, il faut que les salariés et la population aient le droit de contester les choix de l’entreprise. Il faut pouvoir faire des choix différents de ceux de l’employeur, avec un droit de veto des comités d’entreprise sur les décisions économiques et sociales.
Quant au gouvernement, qui fait semblant de fustiger les patrons licencieurs, il s’apprête, cette année encore, à supprimer des dizaines de milliers d’emplois utiles dans l’éducation, la santé, les services administratifs de proximité, etc. Il faut créer des millions d’emplois pour répondre à ces besoins sociaux et donner du travail à tous
6- C’est possible
Tout est une question de rapport de forces. Dans les années 1970, les salariés victimes d’un licenciement économique touchaient 90% de leur salaire pendant un an. Jusqu’en 1987, l’Etat devait donner son autorisation pour les licenciements économiques collectifs. Il y a quelques années encore, la loi ne reconnaissait le licenciement économique que si l’entreprise était réellement en difficulté financière. Dans les vingt dernières années, c’est le patronat qui a mené l’offensive, récupérant 10% du PIB à son profit et poussant toutes les lois à son avantage. Aujourd’hui, la crise montre l’injustice, le caractère de classe d’un système qui ne protège que les possédants. Imposer l’interdiction est possible, comme les salariés ont imposé la journée de huit heures, les 40 heures, les congés payés, l’interdiction du travail des enfants. Le patronat n’accepte que les réformes que l’on lui impose. La plupart des droits obtenus par les salariés, mais aussi les droits des femmes, l’ont été par l’action collective. Imposer l’interdiction des licenciements, c’est imposer le droit à l’emploi, à la reconnaissance d’un droit social, c’est enfoncer un coin décisif dans la propriété privée des moyens de production, dans le pouvoir du patronat. Ils se sont assez gavés en profitant de notre travail et de lois d’injustice sociale. C’est le moment d’inverser la vapeur. La colère des Continental, des Sony, des Caterpillar ne doit pas rester isolée et sans issue. La Guadeloupe nous montre ce que l’on peut faire quand on est unis et déterminés.