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Sur le projet de réforme du régime forestier du Québec

mardi 31 mars 2009


Livre vert – La forêt pour construire le Québec de demain

Rouyn-Noranda, le 26 mars 2008

tiré du site de QS Abitibi-témiscamingue


La forêt est le capital québécois le plus important parce qu’elle jumelle sa grande valeur écologique avec son important potentiel économique. La forêt québécoise, qui représente 20 % des forêts canadiennes et 2 % des forêts mondiales, tout en contribuant généreusement à la purification et à l’oxygénation de l’air planétaire, elle constitue un puits de carbone inestimable, une réserve floristique et faunique précieuse et une ressource économique historique, incontournable et variée.

Cependant, depuis l’instauration du régime des CAAF en 1986, le contrôle de la forêt a été virtuellement remis aux industries et seule la notion de ressource économique était retenue dans le discours gouvernemental. La forêt québécoise était alors devenue « de la fibre » Dès lors, la forêt a été pillée à un point tel qu’aujourd’hui, aux dires même du ministère de l’Environnement, sa pérennité est en danger.

Processus de consultation

Le gouvernement du Québec vient donc tout juste de produire un livre vert visant la réforme du régime forestier du Québec et a confié aux conférences régionales des élus le mandat de consulter la population et de transmettre les positions régionales avant le 28 mars en vue de mettre en application en 2013 la réforme qu’il propose.

Comment expliquer l’empressement du gouvernement qui n’accorde pas aux intervenants le temps de bien comprendre les nouveaux enjeux qu’il propose dans sa réforme, ni celui d’exercer une réflexion sérieuse et globale alors qu’ironiquement une des principales orientations proposées dans ce livre vert est d’accorder plus de pouvoir aux régions ?

Quoique plus de six études, enquêtes et commissions aient déjà documenté le dossier de la forêt québécoise au cours des dernières années, le livre vert, produit par le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) et dont on ne connaît pas les auteurs, brille par son imprécision et un flou politique d’un couvercle à l’autre. C’est d’ailleurs ce qui se dégage des commentaires de la majorité des participants présents à la première soirée de consultation régionale tenue par la CRÉ à Rouyn-Noranda.

Québec solidaire demande donc au gouvernement de prolonger le délai accordé à la consultation, de mettre en place un véritable mécanisme de consultation et de préciser sa proposition de réforme pour la rendre compréhensible par tous les intervenants concernés.

Trop d’erreurs ont été commises par le passé et ont surhypothéqué la forêt québécoise pour que la réforme du régime forestier soit bâclée sans raison, la date de 2013 ciblée permettant facilement la réalisation d’une consultation digne de ce nom.

Commentaires sur les propositions du livre vert

Le livre vert propose 5 grands objectifs et 9 orientations. Québec solidaire constate que la plupart des orientations et des objectifs proposés dans le livre vert semblent faire écho à des besoins déjà exprimés ainsi qu’à certaines recommandations de la commission Coulombe (qui en proposait plus de 90). Cependant, l’imprécision du livre vert est telle que le cautionnement trop rapide de cette proposition de réforme risque, tout autant que la dernière réforme l’a fait, de mettre en péril la pérennité de la forêt québécoise.

Les commentaires que nous apporterons ici ne concernent que les éléments pour lesquels le niveau de précision (bien que limité à sa plus brève expression…) nous permettait de le faire et restent superficiels étant donné les trop courts délais qui nous ont été accordés. Sous aucune considération le fait de ne pas émettre de commentaires sur une orientation ne constitue notre accord avec son contenu. Les orientations qui n’auront pas fait l’objet de commentaires doivent plutôt être considérées comme des orientations mal documentées et qui ne permettent pas une prise de position éclairée.

Orientation 1 - Zonage du territoire forestier

Le zonage proposé dans le livre vert ne tient pas compte de l’importance d’une protection accrue de nos forêts et ne tient pas compte des erreurs passées tant au Québec que dans les pays scandinaves.

Aires protégées : une allocation plus généreuse (et plus réaliste) en aire protégée, parce qu’il s’agit d’une situation potentiellement réversible, crée une situation beaucoup moins dommageable pour la forêt québécoise que l’inverse. Si on protège 25 % de la forêt et que par la suite on constate qu’une protection adéquate devrait plutôt se situer autour de 18 %, il reste possible de modifier l’allocation. Par contre, si l’on n’a protégé que 8 %, la situation n’est plus réversible, on ne pourra quand même pas protéger des superficies qui auront déjà été rasées.

Note : en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario les aires protégées sont à plus de 12 % et à plus de 15 % aux États-Unis. La commission Coulombe recommandait 12 %.

Zone d’aménagement écosystémique : les types d’aménagements permis doivent être mieux définis pour préserver la diversité des forêts boréales et laurentiennes. Les types et les modes de prélèvement devraient être mieux définis et évalués en fonction des impacts destructeurs qu’ils peuvent avoir sur les sols, l’hydrologie et les écosystèmes. Les redevances devraient être justement établies pour la juste répartition de cette richesse collective.

Zones de sylviculture intensive : ces zones devront être judicieusement réparties en fonction de leur capacité de production (climatique, type de sol, irrigation, etc.) et être choisies à travers un filtre socioécologique global. Notamment, elles devront viser à réduire au maximum les impacts de l’exploitation forestière industrielle sur l’environnement par leur proximité avec les usines de transformation et les agglomérations de travailleurs pour réduire l’énergie et la pollution rattachés au transport ; elles devront consolider les populations dans les régions du Québec et contribuer à y améliorer la qualités des services disponibles ; etc.

Aires de réserve : autant pour la forêt que pour n’importe quel budget, il est impensable d’allouer 100 % des ressources disponibles sans prévoir une réserve pour répondre aux imprévus, aux erreurs ou aux omissions. Le MRNF a fait et fait toujours preuve d’une inconscience inquiétante en octroyant pratiquement 100 % de la possibilité forestière, laquelle est calculée sur la base de scénarios d’aménagement optimums. Ces aires de réserve constitueraient également une base sérieuse avec laquelle le gouvernement pourrait offrir une réponse concrète aux revendications territoriales des premières nations.

Québec solidaire propose le zonage suivant :

Aires protégées 18 %

Zone de sylviculture intensive 18 %

Zone d’aménagement écosystémique 54 %

Aires de réserve 10 %

Orientations 2 et 3 – Rôle du Ministère et gestion régionale

Le transfert de la gestion de la forêt, comme celui de l’ensemble des ressources naturelles, est demandé depuis longtemps par les intervenants régionaux et est plus que souhaitable pour une juste consolidation des structures et le développement socio-économique des régions en même temps que pour permettre la mise en valeur de l’ensemble des richesses naturelles à travers le filtre d’une analyse écologique.

Malheureusement ce qui semble transpirer du livre vert, c’est un transfert de responsabilité vers les régions sans transfert de moyens ni de ressources. « Il ne s’agit pas d’ajouter de nouvelles structures. Le projet viserait à unir les forces régionales pour assumer ces nouvelles responsabilités, … ». On sait qu’actuellement 50% des ingénieurs forestiers du Québec travaillent à Montréal et à Québec.

La gestion des forêts, même régionale doit respecter les principes fondamentaux de la démocratie citoyenne. L’organisme que sera responsable de ce mandat doit être indépendant et détaché de toute entrave politique tant municipale que régionale que provinciale. Par exemple, dans sa forme actuelle, la CRÉ ne pourrait assumer ce rôle, son président, étant un maire dans un comté, ne pouvant pas jouir du détachement nécessaire à une prise de décision favorable à la région, mais qui pourrait défavoriser sa municipalité.

Québec solidaire est en accord avec le transfert de la gestion de la forêt vers les régions. Cependant, des balises nationales précises doivent être établies et le transfert de responsabilité vers les régions doit être accompagné des moyens et des ressources nécessaires à son accom­plissement. Cette gestion doit être confiée à une nouvelle structure régionale indépendante et détachée politiquement.

Orientations 4 et 5 – Confier l’aménagement à des entreprises certifiées

– Établir une gestion par objectifs et par résultats

Les certifications perdent souvent de vue leur objectif de départ pour glisser dans des analyses technocraties de profils théoriques. Elles favorisent inévitablement les grandes entreprises (souvent extérieures) au détriment de plus petites entreprises locales qui pourraient s’acquitter parfaitement de leur mission sans cadrer dans un quelconque profil théorique intellectualisé dans un ministère. Les entreprises devraient être évaluées sur leurs résultats et le respecte de critères et objectifs clairement établis avant que de nouveaux mandats leur soient confiés.

Le nouveau mode de gestion devrait favoriser les petites et moyennes entreprises régionales et le gouvernement devrait exiger que toute grande entreprise oeuvrant dans le domaine de l’exploitation des richesses naturelles du Québec soit détenue à plus de 51 % par des actionnaires québécois.

Les entreprises ne devraient pas être sélectionnées par appel d’offres à partir du seul critère de la concurrence et de la performance. Des critères de respect de l’environnement précis devraient être établis et les entreprises de cueillette soumettant les méthodes de cueillette les moins dommageables pour les sols et l’ensemble du territoire devraient être favorisées.

Québec solidaire propose que les entreprises n’aient pas l’obligation d’obtenir une certification spécifique mais aient à répondre à des critères et objectifs précis permettant une évaluation continue pouvant mener à un retrait de contrat en cas d’échec. Parmi ces critères, l’amélioration des conditions de travail des travailleuses et travailleurs forestiers doit être prépondérante.

Tous les organismes génétiquement modifiés doivent être proscrits des aménagements en forêt québécoise.

Orientation 6 – Approvisionnement stable et droit de premier preneur

Cette orientation qui semble dissocier le contrat d’aménagement des contrats d’approvisionnement est revendiquée depuis de nombreuses années par le milieu forestier. Afin de ne pas complètement déstabiliser le marché actuel, le livre vert propose d’accorder aux grands acteurs actuels un privilège de droit de premier preneur. À notre avis, il s’agit là d’un mal nécessaire, car nous croyons que la transformation des forêts québécoises en fibres pour pâtes et papier et en pièces de bois de première transformation constitue l’utilisation commerciale de la forêt la moins rentable pour les régions. Tout doit être mis en œuvre pour que ce type d’exploitation s’atrophie graduellement au profit de plus petites entreprises régionales et de coopératives ciblant la valeur ajoutée et l’utilisation maximale de la main-d’œuvre locale.

Comme mentionné à l’orientation 4, le support du gouvernement devrait être accordé aux entreprises qui œuvrent à la 2e et 3e transformation ou à toute valeur additionnelle ajoutée en privilégiant celles de petite et moyenne envergure. Le gouvernement devrait exiger que toute grande entreprise oeuvrant dans le domaine de l’exploitation des richesses naturelles du Québec soit détenue à plus de 51 % par des actionnaires québécois.

La proposition de soustraire 25 % des volumes disponibles à l’offre au droit de premier preneur nous semble intéressante pour les motifs présentés dans le livre vert.

Québec solidaire demande que les règles du jeu à l’intention des compagnies pouvant se prévaloir d’un droit de premier preneur soient claires et déterminées pas le gouvernement et les organismes de gestion régionaux.

Québec solidaire propose que les petites et moyennes entreprises régionales soient favorisées et que toute grande entreprise oeuvrant dans le domaine de l’exploitation des richesses naturelles du Québec soit détenue à plus de 51 % par des actionnaires québécois.

Orientation 7 – Mise en marché des produits provenant de la forêt québécoise

La proposition du livre vert présente des pistes intéressantes sur lesquelles toutefois, en l’absence de détails et de procédures précises, nous ne pouvons nous prononcer.

Nous croyons que la mise en marché doit impérativement tenir compte des types d’essences, de la valeur spécifique différenciée de chacune des composantes de l’arbre et des diverses possibilités de transformation locales. Les redevances doivent correspondre à la juste valeur marchande établie à partir de ces critères et leurs retombées doivent principalement être utilisées dans les régions ressources (aménagement forestier spécifique, recherche et dévelop­pement, support à l’emploi, prise en charge régionale, etc.).

Québec solidaire demande que les redevances correspondent à la juste valeur marchande des produits de la forêt et que leurs retombées soient principalement utilisées dans les régions.

Orientation 8 – Fonds d’investissement pour la sylviculture intensive

Les sources de financement de ce fonds d’investissement semblent assez nébuleuses. Il peut être nécessaire au départ que le gouvernement investisse dans le démarrage des nouvelles aires de sylviculture intensives ; par contre les revenus de la vente des ressources de ces aires devraient couvrir les coûts de mise en culture et amener des profits aux régions et à l’État.

Québec solidaire propose que le gouvernement contribue à ce fonds sous la forme de prêts de démarrage seulement et que ce fonds non seulement devienne autosuffisant mais gère, après le remboursement des prêts de démarrage, des profits pour les régions et pour l’État.

Orientation 9 – Stratégie de développement axée sur les produits à forte valeur ajoutée

Plusieurs propositions du livre vert à l’orientation 9 peuvent mener à une amélioration de la mise en valeur de la forêt québécoise, notamment :

Mesures incitatives pour accroître l’utilisation des bois de structure. Grâce à sa politique d’utilisation du bois, la population de la Finlande consomme le double de bois par habitant comparativement au Québec.
Soutien à l’innovation de produits du bois de haute technologie
Support à la recherche, à la formation et au perfectionnement de la main-d’œuvre
Support aux créneaux d’excellence régionaux. Chantiers Chibougamau constitue un exemple remarquable dans cette catégorie. Le gouvernement ne devrait pas attendre 2013 pour résoudre le problème actuel d’approvisionnement vécu par cette entreprise.
Le manque de précision ne nous permet pas de présenter ici tous nos commentaires ou suggestions pour bonifier la démarche.

Par contre, d’autres propositions à la présente orientation peuvent être inquiétantes, notamment :

Substitution des carburants fossiles par la biomasse forestière
En apparence cela peut semblé une avenue intéressante, par contre, l’exemple récent de l’éthanol fabriqué à partir du maïs (qui demande plus d’énergie à sa production qu’elle n’en offre à son utilisation et qui contribue en fin de compte à affamer encore plus les pays affectés par la famine) nous enseigne que des recherches sérieuses devront être mener avant d’envisager le développement de cette avenue.

L’éthanol cellulosique présente toutefois une avenue qui pourrait donner un débouché aux tonnes de résidus de coupe actuellement gaspillés en forêt. De plus, cela remplacerait éventuellement l’industrie des pâtes et papiers qui est en déclin, la seule qui transforme actuellement les bois de faible qualité dont la récolte est nécessaire à l’assainissement des forêts dégradées par l’industrie au cours des dernières décennies.

Appui à la diversification du secteur des pâtes et papier vers les papiers du futur
Avant d’injecter des fonds publics dans ce secteur qui a déjà été démesurément financé et dont les principaux acteurs privés ont pillé les forêts québécoises au cours des 40 dernières années, une analyse sérieuse du marché mondial devra documenter cette filière.