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VENEZUELA : La Révolution bolivarienne à la recherche d’un second souffle

mardi 12 août 2008

La défaite du président Hugo Chavez lors du référendum de décembre dernier marque un tournant important dans le processus bolivarien qui a débuté il y a maintenant plus de dix ans. Suite à cette défaite une question essentielle se pose : accélérer le processus vers une société socialiste ou bien au contraire préférer le statu quo en centrant la révolution sur la seule image du président.


VENEZUELA : La Révolution bolivarienne à la recherche d’un second souffle par Fernando Esteban

Fernando Esteban (pseudonyme), militant de la IVe Internationale, travaille actuellement au Venezuela.

tiré d’Inprecor N° 539-540, 2008-06-08


La défaite du président Hugo Chavez lors du référendum de décembre dernier marque un tournant important dans le processus bolivarien qui a débuté il y a maintenant plus de dix ans. Suite à cette défaite une question essentielle se pose : accélérer le processus vers une société socialiste ou bien au contraire préférer le statu quo en centrant la révolution sur la seule image du président.

Après treize élections gagnées d’affilée, la défaite de décembre a eu l’effet d’un coup de massue sur l’ensemble de la gauche bolivarienne. Pour la première fois en dix ans, le peuple vénézuélien a marqué sa désapprobation, malgré les avancées notoires de la révolution.

Les avancées de la révolution

Dans un pays qui est le quatrième exportateur mondial de pétrole et qui possède la plus grande réserve pétrolière du monde, le pétrole est une arme financière redoutable. Les bénéfices engendrés par PDVSA (entreprise pétrolière du pays) permettent de financer les « missions » de la révolution.

Parmi les plus importantes celles d’éducation :

— La mission Robinson vise à apprendre à lire et à écrire aux analphabètes.

— La mission Ribas forme des bacheliers.

— La mission Sucre offre l’accès à l’université à des élèves que l’ancienne république avait exclus. Dans ce but, une université bolivarienne a été créée et implantée dans tout le pays. Elle se situe en parallèle avec les universités vénézuéliennes classiques dont les plus connues sont l’Université Centrale du Venezuela (Caracas) et l’Université Andine (Merida).

Ces missions éducatives rencontrent un vif succès. Les étudiants, de tous âges, sont très nombreux, à tel point que les centres où elles se déroulent se multiplient. Cet engouement s’explique en partie par la méthode d’enseignement utilisée. Les cours se font sur cassette vidéo, un(e) enseignant(e) est là pour aider le groupe, qui est toujours assez petit. Ici, il n’y a pas de place pour l’évaluation-sanction. Tout est fait pour encourager les progrès de l’apprenant. Et les résultats parlent d’eux-mêmes : en octobre 2005, l’UNESCO a très officiellement proclamé le Venezuela « territoire libéré de l’analphabétisme ».

Une autre des missions les plus connues est la mission « Barrio adentro » qui est une mission médicale. Dans le cadre d’un accord avec Cuba, près de 15 000 médecins cubains sont aujourd’hui employés par le gouvernement vénézuélien. L’accès à la santé est donc devenu totalement libre et gratuit. Installés dans des cabinets médicaux, tous construits sur le même modèle, les médecins soignent la population, mais en même temps informent et sensibilisent aux règles d’hygiène et à la contraception. Ils tiennent aussi de nombreuses statistiques à jour afin de voir l’évolution sur le plan médical de la population. Les progrès sont notoires, et l’ensemble de la population, notamment dans les barrios, a vu ses conditions de vie s’améliorer largement grâce à ces médecins.

Nous pourrions parler de la mission Mercal qui commercialise des produits alimentaires à bas prix. Créée pour tous les Vénézuéliens, elle s’adresse plus spécifiquement à la population démunie.

Nous pourrions aussi nous étendre sur la mission Piar qui vise à améliorer les conditions de vie des mineurs, ou de Vuelvan Caras qui a pour but de développer les coopératives de production, ou encore de Guaicai qui travaille à restituer les droits des peuples et des communautés indigènes du pays. Chavez répète souvent que « pour lutter contre la pauvreté, il faut donner le pouvoir aux pauvres ». Les missions sont là pour ça… pour aider cette population nécessiteuse des barrios, celle-là même qui est descendue dans la rue lors du coup d’État en 2002 pour le rétablir.

Enfin, comment parler des avancées de la révolution bolivarienne sans évoquer l’une des réformes essentielles du processus : la loi de la terre et de la pêche. A elles seules huit familles du pays possèdent conjointement plus de 150 mille hectares de terrains. Cela représente à peu près l’équivalent de dix-huit fois la surface de la capitale du Venezuela, où vivent plus de 4 millions de personnes. De surcroît ces immenses biens fonciers demeurent la plupart du temps non cultivés, alors qu’ils sont situés dans les régions les plus fertiles du pays. Il faut souligner que certaines grandes exploitations, comme par exemple la compagnie de production de liqueurs Santa Teresa, implantées dans les vallées de l’Aragua, ne disposent d’aucun titre de propriété sur les terres qu’elles occupent. La loi a permis de lancer un processus de répartition plus équitable de la richesse foncière en régularisant le partage de la terre entre paysans par l’intermédiaire de l’Institut national des terres. Elle a stimulé la construction de centres de population ruraux dotés de services, donnant à leurs habitants accès à la santé et à l’éducation, pour mener une vie plus digne. La loi protège les paysans pauvres, stimule la formation de coopératives et d’autres formes de production associatives en les soutenant financièrement et techniquement et en créant parallèlement les conditions de leur viabilité économique par la mise en place des voies de transport et de commercialisation nécessaires.

Retour sur le référendum perdu

On peut donc s’étonner que malgré ces avancées notoires, Hugo Chavez ait perdu le référendum de décembre dernier. D’autant plus que dans la proposition du président, on pouvait notamment trouver :

— la reconnaissance de la participation populaire au travers des Conseils de Pouvoir Populaire (comme par exemple, les Conseils Étudiants, Paysans, etc..), les associations de travailleurs, de coopératives, d’entreprises communautaires ;

— le renforcement du droit au travail incluant la création d’un fonds de stabilité sociale pour les travailleurs permettant à ceux-ci, avec l’aide de l’État, de bénéficier de droits étendus en matière de retraite, pensions, congés payés ;

— la réduction de la journée de travail de 8 à 6 heures quotidiennes, et de 40 à 36 heures hebdomadaires ;

— la reconnaissance des spécificités des groupes indigènes et des groupes descendants de l’immigration forcée africaine en leur garantissant la jouissance d’une attention particulière de la loi ;

— la création d’un modèle économique productif étatique, fondé sur les valeurs d’humanisme, de coopération et de prépondérance de l’intérêt commun sur l’intérêt particulier. L’État promouvant et développant des formes distinctes d’entreprises et d’unités économiques de propriété sociale, communale ou étatique, de production et de distribution sociale, de statuts mixtes entre l’État et le secteur privé, en créant les meilleures conditions à la réalisation de l’économie socialiste.

Autant d’avancées sociales qui pouvaient laisser penser que les classes populaires se mobiliseraient pour voter une nouvelle fois en masse en faveur des propositions de Chavez. Or il n’en fut rien, au contraire. Le référendum est plus une défaite du président vénézuélien qu’une victoire de l’opposition. Si on compare les résultats à ceux de la dernière élection présidentielle, gagnée par Chavez avec 61,35 % des voix, l’opposition stagne avec 4 millions de voix alors que Chavez perd lui 3 millions de voix. L’abstention a été de 45 %. En fin de compte, c’est par seulement 200 000 voix que la proposition constitutionnelle est rejetée.

La plupart des médias français et occidentaux sont très vite montés au créneau pour saluer la sagesse du peuple vénézuélien. Pour eux l’explication de cet échec est simple, linéaire, et se développe en deux points : refus d’un modèle socialiste « à la cubaine » et refus de permettre à Chavez de pouvoir se représenter à la présidence de manière indéfinie. Certes, l’article 230 de la nouvelle Constitution proposait un allongement de la période présidentielle à 7 ans avec la possibilité de se représenter immédiatement et de façon indéfinie. Une telle proposition n’est évidemment pas satisfaisante. De là à conclure que Chavez veut faire du Venezuela une dictature comme cela a été écrit, c’est omettre un peu vite que ce même système est en vigueur en France ou dans d’autres démocraties européennes sans que cela ne pose le moindre problème à ces médias bien-pensants. Ceux-là même ont d’ailleurs vite oublié de rappeler que le Venezuela est bien une démocratie puisque Chavez a reconnu sa défaite et félicité ses opposants au soir des résultats.

Les raisons de la défaite sont sans doute à chercher ailleurs.

Les raisons de la défaite

D’abord, en voulant satisfaire largement la population, la proposition n’a, au final, satisfait personne. Le renouvellement du mandat présidentiel était clairement là pour satisfaire l’aile modérée du processus bolivarien. Celle qui se réclame d’un chavisme sans socialisme. Par contre elle ne pouvait pas convenir à l’aile la plus radicale du processus. C’est ainsi que l’on a pu voir des personnalités comme Orlando Chirino, membre de la direction de la première confédération syndicale du pays, l’ UNT, prendre officiellement position contre la proposition. A l’inverse, tout l’aspect social de la réforme, décliné plus haut, était inacceptable pour une nouvelle bourgeoisie bolivarienne qui ne veut pas de socialisme. De ce point de vue, un symbole éclairant a été la prise de position forte contre la réforme du général Baduel, vieux compagnon de route de Chavez.

Ensuite, il y a très clairement eu un problème dans la méthode choisie par lui. Le Président vénézuélien a travaillé à une réforme constitutionnelle, en la cantonnant à un groupe d’amis choisis et rassemblés autour de sa propre personne. Au-delà des propositions de réforme, Chavez a ainsi fait disparaître par décret la formule originale de cette révolution : celle d’un processus populaire, révolutionnaire, démocratique de caractère constituant. Le maximum qui a pu être obtenu est une scène de discussion ouverte autour de l’assemblée constituante de 1999. Au moment où le contexte offrait la possibilité d’aller beaucoup loin, d’entreprendre une réforme en structurant des espaces d’échange et de pouvoir dans tout le pays, Chavez a mis au pied du mur tout le mouvement bolivarien et révolutionnaire en lui imposant d’être avec ou contre lui. L’issue restante, consistait en ce que le modèle de réforme proposé par Chavez soit un brouillon de travail pour toute une quantité d’espaces constituants organisés dans tout le pays, en cherchant peut-être son approbation mais en gagnant un modèle de légitimité et de concrétisation de la démocratie constituante et révolutionnaire. De fait, la réforme passait quasiment au second plan car Chavez devait personnifier dans la campagne le référendum au point de le transformer en plébiscite. C’est le fameux « Voter Non c’est voter Bush, voter Oui c’est voter Chavez ».

Face à cela l’opposition a développé une campagne terriblement efficace. A coup de spots publicitaires, mais aussi en allant dans les quartiers populaires, l’opposition n’a eu de cesse d’expliquer qu’avec la réforme et « l’arrivée du socialisme », l’État serait propriétaire de tous les biens privés et pourrait se saisir de manière absolument légale des maisons, voitures de tout un chacun. Jouer sur la peur, en expliquant que le socialisme c’est prendre à celui qui a peu ou rien, l’argumentaire a fait mouche.

Enfin, la raison principale de cet échec est sans doute la montée d’une certaine contestation dans le camp bolivarien. La volonté de résumer la révolution bolivarienne à la seule figure de Chavez, la manière dont le Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV) se constitue, sans beaucoup de concertation, et aujourd’hui la façon dont on a tenté d’imposer la réforme, expliquent cette grogne. L’abstention a été forte parce que la proposition de Chavez, tant sur la forme que dans ses contenus essentiels, n’offrait pas de perspectives pratiques démocratiques et contre-hégémoniques. Comme Sébastien Ville et François Sabado l’indiquent dans Rouge n° 2230, « cette défaite répond à la dégradation des relations entre le pouvoir et les secteurs les plus combatifs de la révolution bolivarienne ».

Il est utopique de penser que dans l’Amérique latine d’aujourd’hui, il est possible d’imposer le socialisme par en haut. Le défi est de construire une démocratie radicale, opposée au statu quo actuel mais pluraliste en termes d’acteurs et d’idéologies populaires. Face à ce premier revers, les tentations sont grandes pour l’aile modérée du chavisme d’imposer une nouvelle réforme en minorant les aspects socialisants ou socialistes, en expliquant que ceux-ci ont été la cause de l’échec du 2 décembre. Tout l’enjeu pour le mouvement social est donc d’imposer au processus qu’il continue sa marche en avant. Et de ce point de vue, il y a fort heureusement des points positifs.

La nationalisation de Sidor

Tout d’abord, il y a bien entendu la toute nouvelle nationalisation de Sidor. Après trois mois de grève acharnée et de lutte, le mercredi 8 avril, Hugo Chavez est enfin intervenu et a accepté de renationaliser la plus importante usine sidérurgique du pays, privatisée en 1997 par le Président Caldera.

Au cœur du débat, la dénonciation par les ouvriers et le syndicat UNT de la transgression par Sidor des lois vénézuéliennes sur le travail. Piétinant la convention collective, la direction de Ternium-Sidor, entreprise détenue à 20 % par l’État, 20 % par les ouvriers et à 60 % par le consortium italo-argentin Techint, maintenait dans une précarité salariale absolue depuis 15 mois les 15 000 ouvriers dont 9 000 précaires. Non seulement la direction refusait jusqu’à présent d’appliquer les améliorations salariales votées légalement en assemblée générale par les ouvriers, mais au contraire prétendait imposer des réductions d’effectifs, des réductions salariales, des modifications des contrats de travail dans le sens d’une plus grande précarité, ainsi qu’une révision à la baisse des retraites versées aux anciens employés.

Pire encore, alors que la détention de 20 % du capital permettait aux ouvriers de désigner un des co-présidents, la direction refusait catégoriquement de reconnaître la validité de ce vote. Jusqu’alors protégée par José Ramon Rivero, ministre du travail, la direction de l’entreprise pensait pouvoir compter sur le fait qu’elle bénéficiait de capitaux étranger pour continuer à bafouer la loi vénézuélienne. Alors que Rivero n’a jamais cherché à négocier et à au contraire préféré imposer une épreuve de force aux ouvriers, comme il l’avait précédemment fait en août dernier face aux camarades de l’UNT du secteur public, il vient d’être désavoué de manière cinglante par Chavez.

Le 4 avril dernier, le syndicat UNT organisait un référendum où deux questions étaient posées aux ouvriers de l’usine : d’abord s’ils étaient ou non d’accord avec la proposition patronale faite autours de la table des négociations, et ensuite s’ils souhaitaient poursuivre la grève et les négociations. Malgré les trois mois de lutte, les ouvriers ont répondu non à la première question par 3 338 votes contre 65, et oui à la deuxième par 3 195 contre 97.

Le lundi 7 avril, las de la résistance ouvrière, le gouvernement a décidé, par la voix de son vice-président Ramón Carrizales, de convoquer de nouvelles négociations. Négociations où cette fois, le ministre José Ramon n’était pas convié. Sous la pression constante de 600 travailleurs gardant en permanence l’usine, il aura fallu moins de 48 heures pour sortir de la crise.

La chute de Rivero

Cette lutte aura par ailleurs signé la chute de José Ramon Rivero. Ce n’est pas la première fois que les camarades de l’UNT s’affrontaient à lui. Le 15 août dernier, les représentants syndicaux de l’UNT, travailleurs du Ministère du travail public du Venezuela, avaient rendez-vous avec sa directrice de cabinet, Lennina Galindo, afin de présenter leur projet de convention collective nationale pour l’ensemble des travailleurs du secteur public. A leur arrivée, il leur est indiqué que la directrice de cabinet est en réunion avec le ministre José Ramón Rivero. Les représentants syndicaux décident donc d’attendre. A la fin de la journée, on revient à nouveau les voir pour leur indiquer que sur ordre du ministre, Lennina Galindo n’est pas autorisé à les recevoir.

Les syndicalistes, furieux, décident alors d’occuper le Ministère, jusqu’à être reçus. Quarante-cinq personnes, hommes et femmes, restent donc à attendre. Dans un premier temps, chef de cabinet, vice-ministre sont envoyés pour convaincre les récalcitrants de sortir du Ministère. Puis, comprenant qu’il ne pourrait éviter une confrontation, le ministre ordonne la fermeture des portes, mais aussi la coupure de l’eau et de l’électricité. Six jours se sont ainsi écoulés sans évolution de la situation. On empêche les pompiers de rentrer, on interdit tout contact avec les employés du ministère qui, par solidarité, tentent vainement de leur faire parvenir de la nourriture.

Privés d’eau, d’alimentation, de médicaments, devant ce manquement grave aux droits élémentaires de la personne humaine, les courageux syndicalistes restent tout de même en place. Le ministre fait alors appel à l’armée pour les évacuer. Celle-ci se rend sur les lieux, constate l’occupation, mais décide de ne pas intervenir. Furieux, le ministre décide alors d’utiliser purement et simplement des méthodes mafieuses, en faisant appel à des voyous de quartiers. Promettant à chacun 50 000 bolivars (environ 15 euros), il leur demande de faire sortir manu militari ces syndicalistes qu’il présente comme des opposants anti-chavistes. S’en suit une évacuation violente du ministère où les syndicalistes sont chassés par des voyous armés de revolvers.

Mais le plus cocasse de l’histoire n’est pas dans l’évacuation en tant que telle.

En fait, ces camarades syndicalistes sont tous membres des courants C-CURA et Marea Socialista de l’UNT, et se revendiquent pour beaucoup comme trotskistes. Et au moment où l’évacuation se déroulait, ce même ministre faisait un discours d’inauguration lors du premier hommage officiel rendu par la République bolivarienne à… Léon Trotski ! Telles sont les méthodes de Rivero.

Enfin, au moment de son éviction, Rivero était entrain de tenter de monter une nouvelle centrale syndicale, directement en concurrence avec l’UNT, et qui aurait été aux ordres. Si ce projet semble avoir été gelé avec le départ de Rivero, rien n’indique qu’il ne sera pas ressorti un jour du placard par l’aile droite du chavisme.

Les manœuvres internes au PSUV

Celle-ci semble pour le moment plus préoccupée par le PSUV, Parti Socialiste Unifié du Venezuela, le nouveau parti regroupant l’ancien MVR de Chavez, et une partie du Parti Communiste Vénézuélien, du PPT et de Podemos. Courant du mois de mars, le vote de la direction a eu lieu.

La première étape a consisté à la désignation des militants qui ont eu le droit de vote. Sur 5 millions d’adhérents, seuls 80 000 ont pu voter, sans que l’on sache sur quels critères ce choix a été établi. Dans une deuxième, Chavez a annoncé en direct à la télé une liste de 70 noms dans laquelle il fallait choisir les 35 personnes qui allaient composer la direction nationale. Enfin, troisième étape, les 35 de la direction nationale élus, Chavez a désigné en direct à la télé les membres du bureau politique. On y retrouve uniquement des membres du gouvernement, et il n’y a aucun représentant du mouvement social ou syndical. Le vote des délégués dans chacun des bataillons (structure de base) s’est déroulé sans qu’il puisse y avoir un contrôle des résultats.

Malgré ce cadrage de la bureaucratie, il reste des espaces politiques au sein même du PSUV. Ainsi par exemple, au moment du vote des 35 personnes devant composer la direction nationale, une liste faite par le gouvernement a circulé, pour indiquer les noms pour lesquels il fallait voter. Malheureusement pour eux, les 80 000 grands électeurs, n’ont pas suivi les consignes et ont voté librement. Ce qui explique sans doute en partie la reprise en main de Chavez et sa nomination directe au bureau politique. De la même façon, le camarade Gonzalo Gomez, membre de Marea Socialista, a réussi à être élu comme délégué, malgré l’opposition de la bureaucratie.

Certes, l’apprentissage au sein de cette grosse machine qu’est le PSUV est extrêmement compliquée, néanmoins l’assiduité et l’âpreté dans le combat politique dont font preuve les camarades de Marea Socialista, au premier rand duquel Stalin Perez, leur permet de gagner de l’audience. Ces petites victoires politiques du quotidien valident a posteriori le choix de rentrer dans le PSUV et d’appeler à voter oui au moment du dernier référendum. A contrario, les positions des camarades de la C-CURA et d’Orlando Chirino sur ces deux principaux points, tendent à les mettre hors-jeu du champ politique.

Prochaines échéances électorales

Dans ce contexte, les élections municipales de novembre s’annoncent très compliquées. Il y a fort à parier que le camp chaviste perde un nombre conséquent de villes, ce qui affaiblirait encore un peu plus le processus. Au moment où la révolution semble chercher un second souffle, les problèmes du quotidien refont surface. L’inflation galopante de 20 % par an, l’insécurité, le problème des ordures, du chômage, de la corruption sont autant d’éléments qui contribuent à peser sur le processus et qui joueront un rôle prépondérant au moment de mettre un bulletin dans l’urne. Certes, ces problèmes ne sont pas nés avec la révolution bolivarienne et sont hérités de l’ancienne république, toutefois, les chavistes doivent à la fois pouvoir répondre sur les questions liées aux conditions de vie tout en continuant à proposer un autre projet de société.

Depuis dix ans, la révolution continue d’être sans cesse attaquée par la bureaucratie capitaliste, ce qui lui impose de résoudre les problèmes stratégiques de l’industrialisation et de la nationalisation, du développement de l’agro-industrie dans les campagnes, et surtout de la banque privée qui contrôle encore les finances publiques et les taux d’intérêt de l’emprunt (qui est de l’ordre de 32 %). Si le camp bolivarien ne prend pas ces problèmes à bras-le-corps, les villes de Ciudad Guyana (le plus important bassin sidérurgique du Venezuela), de Puerto La Cruz (ville pétrolière), de Valencia (principale ville industrielle du pays) et même de Caracas, la capitale, peuvent être perdues, et au-delà mettre un coup d’arrêt à la révolution.

Aussi, plus que jamais il est important de défendre le processus bolivarien. Bien sûr celui-ci connaît des errements, des dérives condamnables telles celles que nous avons pu développer ci-dessus, et nous n’aurons de cesse de les condamner. Néanmoins, il convient de répéter avec force que la révolution bolivarienne reste de loin, et malgré ses erreurs, le phénomène le plus intéressant existant à ce jour sur la planète. De lui dépend l’équilibre de toute la région andine et caribéenne. Si un coup fatal lui était porté, les processus bolivien et équatorien s’effondreraient. C’est l’expérience cubaine qui prendrait fin. Malgré des avancées incontestables au bénéfice des couches les plus défavorisées, la lourdeur bureaucratique de l’appareil d’État ainsi que le contexte continental pèsent énormément. Voilà pourquoi il est important de suivre et de soutenir le mouvement social vénézuélien. Certes, celui-ci reste affaibli et divisé. Mais c’est sa capacité à s’unir qui permettra de donner un second souffle à la révolution et radicalisera un processus qui est encore et toujours trop dépendant de la seule figure d’Hugo Chavez.

Caracas, le 22 mai 2008