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Mode de scrutin :

Gare à une réforme cosmétique

dimanche 23 février 2003, par Paul Cliche

Des journaux ont publié récemment un texte de M. Réjean Pelletier, du Département de science politique de l’Université Laval, où ce dernier propose l’instauration au Québec d’un mode de scrutin mixte où 75 députés seraient élus dans des circonscriptions locales selon le mode de scrutin majoritaire actuel et 50 autres sur une base régionale en se servant du scrutin proportionnel, soit une proportion 60%/40%.

Il faut noter que la proposition de M. Pelletier diffère radicalement du scrutin mixte de type allemand qu’on a évoqué à plusieurs reprises ces derniers mois en ce qu’elle ne contient pas de principe compensatoire pour que le scrutin proportionnel vienne corriger les distorsions entre les votes et les sièges provenant du scrutin majoritaire. C’est donc dire que les deux modes de scrutin fonctionneraient en parallèle ; leurs résultats s’ajouteraient simplement l’un à l’autre.

Il s’agit là d’un système mixte à finalité majoritaire (mixed-member majoritarian) du type qui est utilisé présentement en Italie et au Japon. Par contre, les systèmes mixtes utilisés en Allemagne, en Nouvelle-Zélande, au Vénézuela, en Écosse, et au Pays de Galles sont de type compensatoire ou dits à finalité proportionnelle.

Au Québec, la proposition de M. Pelletier a été étudiée, sous le nom de "scrutin mixte indépendant", dans le livre vert sur la réforme du mode de scrutin publié en 1978 par le gouvernement Lévesque. Or, les simulations reproduites dans ce document, à partir des résultats des élections de 1976, démontrent que cette formule a pour effets de réduire quelque peu la prime accordée parti vainqueur par le système actuel, ainsi que de corriger en bonne partie la sous-représentation du principal parti d’opposition. Par contre, les tiers partis continuent de se voir dénier le droit à une représentation le moindrement équitable.

J’ai moi-même effectué une simulation à partir des résultats des élections de 1998 en établissant une proportion de 60%/40% pour respecter la répartition 75/50 proposée par M. Pelletier. Encore là, la prime du Parti québécois aurait été quelque peu réduite, mais il aurait continué à former un gouvernement majoritaire même s’il s’est classé second dans les suffrages. Quant à l’injustice causée au Parti libéral elle aurait été presque complètement annulée en terme de sièges, l’Action démocratique aurait continué à être la grande perdante en ne voyant sa sous-représentation réduite de moins de moitié.

J’en viens à la conclusion que le genre de réforme proposée par M. Pelletier n’est que cosmétique parce qu’elle n’aurait pour principal effet que de consolider la domination parlementaire assurée en bonne partie par un mécanisme électoral à laquelle la volonté populaire a malheureusement été subordonnée jusqu’ici. La réforme projetée doit, au contraire, rendre possible une représentation équitable à l’Assemblée nationale des principales composantes qui caractérisent notre société pluraliste. On n’atteindra pas cet objectif par une pseudo réforme servant de paravent à un système qui continuera à tenir la dragée haute aux partis politiques en émergence qui sont représentatifs de cette diversité comme, par exemple, l’Union des forces progressistes et le Parti vert.

Paul Cliche, auteur du livre "Pour la réduction du déficit démocratique : le scrutin proportionnel
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